dimanche 29 septembre 2024

Ceux qui prendront l'épée

Un tueur en série vient d'être assassiné. Hassan Nasrallah est mort dans l'explosion de son immeuble provoquée par l'armée israélienne. Il n'aura pas pu fêter, comme il s'apprêtait à le faire, le pogrom perpétré le 7 octobre 2023 par ses amis du Hamas. Il se réjouissait déjà des "festivités entourant le premier anniversaire du Déluge d’Al-Aqsa ". Il y a des hommes qui trouvent leur plaisir dans les actes les plus inhumains.
Quelques jours avant sa mort, l'hebdomadaire Franc-Tireur traçait son portrait (1).
"Visé par les opérations israéliennes, le chef et guide religieux du Hezbollah ne se contente pas de transformer le Liban en colonie de l’Iran, de commander des attentats ou d’abreuver le nord d’Israël de roquettes, il a toujours voulu l’escalade…" Et de rappeler qu' "il ne doit sa carrière de chef fanatique qu’à l’Iran et à son goût pour la violence armée". En 1982 - il a alors 22 ans - il participe à la création du Hezbollah, le « Parti de Dieu », inféodé à l’Iran. "L’année suivante, le parti signe son entrée sur scène avec deux attentats-suicides contre des forces militaires américaines (241 victimes) et françaises (58 victimes). Sa notoriété décolle avec les prises d’otages, parmi lesquels plusieurs Français." À 32 ans, le voilà nommé secrétaire général du Hezbollah. Il se donne deux missions : "expulser Israël du Liban (Tsahal y était entré en 1982 pour en déloger les combattants de Yasser Arafat) et détruire l’État hébreu. En secret, il nourrit une troisième ambition : étendre sa toile sur le Liban pour le transformer en province de l’Iran." En 1990, à la fin de la guerre, le Hezbollah refuse de déposer les armes, contrairement aux autres milices. C'est que cet antisémite et négationniste veut en finir avec Israël. 
Au Liban, "la liste de ses victimes est longue, du Premier ministre libanais Rafic Hariri (et ceux qui enquêtaient autour de cet assassinat) à l’intellectuel chiite Lokman Slim, en passant par des juges, des journalistes, des députés ou même de simples quidams risquant de mettre des bâtons, voire de simples brindilles, dans ses roues". Sous son égide, le Hezbollah ne fait pas de quartier. Il faut dire que l’assassinat de Rafic Hariri a failli le faire vaciller. En 2006, après le départ un an auparavant du Liban des troupes syriennes qui le protégeaient, il déclenche une guerre contre Israël. "En trente-trois jours, le Liban est détruit, mais Nasrallah clame la « victoire divine ». Le voilà, enfin, maître du pays." Le Hezbollah, affirme encore Franc-Tireur, était devenu l’organisation « narco-islamiste » la mieux dotée au monde : près de 1 milliard de dollars par an grâce au trafic de drogue. Le Hezbollah de Nasrallah a, avec l'aide de la Russie de Poutine, sauvé le dictateur Bachar al-Assad, au prix de massacres et de crimes contre l’humanité. Mais qu'importait pour lui l'humanité ?

