samedi 10 février 2024

Le temps des monstres

Il fut un temps pas si lointain où on a pu croire si pas à "la fin de l'Histoire", du moins à une humanité apaisée. Même si les dictateurs restaient trop nombreux, on avait vu tomber un mur honteux et avec lui s'effondrer une idéologie qui s'était concrétisée en une société orwellienne, on avait vu disparaître en Afrique australe l'abject apartheid qui voulait nous faire croire qu'on pouvait classer les hommes selon la couleur de leur peau, on avait vu dans la construction lente mais large de l'Union européenne un projet solidaire entre ennemis héréditaires.
Et aujourd'hui, on voit que le ventre est encore fécond d'où a surgi la bête immonde. Vladimir Poutine rêve de pire et d'empire. Ses vassaux proches, Loukachenko, Alyiev, Kim Jong-un et quelques autres le soutiennent dans ce projet qu'on croyait d'un autre âge. Dans l'indifférence quasi générale, Xi Jinping menace Taïwan, broie les Ouïghours et s'attaque aux musulmans (1) et à tous les peuples qui ont le culot de ne pas entrer dans le moule du grand Etat chinois. En Inde, Mohdi joue la carte du nationalisme hindou en envoyant lui aussi les musulmans dans les cordes sans que ça gêne le moins du monde ses camarades dirigeants de terres d'islam pourtant si prompts à dénoncer la prétendue islamophobie de l'Occident. L'Iran s'est donné le rôle d'Etat terroriste, soumettant son peuple et soutenant activement les barbares du Hamas, le Hezbollah libanais et les rebelles houthis du Yemen. Netanyahou ira jusqu'au bout de sa volonté de dézingage total du Hamas quel qu'en soit le prix pour les Gazouis. Un peu partout, l'extrême droite et le populisme ont pris le pouvoir ou s'apprêtent à le faire. S'il revient au pouvoir, Trump le Haineux pourrait bien provoquer une guerre civile aux Etats-Unis (2). Ce billet serait trop long à énumérer toutes les brutes qui règnent d'une main de fer, les Erdogan, les Milei, les Maduro, les putchistes du Niger, du Mali et du Burkina Faso, les al-Sissi, les el-Assad, les Ben-Salman, les Saïed, les talibans. Et le pire, c'est que tant de gens les admirent. De loin.
Que cherchent ces monstres ? A asseoir leur pouvoir et il n'a pas de prix. La démocratie, le respect de l'Etat de droit, la justice, les droits de l'Homme sont des notions qui leur sont étrangères, voire ennemies.
On aimerait tant qu'un drone destiné aux Ukrainiens, aux Israéliens ou aux Gazaouis dévie de sa cible et tombe sur la tête d'un de ces monstres. 

Allez, ouste, les dictateurs, les usurpateurs, les mafieux, les crapulards, l'avenir appartient aux gens de bien. Tiens, je crois que c'est ça la bonne définition de cet objet non identifié qu'est l'humanité, que je cherche depuis des années : l'humanité, ce sont ces gens de bien qui, vaille que vaille, assurent le service de la vie. (Boualem Sansal, "Vivre - Le compte à rebours", Gallimard, nrf, 2024)

(1) Selon Human Rights Watch, après la région du Xinjiang, c'est dans celles du Ningxia et du Gansu que Pékin serait en train de raser les mosquées.
(2) https://www.telos-eu.com/fr/trump-ii-une-farce-non-une-tragedie.html

1 commentaire:

Anne-Marie Decoster a dit…

J'ai vu récemment La zone d'intérêt. Glaçant de regarder cette femme cultiver ses fleurs et ses légumes à côté du camp d'Auschwitz, de l'autre côté du mur d'enceinte.

A la sortie, je me suis demandé de combien de km faut-il être éloigné d'une atrocité pour qu'il soit décent de cultiver ses fleurs et ses légumes... Je n'ai pas la réponse.