lundi 16 mai 2022

Universelle inertie

Dans ces campagnes du centre de la France, il semble parfois - trop souvent - qu'un des maîtres-mots soit : ne changeons rien. On a toujours fait comme ça, alors pourquoi faire autrement ? Les gens ont leurs habitudes, ne les bousculons pas.
Créer un groupe de réflexion sur l'énergie réunissant élus et citoyens ? Vous n'y pensez pas, ça ne s'est jamais fait et puis les élus ont été élus, contrairement aux citoyens. Chacun doit tenir son rang. Ouvrir un tiers lieu ? Mais pour quoi faire ? Qu'est-ce que ça changera ? Un collègue est végétarien ? Veut-il mettre au chômage tous nos éleveurs ? Moi, il me faut de la viande à tous les repas.

La lecture, ces derniers jours, de deux livres totalement différents m'amène à relever deux passages qui résonnent. Où l'on voit qu'ailleurs aussi l'inertie alourdit le quotidien et plombe les enthousiasmes.

En montagne tout d'abord, et plus précisément dans les Alpes italiennes, en Vallée d'Aoste, dans le roman "La félicité du loup" (1) :
"C'était toujours pâtes, viande, pommes de terre, fromage ; il suffisait de remplacer la viande par l'omelette pour que, des tables, s'élèvent des protestations. C'était ça, le genre de choses qui pesaient à Babette. Le fait que tout ce qu'on pouvait inventer pour apporter un changement là-haut se heurtait à de l'indifférence, quand ce n'était pas de l'hostilité, au point de décourager toute nouvelle tentative. Il en allait ainsi des pots de fleurs sur la terrasse comme des légumes au menu ouvrier, alors un atelier de théâtre..."

En Slovaquie ensuite. Dans un texte intitulé "Tournesols en sous-sol, Bratislava" (2), l'écrivain slovaque Michal Hvorecky parle du rabbin , écrivain et juge Hatam Sofer (1762-1839). "Son credo était : tout ce qui est nouveau est contraire à la Torah. Sofer refusait toute innovation, aussi minime fût-elle." Des milliers de juifs orthodoxes, de partout dans le monde, viennent chaque année se prosterner devant son tombeau en Slovaquie. "Dans son refus de toute nouveauté, je reconnais un précédent aux crises européennes actuelles, l'effort désespéré de sauver une communauté menacée, la peur de la modernité et l'aveu de sa propre faiblesse. Je trouve que l'expérience du rabbin est une métaphore de l'abîme spirituel de l'homme contemporain, de son égarement dans un monde connecté de plus en plus complexe."

La résistance au changement, aussi minime fût-il, pour se protéger d'un monde vu comme incompréhensible, voire inquiétant. L'usage excessif du frein pour se protéger d'un monde qui s'accélère trop. Et au bout du compte, la stagnation ou même le recul.

Bons plans pour ne pas se laisser plomber par les inertes :
- écouter "Carnets de campagne - Le journal des solutions", du lundi au vendredi de 12h30 à 12h45 sur France Inter ;
- lire le trimestriel Village - le plein d'énergie positive.

(1) Paolo Cognetti, "La félicité du loup", Stock, 2021.
(2) "Le Grand tour", ouvrage collectif sous la direction d'Olivier Guez, Grasset, 2022 - vingt-sept écrivains, un par Etat-membre de l'UE, a écrit un texte sur un lieu évocateur de la culture et de l'histoire du continent.

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