Voilà l'homme dont la mort est aujourd'hui pleurée par certains Libanais et fêtée par d'autres. Cet assassinat mettra-t-il fin à la guerre que se livrent Israël et le Liban ? On aimerait le croire, mais on reste (très) sceptique. "Cette guerre nous met face à une équation impossible", écrivait le 22 septembre (avant sa mort donc) le quotidien libanais L'Orient-Le Jour (2) qui affirmait alors qu'on ne peut oublier ce qu'est le Hezbollah, qu'on ne peut pas le confondre, comme le fait le gouvernement israélien, avec le Liban, qui rappelait que c'est ce même Hezbollah qui a ouvert un font de soutien à Gaza dès le 8 octobre en prenant le Liban en otage "des calculs de l'axe iranien". On ne peut, écrivait encore L'Orient-Le Jour fermer les yeux sur tous les coups de force du Hezbollah, sur toutes les fois où Nasrallah a menacé de déclencher une guerre civile, sur tous les assassinats dans lesquels il est accusé - "non sans raison" - d'avoir joué un rôle majeur, sur son implication probable dans l'importation et le stockage du nitrate d'ammonium qui a explosé dans le port de Beyrouth en août 2020 (235 morts, 6.500 blessés, 300.000 sans abri). "On ne peut pas non plus oublier que le sort des civils était le cadet de ses soucis quand il commettait les pires crimes de guerre pour permettre à son allié syrien de survivre."
"Mais en face, c'est Israël. Israël qui a détruit Gaza, qui a tué des Palestiniens par dizaines de milliers, qui occupe et met à feu la Cisjordanie et qui promet le même sort au Liban. On peut vouer le Hezbollah aux gémonies, ce sont bien des Libanais, quelle que soit leur communauté, qui sont et vont être tués par l'armée israélienne. C'est bien le Liban qui sera détruit si le Hezbollah est défait."
Le quotidien estime qu'il fallait dès le départ s'opposer à un front de soutien au Hamas, "qui ne sert ni les intérêts du Liban, ni même celui des Palestiniens", mais qu'il fallait le faire "dans une logique d'ouverture et de compréhension de ce qui se passe dans la région", "penser collectivement au rôle que le Liban, et non le Hezbollah, devait jouer dans cette séquence". Il appelle les responsables politiques libanais (y en a-t-il encore dans cet Etat qui n'en est plus qu'une ombre ?) à sortir de leur rôle passif en appelant le Hezbollah à mettre fin à cette guerre sans chercher à l'humilier. Tout faire pour prévenir le pire. En est-il encore temps ?

(1) Joseph Khoury et Michaël Prazan, "Demi-mollah", Franc-Tireur, 25.9.2024.
(2) Anthony Samrani, "Est-il déjà trop tard ?", L'Orient-Le Jour , 22.9.2024, in Le Courrier international, 26.9.2024.
A écouter et lire à propos de l'attaque aux bipeurs et des crimes commis par le Hezbollah, le dernier billet de Sophia Aram : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-billet-de-sophia-aram/le-billet-de-sophia-aram-du-lundi-23-septembre-2024-2438552
Post-scriptum : à lire dans Le Monde Nasrallah, adulé et haï :
https://www.lemonde.fr/guerre-au-proche-orient/article/2024/09/30/dans-le-monde-arabe-des-reactions-a-fronts-renverses-qui-refletent-la-double-dimension-du-hezbollah_6339243_6325529.html


vendredi 27 septembre 2024

Tristes sires

Qui a déjà vu rire Xi Jin Ping, Poutine, el Assad ou Trump ? Parfois ils se forcent à un rictus qui pourrait être une tentative de sourire. Mais guère plus. Il faut se méfier des gens qui ne rient pas (à l'exception de Buster Keaton). L'absence de sens de l'humour ne trompe pas. 
Pour Henri Bergson, le rire est "du mécanique plaqué sur du vivant" et est nécessairement humain (1). Il faut donc être humain et être sensible à la vie pour rire. Un homme puissant est sérieux, il ne rit jamais, il laisse cela à la vulgate. Trump raille le grand rire de Kamala Harris. Il est convaincu que la morgue qu'il affiche en permanence lui donne un air responsable et décidé, alors qu'il apparaît juste prétentieux (et stupide). Poutine, lui, aime montrer à tout moment une attitude glaciale, pour maintenir les autres au loin.
Savoir rire, c'est savoir prendre une distance par rapport à soi-même ou à une situation. Mais ces hommes brutaux, tellement sûrs d'eux-mêmes, n'ont pas besoin de distance, ils se maîtrisent autant qu'ils maîtrisent les autres. Ils se mettraient en danger si on les voyait rire. Ils n'en sont que plus risibles. Tristement risibles.

