lundi 29 juillet 2024

Rien qu'une chanson

Quand on est artiste, on a le droit d'être insultant et sexiste. C'est ce qui ressort de déclarations de la patronne des Verts français, Marine Tondelier. Une vingtaine de rappeurs français avait, avant le second tour des législatives, sorti un morceau de rap intitulé No Pasaran. Leur objectif : appeler les jeunes à aller voter pour faire barrage au RN. Les textes mêlent appels à voter contre le RN et dénonciation des Le Pen, Bardella et Zemmour, ainsi que de l'attitude des policiers vis-à-vis des jeunes de banlieues, mais aussi appels à "niquer" "tous ces députés, on sait qu'ils manipulent les statistiques" ainsi que l'imam Chalgoumi ou la mère de Jordan Bardella. Marion et Marine Le Pen y sont traitées de "putes". L'ensemble du texte donne un salmigondis peu ragoutant dont on n'est d'autant moins sûr qu'il rencontre l'objectif fixé qu'il donne dans le sexisme, l'antisémitisme, l'appel à la violence, le complotisme.
Mais c'est normal : "les codes du rap sont comme ça : c'est violent pour les femmes, explique Marine Tondelier. Les personnes qui chantent sont des artistes, ils ne se présentent pas à une élection" (1).
On comprend par là que les artistes doivent avoir une liberté d'expression totale : le droit d'être sexistes, antisémites et donc racistes aussi, suppose-t-on. Comment prendre encore au sérieux les indignations de la même responsable politique face à d'autres agressions verbales ? Comment la croire quand elle dénonce le sexisme ou l'antisémitisme ? Suffit-il de s'exprimer artistiquement pour avoir droit à tous les excès, même les plus haineux ?

Extraits :
[Alkpote] J'recharge le Kalachnikov, en Louis Vuitton comme Ramzan Kadyrov (Clique, clique) Nique l'imam Chalgoumi et ceux qui suivent le Sheitan à tout prix (Trogneux) Marine et Marion, les putes, un coup de bâton sur ces chiennes en rut (Vlan) On continue la lutte, bientôt, on va célébrer leur chute (Tchin) Nique tous ces députés, on sait qu'ils manipulent les statistiques (Menteurs) Y a rien de magnifique, nous on fait de la violence artistique (Sale) Font du mal à nos enfants, ils veulent nous injecter une puce dans l'sang (Antéchris) DJ Kore le commandant, on vient pour projeter une vue d'ensemble (Tounsi)
[Cokein] Des racistes en rafale, je sais que les médias en raffolent / J'vois des corps au sol, l'être humain n'a plus d'corazón / Espèce de franc-maçon, tu te nourris du sang qu'tu consommes / Dans leurs ambassades, c'est le Sheitan qui les passionne / Ouais, la France, c'est nous (C'est nous), fuck Eric Zemmour / Pas besoin d'chercher des rimes, ils tournent à l'heure du ftour / Tu sais qu'c'est ça qui est terrible, ils nous font des longs discours /La France, ça d'vient l'Amérique, peur qu'elle tombe après les deux tours

(1) BFMTV, 3.7.2024, cité par Charlie Hebdo, 10.7.2024.

1 commentaire:

Bernard De Backer a dit…

Bien vu Michel. Tellement que j'abuse encore d'un nouveau commentaire. Dans notre monde moderne occidental, les artistes sont pourvus de tous les droits ou presque, surtout celui de transgresser les normes. C'est "la norme du hors norme", finement analysée par la sociologue Nathalie Heinich dans "L'Elite artiste. Excellence et singularité en régime démocratique". Pour celles et ceux que cela intéresse, j'ai longuement développé le sujet (à mes risques et périls) au sujet du livre "Guérir par l'écriture ?"d'un ami de longue date, l'écrivain François Emmanuel. La suite en cliquant sur mon nom :-)