lundi 26 février 2024

Héroïsme et indécence

Il y a quelques jours, quatre-vingt ans exactement après son exécution par les nazis, la dépouille de Missak Manouchian entrait au Panthéon en compagnie de celle de sa femme Mélinée. Ils n'étaient pas seuls. Manouchian représentait ses vingt-et-deux compagnons de résistance. Ils étaient Arméniens, Italiens, Espagnols, Juifs polonais ou hongrois, tous étrangers, communistes, membres des FTP-MOI, les Francs-Tireurs Partisans - Main d'œuvre immigrée. Tous arrêtés par la police française, puis exécutés par des soldats allemands.
Par deux fois, Missak Manouchian avait demandé la nationalité française. Par deux fois, elle lui avait été refusée. Un refus qui ne l'avait pas empêché de risquer sa vie en entrant en résistance pour tenter de libérer de l'oppression nazie le pays qui l'avait accueilli.

Pour l'extrême droite, dans ses positionnements simplistes, tout étranger est par nature suspect de vouloir profiter des largesses sociales de la France qui ne peut dès lors que lui fermer ses frontières. Cette extrême droite, durant la guerre, on la trouvait dans les rangs des collaborateurs, du côté des soutiens au régime nazi. Pas dans la résistance. Lors de son procès d’opérette, Manouchian a dit à ses bourreaux : "Vous avez hérité de la nationalité française, nous, nous l’avons méritée". L'extrême droite est beaucoup moins française que ces étrangers héroïques.
Le président Macron avait estimé que, par "esprit de décence", "les forces d’extrême droite seraient inspirées de ne pas être présentes (à la cérémonie de panthéonisation) compte tenu de la nature du combat de Manouchian ". Marine Le Pen a trouvé ces propos outrageants, relevant d'une "faute politique grave et (d')une faute morale qui ne l’est pas moins". Elle a tenu à être présente, ajoutant une faute morale et politique à son actif, "feignant d’ignorer, écrit Le Monde, que Missak Manouchian incarnait ce contre quoi s’est toujours battu son mouvement : le communisme, l’internationalisme et l’étranger en France." L'extrême droite est étrangère à la décence.

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant.

Louis Aragon, "L'Affiche rouge"

Superbe interprétation de L'Affiche rouge (Louis Aragon - Léo Ferré) par le groupe Feu ! Chatterton à la cérémonie de panthéonisation du couple Manouchian : 
https://www.youtube.com/watch?v=YaA3R3ghrV4

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