(1) cité par Jos Houben et Christophe Schæffer dans "Le chien de Bergson - Dialogue autour de l'art du rire" (Premier Parallèle, 2022.

dimanche 22 septembre 2024

Triste gauche

Au départ, il y a eu le caprice et la bêtise de cet enfant gâté de président qui a cassé son jouet en prononçant la dissolution de l'Assemblée nationale avec tous les risques que cette décision comportait.
A l'arrivée, il y a un gouvernement plus à droite avec notamment un Retailleau, incarnation de la droite catholique conservatrice, au Ministère de l'Intérieur. Une très mauvais nouvelle pour les migrants. La gauche s'en étrangle. Mais la gauche se soucie plus de sa pureté que du sort des migrants. Ses cris d'orfraie résonnent dans le vide de sa stratégie. Si tant est qu'il y en ait une. Si elle avait eu un peu de courage, un ou une des siens aurait pu occuper le Ministère de l'Intérieur et mener une autre politique d'accueil. Mais pour cela, il eût fallu discuter, négocier, composer, ce que cette gauche refuse de faire. A vouloir rester totalement à gauche, elle favorise une politique de droite. Pour qui roule-t-elle ? Pour elle-même. Pas pour celles et ceux qu'elle prétend défendre. Elle s'est rendue inaudible.

samedi 21 septembre 2024

Ramollis

La moitié des cartes affichées sur les pare-brises des voitures garées sur des emplacements de parking réservés aux personnes handicapées sont des faux. C'est ce que constatent les policiers qui les contrôlent (un récent reportage sur France 2 en témoignait).
Ainsi donc quantité d'automobilistes n'ont aucun scrupule à (faire) fabriquer des faux pour n'avoir pas à marcher et pour occuper des places réservées à des gens qui aimeraient tant pouvoir le faire. On se le demande : combien parmi ces ramollis et culs-pendants (pour reprendre des termes rabelaisiens) se sont extasiés devant les exploits des athlètes des Jeux paralympiques, mais n'ont que mépris pour eux au quotidien ? Combien parmi eux se font un devoir de courir, à pied ou à vélo, chaque week-end parce qu'il ne font pas assez d'exercice durant la semaine ? 
Les professionnels de la santé ne cessent de nous exhorter à bouger, à faire de l'exercice chaque jour, mais ces messages se heurtent au handicap dont souffrent ces gens : un mélange d'égoïsme, de grossièreté et de fainéantise.

dimanche 15 septembre 2024

Une bizarre obsession des chats

Je n'ai pas l'habitude ici de renvoyer des appels. Mais celui-ci me paraît important. 
Un patient de l'hôpital psychiatrique de Mar-a-Lago s'est échappé. Un vrai fou furieux qui s'est donné pour mission de sauver les chats et les chiens des bons Américains. Il veut les sortir des griffes des Haïtiens (ou des Vénézuéliens ?) de l'Ohio qui les tuent pour les manger. C'est le même homme qui est si fier d'attraper les femmes par la chatte. Il est convaincu d'avoir été un jour le meilleur président des Etats-Unis, pense qu'il devrait toujours l'être et qu'il le sera à nouveau. Cet homme est bizarre, c'est le moins qu'on puisse en dire. Si vous le croisez - il a des cheveux jaunes et le teint orange - soyez prudent. Il est imprévisible et fonctionne selon une logique que même ses proches ne parviennent à comprendre. Gardez vos distances et surtout, à l'instar de Kamal Harris, votre sens de l'humour : le dysfonctionnement dont il est atteint semble contagieux si vous ne riez pas de lui. Des foules immenses et sans humour suivent  avec sérieux et passion cet être erratique.

C'est Tim Walz, colistier de Kamal Harris, qui les qualifie ainsi : Trump, Vance et ceux qui les soutiennent sont weird, bizarres. Pour eux, les étrangers sont forcément voleurs, violents, violeurs ou mangeurs de chats, les femmes sont "extrêmement primitives et rudimentaires", celles qui n'ont pas d'enfant sont des "désaxées", "sociopathes" et "folles à chat". Selon un présentateur de Fox News, "lorsqu'un homme vote pour une femme, il se transforme en femme". Peut-on réellement avoir de telles opinions sans être profondément bizarre ? Les Américains seraient bien inspirés de voter pour des gens normaux, avec leur juste part d'humanité, plutôt que pour des candidats si bizarres, si éloignés d'un minimum d'humanisme et de respect pour ceux et surtout celles qui ne sont pas comme eux.

