samedi 12 septembre 2009

La stratégie de l'araignée

N'attendez de lui aucune réflexion politique! Michel Daerden en semble bien incapable. En tout cas, ce n'est pas là son souci premier. Dans une interview qu'il a accordée à François Brabant (le Vif du 4 septembre), cet homme qui affirme ne pas aimer l'argent est incapable de définir le socialisme: "je n'ai pas cette prétention", dit-il en bottant en touche. Il raconte comment il a construit et assis son pouvoir, en s'appuyant sur des barons politiques, syndicalistes, mutualistes... Et c'est bien ce qui effraie dans ce dossier: cette capacité qu'a le Ps d'installer et d'utiliser ses réseaux, de disposer d'une énorme machine de guerre. Un exemple parmi d'autres: la SLF (Société de leasing et de financement d'économies d'énergie). Michel Daerden en est président depuis 2005. Président "empêché", bien sûr. Aujourd'hui, c'est son ex-chef de cabinet qui dirige cette SLF qui a des prises de participation dans Liège Airport et dans la société de promotion du circuit de Francorchamps. On imagine difficilement que le "socialo-capitaliste" * soit véritablement "empêché" de donner son avis et d'intervenir dans les décisions d'une telle instance. Instance que, heureusement, certains responsables socialistes souhaiteraient dissoudre, nous dit François Brabant.
C'est bien là une des dérives auxquelles le Ps devra obligatoirement s'attaquer, s'il entend vraiment changer positivement le mode de gouvernement. Cette toile d'araignée qu'il a tissée. La Libre Belgique du 8 septembre annonçait en première page "le tour de vis de Di Rupo". En fait de tour de vis, on apprend simplement que le Ps a modifié ses statuts en remplaçant son Comité d'audit par un Conseil de déontologie. Un conseil qui, doté de pouvoirs très étendus, rendra des avis sur le respect des règles éthiques et déontologiques de tous les mandataires socialistes. Une bonne nouvelle, mais ces règles restent à définir par les partenaires de l'Olivier. Pas d'attitude pro-active visiblement. La prudence semble de mise... Comment faire en sorte qu'un ministre "empêché" continue à gérer des organes parastataux ou pararégionaux, via ses hommes et ses femmes de paille? Qui est dupe?

Et comment mettre en oeuvre des règles hors du champ directement politique? Il suffit de voir ces directeurs d'institutions diverses, nommés par le politique, qui se font un devoir de choisir parmi leur personnel des "proches" politiquement ou en tout cas idéologiquement.
En ce début d'année scolaire, je viens d'avoir connaissance de deux cas d'enseignants (l'un à Namur, l'autre à Tournai) qui voient leur contrat rompu par leur directeur dans l'enseignement officiel, parce qu'ils ont l'outrecuidance de professer aussi dans l'enseignement libre. Choisis ton camp, camarade! Ces conceptions qu'on pouvait croire d'un autre siècle sont toujours bien vivantes. La bêtise régente donc l'école, le lieu même de l'intelligence. Si le chantier "bonne gouvernance" ne s'étend pas au-delà du politique, il risque de n'être que façadisme hypocrite.

Pour un revenir au camarade Daerden, le voilà donc à présent ministre dans le gouvernement fédéral. En charge d'un département important, un des piliers de l'unité du pays, celui des pensions. "Une plaisanterie déplacée", estime Peter Vandermeersch, rédacteur en chef du Standaard (dans le Vif du 31 juillet). C'est que les Wallons - surtout écolos, visiblement - n'en veulent plus, malgré les 63.580 voix qu'il a recueillis à Liège. "L'olivier voulait absolument prendre une nouvelle orientation. Elio Di Rupo et les siens avaient dès lors décidé de larguer Daerden au gouvernement fédéral, écrit Vandermeersch. Car, qu'on le veuille ou non, Daerden est un fantastique faiseur de voix. Il est l'homme le plus populaire de Wallonie. Impossible de le laisser tomber. L'entrée au gouvernement fédéral fait donc figure de lot de consolation pour des politiciens au rencart." Vandermeersch a raison: comment les socialistes francophones pourront-ils encore essayer de faire croire qu'ils sont attachés à l'entité Belgique, quand ils fourguent au fédéral un élu qui fait tache dans le gouvernement régional wallon ? "Il ne faudra pas s'étonner si le nombre des Flamands qui se plaisent dans cette demeure va encore diminuer", ajoute le rédacteur en chef du Standaard.

* comme l'appellent, paraît-il , certains camarades.

Aucun commentaire: