dimanche 8 septembre 2024

L'erreur de Dieu

Dieu n'aurait-il pas fait une lourde erreur lors de la création ? On se le demande en voyant l'attitude de tant de régimes théocratiques vis-à-vis des femmes. Il n'est pas que les talibans qui les haïssent et veulent les cacher. Eux, c'est totalement : ils veulent les invisibiliser. Mais le régime iranien n'est pas en reste. Pas plus que l'Algérie, le Maroc, le Pakistan, le Yemen, l'Egypte, l'Arabie saoudite et tant d'autres pays où les gouvernements ont mis Dieu au pouvoir pour pouvoir mieux asservir les femmes.
En Iran récemment, une femme a reçu dans la moelle épinière une balle tirée par un policier. Elle avait eu l'outrecuidance de conduire sa voiture sans voile. "C'est bien le signe que le régime n'a aucune intention de lâcher sur la question du voile, affirme Shirin Ebadi (ancienne juge, exilée en Grande-Bretagne, Prix Nobel de la Paix), parce qu'il est très clair que le voile est désormais devenu la bannière du combat contre le système en place." (2)
La dessinatrice marocaine Zainab Fasiki défend les droits des femmes et la laïcité. "Quand on est une fille, il faut toujours penser à l'honneur de la famille. J'avais la rage, alors j'ai commencé à publier des dessins de femmes nues sur les réseaux sociaux. Ça a suscité énormément de réactions. Je voulais montrer que le corps féminin n'est pas libre. Mais pourquoi associer forcément le corps des femmes à la sexualité ? Je voulais montrer que le corps féminin peut être un objet artistique, et pas seulement un objet sexuel." Zainab Fasiki a publié une bande dessinée sur le corps et la sexualité (3) et créé une plateforme pour permettre aux jeunes d'accéder à l'éducation sexuelle. Elle est censurée en Egypte, sait qu'elle pourrait être arrêtée en Algérie et est menacée de mort par les islamistes au Maroc.
"Ici, ce n'est pas un endroit pour toi, c'est un couloir d'épines que de vivre pour une femme dans ce pays", dit Aube, la narratrice de "Houris", (5) au fœtus qu'elle porte. Plus loin, elle lui dit encore : "Une femme ne voyage pas seule en Algérie, encore moins un jour de Sacrifice. Il y a des choses que tu ne pourras jamais faire si tu viens dans ce monde. Par exemple, déambuler seule sous l'averse, t'asseoir seule sur un banc face à une montagne qui refuse de te parler, dans un jardin public. Ou bien t'habiller selon tes envies, rire dans la rue, ou encore remercier un inconnu qui te collera dans le dos en croyant que tu es une prostituée, car tu a été gentille comme une plante d'intérieur. (...) Il y a des choses que Dieu nous interdit : (...) hériter d'une part égale à celle de l'homme, s'épiler pendant le mois du jeûne, montrer ses bras nus ou encore élever la voix, chanter dans la rue, fumer des cigarettes, boire du vin, répondre aux coups de pied". 

Selon certains islamistes, une femme qui ose montrer ses bras nus ou ses cheveux serait possédée par le diable. C'est donc que Dieu a fait une erreur. Il aurait dû faire naître la femme toute habillée et sans cheveux. S'il n'avait pas voulu que les hommes voient le corps des femmes il l'aurait d'emblée couvert.
Mais peut-être tous ces barbus qui obligent les femmes à se voiler la tête ou même l'ensemble du corps ne sont-ils que des blasphémateurs qui insultent la création divine. Et, après tout, si on va au bout d'une logique qu'ils n'ont pas mais exercent cependant : Dieu n'aurait pas dû créer les femmes. Laisser entre eux ces hommes que révulse le corps d'une femme et qu'ils sont prêts à violenter s'ils le voient. 

(1) (Re)lire sur ce blog "Terre des hommes", 31.8.2024.
(2) "En Iran, les violence et la répression contre les femmes sont plus féroces que jamais", Charlie Hebdo, 21.8.2024.
(3) Zainab Fasiki, "Hshouma. Corps et sexualité au Maroc", Massot Editions.
(4) "Pourquoi associer forcément le corps des femmes à la sexualité ?", Charlie Hebdo, 4.9.2024.
(5) Kamel Daoud, "Houris", Gallimard, 2024.

Charlie Hebdo vient de publier un hors-série : "Iran - Les femmes ne lâchent rien".

(Re)lire sur ce blog : https://moeursethumeurs.blogspot.com/2013/07/la-femme-nest-pas-un-homme-comme-les.html

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