A lire : Rebecca Treister, "Etats-Unis - La masculinité nouvelle est démocrate", New York Magazine, 10.8.2024, in Le Courrier international, 5.9.2024.

mercredi 11 septembre 2024

La faiblesse des saints hommes

"Je ne veux parler qu'à ses seins", chantait Claude Nougaro. Et l'abbé Pierre avec lui. Chaque jour apporte son lot de plaintes et de révélations sur l'attitude du saint homme vis-à-vis des femmes. Et aussi des enfants.
Habituellement, il faut attendre au moins de très nombreuses années après sa mort pour qu'une personne soit canonisée. Mais, vu son engagement social, qui reste admirable, l'abbé Pierre avait été sanctifié par l'opinion publique et les médias alors qu'il était très actif. Mais actif il ne fut pas cependant seulement en faveur des plus défavorisés, mais aussi des femmes qu'il croisait et ne pouvait s'empêcher d'agresser sexuellement. Aujourd'hui, les témoignages sont de plus en plus nombreux et accablants.
"Tout le monde savait", entend-on dire aujourd'hui. A propos de l'abbé Pierre comme de Gérard Depardieu, comme de Dominique Strauss-Khan, comme de tant d'autres prédateurs. Tout le monde savait que ces hommes étaient incapables de se dominer face à des femmes. Ces hommes étaient et sont finalement l'incarnation du sexe faible, ce sexe pas assez fort pour se dominer. Tout le monde savait, mais personne ne parlait. Tout le monde savait et regardait ailleurs. Parce qu'on ne critique pas les saints hommes ou les personnalités dominantes. A défaut de leur pardonner, on leur passe les pires attitudes. On trouve même parfois qu'elles participent de leur grandeur. Jusqu'au jour où leurs statues sont abattues ou  s'effondrent d'elles-mêmes. Voilà l'abbé Pierre tombé, comme les autres, de son piédestal.
On voit par là qu'il ne faut sanctifier personne. Il est déjà assez difficile de rester humain, rien qu'humain.

dimanche 8 septembre 2024

L'erreur de Dieu

Dieu n'aurait-il pas fait une lourde erreur lors de la création ? On se le demande en voyant l'attitude de tant de régimes théocratiques vis-à-vis des femmes. Il n'est pas que les talibans qui les haïssent et veulent les cacher. Eux, c'est totalement : ils veulent les invisibiliser. Mais le régime iranien n'est pas en reste. Pas plus que l'Algérie, le Maroc, le Pakistan, le Yemen, l'Egypte, l'Arabie saoudite et tant d'autres pays où les gouvernements ont mis Dieu au pouvoir pour pouvoir mieux asservir les femmes.
En Iran récemment, une femme a reçu dans la moelle épinière une balle tirée par un policier. Elle avait eu l'outrecuidance de conduire sa voiture sans voile. "C'est bien le signe que le régime n'a aucune intention de lâcher sur la question du voile, affirme Shirin Ebadi (ancienne juge, exilée en Grande-Bretagne, Prix Nobel de la Paix), parce qu'il est très clair que le voile est désormais devenu la bannière du combat contre le système en place." (2)
La dessinatrice marocaine Zainab Fasiki défend les droits des femmes et la laïcité. "Quand on est une fille, il faut toujours penser à l'honneur de la famille. J'avais la rage, alors j'ai commencé à publier des dessins de femmes nues sur les réseaux sociaux. Ça a suscité énormément de réactions. Je voulais montrer que le corps féminin n'est pas libre. Mais pourquoi associer forcément le corps des femmes à la sexualité ? Je voulais montrer que le corps féminin peut être un objet artistique, et pas seulement un objet sexuel." Zainab Fasiki a publié une bande dessinée sur le corps et la sexualité (3) et créé une plateforme pour permettre aux jeunes d'accéder à l'éducation sexuelle. Elle est censurée en Egypte, sait qu'elle pourrait être arrêtée en Algérie et est menacée de mort par les islamistes au Maroc.
"Ici, ce n'est pas un endroit pour toi, c'est un couloir d'épines que de vivre pour une femme dans ce pays", dit Aube, la narratrice de "Houris", (5) au fœtus qu'elle porte. Plus loin, elle lui dit encore : "Une femme ne voyage pas seule en Algérie, encore moins un jour de Sacrifice. Il y a des choses que tu ne pourras jamais faire si tu viens dans ce monde. Par exemple, déambuler seule sous l'averse, t'asseoir seule sur un banc face à une montagne qui refuse de te parler, dans un jardin public. Ou bien t'habiller selon tes envies, rire dans la rue, ou encore remercier un inconnu qui te collera dans le dos en croyant que tu es une prostituée, car tu a été gentille comme une plante d'intérieur. (...) Il y a des choses que Dieu nous interdit : (...) hériter d'une part égale à celle de l'homme, s'épiler pendant le mois du jeûne, montrer ses bras nus ou encore élever la voix, chanter dans la rue, fumer des cigarettes, boire du vin, répondre aux coups de pied". 

