lundi 23 mai 2011

Se taire et se terrer?

En page "Opinions" de LLB du 13 mai, Jacques Van Doormael de Vielsalm raconte avoir été pris à partie par un client dans un restaurant qu'il fréquentait lui aussi à Antwerpen, parce qu'il avait l'outrecuidance de parler en français avec la serveuse, "manifestement flamande francophone". "Er is een taaldecreet", lui dit l'homme tout aussi manifestement furieux. Jacques Van Doorsmael lui fait remarquer que ce décret sur les langues s'applique aux affaires administratives, pas aux conversations privées. Le nationaliste bougonne.
Il raconte aussi ce coup de fil de sa soeur qui lui téléphone depuis Antwerpen. Elle lui parle en néerlandais, ce qu'elle n'a jamais fait depuis soixante ans, dit-il. Il découvrira plus tard, qu'elle avait peur "d'irriter le vendeur" en face de qui elle se trouvait.
On voit par ces attitudes qui frisent le terrorisme que nos libertés individuelles ont du souci à se faire. Des Flamands sensés le disent. Ainsi, dans le Vif du même jour (coïncidence), Guido Fonteyn, ancien éditorialiste du Standaard, aujourd'hui journaliste indépendant, ose affirmer que la montée en puissance de la NVA est celle "d'un parti conservateur de droite pur jus qui aspire à une Flandre indépendante où, en parfaite connivence avec les idées de Théodore Dalrymple (1), une classe supérieure s'appropriera le rôle de l'Etat et finira par brider les libertés individuelles".
Le campeur que je suis s'est retrouvé plus d'une fois en Bretagne, en Provence ou au beau milieu de la France dans des campings tenus par des Néerlandais et essentiellement fréquentés par leurs compatriotes et quelques Flamands. On y parle essentiellement - c'est assez logique - néerlandais. Ce que je fais dès lors aussi avec mes voisins qui ne parlent pas ou si peu le français. Même si la seule langue officielle en France est le français.
L'amateur de jardins que je suis s'est déjà retrouvé dans un salon du jardinage en Wallonie, à Beloeil plus précisément (2), où la plupart des exposants étaient Flamands et présentaient leurs plantes au moyen d'étiquettes rédigées en néerlandais. Sans que cela ne pose problème à qui que ce soit.
On voit par là que l'intelligence pousse où on veut bien la cultiver, mais qu'elle a tendance à décliner ces derniers temps. La carte des poussées nationalistes en Europe que publie LLB de ce jour le confirme. Ils sont puissants en Autriche, en Serbie, en Bulgarie, en Hongrie, en Flandre, aux Pays-Bas, en Suisse, en Italie, dans les pays scandinaves. Il y a en Finlande un parti des "Vrais Finlandais" qui a obtenu un peu plus de 19% des voix aux dernières élections. Y a-t-il une définition du Finlandais? Du Flamand? Peut-on être Flamand et parler français? Y a-t-il encore de la place pour un finno-suédois, un flamand francophone, un wallon flamand, un juif arabe, un hutu tutsie, un serbo-croate? On l'espère. On se le demande.

(1) G. Fonteyn nous explique que "Théodore Dalrymple fait figure de maître à penser de Bart De Wever. Cet intellectuel britannique ultraconservateur pèse de tout son poids sur nos négociations prégouvernementales bafouillantes". Il nous apprend que le think tank flamand Libera, tout aussi conservateur, vient d'accorder le prix annuel de la Liberté à Théodore Dalrymple. C'est Bart De Wever qui a prononcé son éloge." Le vif du 13.05.2011
(2) voir sur ce blog "J'ai acheté des plantes à Mooieoog", en date du 27.09.2007.

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