lundi 5 février 2024

Un réarmement désarmant

Et à la fin, ce sont l’agro-industrie et la chimie qui gagnent. Tout ça pour ça ! Tant de manifestations, tant d'actions, tant de déplacements, de pollution et de dégradations pour voir en fin de compte la FNSEA obtenir satisfaction. Ne changeons rien au système agro-industriel. Les paysans ont perdu, les exploitants agricoles ont gagné.

Le gouvernement a ouvert son portefeuille : 400 millions d’euros au total pour soutenir les agriculteurs. 50 millions pour les éleveurs touchés par la maladie hémorragique épizootique (MHE), 20 pour les agriculteurs bretons affectés par la tempête, 50 pour la filière bio en crise, 80 pour les viticulteurs, 150 pour soulager les charges fiscales et sociales des éleveurs et enfin le coût de l’abandon d’une hausse de la fiscalité prévue sur le gazole non routier (entrée en vigueur au début de 2024, elle avait pourtant été négociée avec la FNSEA) (1).

"Le gouvernement , écrit Le Monde, a répété être favorable à l’adoption rapide du règlement sur les nouvelles techniques génomiques (NGT), considérés comme les nouveaux OGM, un texte en discussion à Bruxelles. Concernant les phytosanitaires, il a fini par accepter de mettre sur pause jusqu’à la fin de février le projet Ecophyto, qui devait fixer les nouveaux objectifs de réduction de l’usage des pesticides. Il se dit prêt à rediscuter des indicateurs et des zonages de traitement. Et prêt aussi à attaquer les décisions des tribunaux administratifs sur les zones de non-traitement aux produits phytosanitaires définies par des chartes départementales. De plus, l’Agence nationale de sécurité sanitaire alimentaire devra s’aligner sur le calendrier de l’autorité européenne de sûreté des aliments."
Au nom de la souveraineté alimentaire, la FNSEA avait demandé, en 2023, de surseoir à l’obligation de 4 % de jachère fixée par la nouvelle PAC. Une nouvelle dérogation, sous conditions, vient d’être obtenue de Bruxelles. Les terres n'ont pas droit au repos, elles doivent produire en permanence.
"M. Attal, écrit encore Le Monde, avait annoncé, dès le 26 janvier, un premier train de dix mesures de simplification prises par décret. Qui vont de la simplification des curages de cours d’eau, à la réduction des délais de recours contre des projets agricoles et des délais de contentieux pour des projets de stockage d’eau, en passant par la limitation à un du nombre de contrôle annuel. L’un des enjeux est de pouvoir plus facilement étendre les capacités des bâtiments d’élevage porcin et de volaille et de mener à bien les projets de stockage d’eau."

La France a le plus jeune premier ministre que le pays ait jamais connu. Un jeune pour maintenir le vieux monde, celui qui nous mène collectivement à la perte. Celui de l'exploitation maximale des sols, de la production maximale, de l'utilisation excessive de pesticides, de tous ces produits en cide qui ne cachent pas leur nocivité ni pour la terre, ni pour pour la faune, ni pour les humains.
Le gouvernement français décline la nouvelle lubie de son président : il faut réarmer la France. Il parle de réarmement civique, de réarmement moral, de réarmement démographique. Voici le réarmement agricole. "Si « réarmement agricole » il y a, écrit l'éditorialiste du Monde Stéphane Foucart (2), c’est surtout d’un « réarmement chimique » de l’agriculture qu’il est question. A l’heure où l’infertilité et les maladies chroniques s’envolent dans la population générale, où environ un tiers des foyers français reçoivent au robinet une eau non conforme aux critères de qualité pour cause de métabolites de pesticides, où sans doute plus de 80 % de la biomasse d’insectes volants et 60 % des oiseaux des champs ont disparu en quarante ans, on se plaît à imaginer le fou rire nerveux d’hypothétiques historiens qui chercheraient, dans les prochaines décennies, à décrire et surtout comprendre la logique de ce qui se produit ces jours-ci."

Mais il y a trop de normes, se plaignent les agriculteurs. Peut-être. Mais d'où viennent-elles ? Longtemps, ce fut le laisser-faire, le laxisme le plus total. L'environnement n'était pas un souci, on pouvait bétonner où on voulait, on pouvait massacrer faune et flore sans égard pour elles, on pouvait gaspiller l'énergie en brûlant sans compter des sources polluantes voire toxiques, on pouvait empoisonner les sols, les producteurs et les consommateurs, on pouvait arracher les haies et les arbres et supprimer les fossés et les zones humides. Donc, des normes. Heureusement. Pour tenter de mettre un frein à cette folie destructrice.

(1) https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/02/01/le-vaste-eventail-des-annonces-de-gabriel-attal-en-phase-avec-les-demandes-de-la-fnsea_6214305_823448.html
(2) https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/02/03/si-rearmement-agricole-il-y-a-c-est-surtout-d-un-rearmement-chimique-de-l-agriculture-qu-il-est-question_6214548_3244.html
https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/02/01/la-suspension-du-plan-ecophyto-un-signal-desastreux-selon-les-ong-de-defense-de-l-environnement_6214293_3244.htm

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