Selon certains islamistes, une femme qui ose montrer ses bras nus ou ses cheveux serait possédée par le diable. C'est donc que Dieu a fait une erreur. Il aurait dû faire naître la femme toute habillée et sans cheveux. S'il n'avait pas voulu que les hommes voient le corps des femmes il l'aurait d'emblée couvert.
Mais peut-être tous ces barbus qui obligent les femmes à se voiler la tête ou même l'ensemble du corps ne sont-ils que des blasphémateurs qui insultent la création divine. Et, après tout, si on va au bout d'une logique qu'ils n'ont pas mais exercent cependant : Dieu n'aurait pas dû créer les femmes. Laisser entre eux ces hommes que révulse le corps d'une femme et qu'ils sont prêts à violenter s'ils le voient. 

(1) (Re)lire sur ce blog "Terre des hommes", 31.8.2024.
(2) "En Iran, les violence et la répression contre les femmes sont plus féroces que jamais", Charlie Hebdo, 21.8.2024.
(3) Zainab Fasiki, "Hshouma. Corps et sexualité au Maroc", Massot Editions.
(4) "Pourquoi associer forcément le corps des femmes à la sexualité ?", Charlie Hebdo, 4.9.2024.
(5) Kamel Daoud, "Houris", Gallimard, 2024.

Charlie Hebdo vient de publier un hors-série : "Iran - Les femmes ne lâchent rien".

(Re)lire sur ce blog : https://moeursethumeurs.blogspot.com/2013/07/la-femme-nest-pas-un-homme-comme-les.html

mardi 3 septembre 2024

Devenir calife à la place du calife

On l'a déjà écrit ici et d'autres avec nous : la France a un curieux rapport à la démocratie. La fonction de président de la République y est décriée. A raison, tant le président ressemble à un monarque élu qui fait la pluie et le beau temps. Les parlementaires de tous bords demandent à exister face à un président omnipotent. Et les voilà qui laissent passer l'occasion, attendant de lui qu'il nomme un premier ministre, alors que, pour la première fois, l'initiative pourrait venir d'eux. Mais chacun reste coincé dans son rôle. Les élus attendent la décision du roi qu'ils critiquent, voire maudissent, alors qu'ils pourraient - ou auraient pu - prendre, pour une fois, les devants. Des parlementaires de différents bords auraient pu poursuivre sur la lancée du front républicain (seul vainqueur de l'élection, comme le relevait un analyste) qui, au second tour des élections législatives, a permis d'éviter la victoire de l'extrême droite. Ils auraient pu se concerter, négocier, trouver des compromis et couper l'herbe sous le pied de ce président aussi arrogant que maladroit en lui présentant un projet de gouvernement avec un programme négocié.
Evidemment, le processus serait inédit dans cette France qui cultive l'art de la conversation mais se refuse au dialogue. Les différentes composantes de la gauche se sont enfermées dans une union avec une France aussi insoumise qu'infréquentable par ses excès et ses prises de position nauséabondes et continuent à faire semblant de croire qu'on peut gouverner sans majorité. Le Nouveau Front populaire s'entête à vouloir confondre arriver en tête et être majoritaire. A gauche comme à droite, on se drape dans ses positions, considérant que tout compromis est une trahison de ses idéaux et de ses principes. Et pourtant, le compromis est l'essence même de la démocratie. Tout couple, toute famille, tout groupe d'amis, toute association, de nombreuses équipes de travail fonctionnent par compromis. L'absence de compromis s'apparente au contraire à l'autocratie. On touche ici aux contradictions de certains qui ne voudraient surtout pas qu'on leur reproche d'avoir laissé passer des projets contraires aux leurs, ce qui leur barrerait la route vers leur objectif principal : occuper enfin la fonction tant critiquée, devenir en 2027 président de la république.

A lire à ce sujet :
https://www.telos-eu.com/fr/les-trois-meprises-du-parti-socialiste.html
https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/08/25/un-accord-de-non-censure-serait-la-seule-issue-pour-sortir-de-la-crise-politique_6293871_3232.htmlhttps://www.lemonde.fr/idees/article/2024/08/27/une-situation-politique-inedite-et-dangereuse_6296753_3232.html

Post-scriptum :
Extrait d'un article du Monde du 13.9.2024 :
" « Si une discussion approfondie entre partis avait abouti à la rédaction d’un contrat de gouvernement, Emmanuel Macron n’aurait pourtant pas eu le choix : il aurait été obligé de nommer le chef de cette coalition à Matignon, analyse le constitutionnaliste Denis Baranger. Le problème, c’est qu’en France les élus semblent tout ignorer du mode d’emploi d’une coalition. »
Emmanuel Macron n’a pas semblé plus inspiré : s’il a invité les responsables politiques à bâtir des compromis, il a été incapable de renoncer à sa conception jupitérienne de la présidence."
https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/09/13/coalitions-politiques-un-blocage-francais_6316608_823448.html

dimanche 1 septembre 2024

Des nouvelles de la France profonde

Une bonne nouvelle pour les chasseurs en est une mauvaise pour la faune. Les sangliers ont un peu plus de souci à se faire. Voilà que le préfet de l'Indre a mis en place un nouveau dispositif spécifique : « les battues affinitaires » qui permettent aux détenteurs de droit de chasse d'organiser eux-mêmes (sous certaines conditions cependant) "ces battues affinitaires qui seront proposées par les lieutenants de louveterie".
Le président de la fédération départementale des chasseurs de l’Indre, de son côté, préfère parler de « battues de solidarité ». Peut-on s'opposer à une battue ainsi nommée ?
On ne sait d'où vient ce terme d'affinitaire. Peut-être de l'affinité qu'ont les chasseurs pour les cochons sauvages qu'ils sont nombreux à nourrir alors que la nature l'a toujours fait. Le nourrissage augmente leurs populations, ce qui ne fait pas l'affaire des agriculteurs mais bien des chasseurs. On sait qu'ils ne tuent pas, ils "régulent". Un euphémisme comme on les aime aujourd'hui. Ils vont pouvoir organiser des massacres de régulation et seront largement payés pour ce faire. 
"L'objectif, explique l'arrêté préfectoral, est d'augmenter significativement la pression de chasse avec une ambition de porter la fréquence de chasse toutes les 4 semaines : les dégâts aux cultures et aux prairies doivent absolument diminuer. Un soutien financier conséquent  [1 706 000 €] a été accordé à la fédération départementale des chasseurs pour compenser les surcoûts liés aux indemnisations et lui permettant ainsi de renforcer ses actions de régulation." 
Certains spécialistes constatent que plus on tue de sangliers, plus souvent ils se reproduisent. Le cycle est sans fin. Et coûte une fortune à la collectivité.
Ce dispositif est pour nous l'occasion d'apprendre qu'il y a toujours en France des lieutenants de louveterie, un terme qui sent l'ancien régime. Mais la chasse elle-même, qui reste en France plus qu'ailleurs une activité intouchable, transpire le conservatisme. 

Voilà des nouvelles de la France profonde. Mais comment appelle-t-on l'autre France ? La France légère, la France de surface, la France superficielle ?