dimanche 28 août 2011

Plaisant

"On ne peut pas plaire à tout le monde", écrit Haruki Murakami dans "Autoportrait de l'auteur en coureur de fond". "Même quand je m'occupais de mon bar, je suivais la même politique, dit-il. Un certain nombre de clients venaient au club. Si un sur dix s'y plaisait et disait qu'il reviendrait, c'était suffisant. Si un client sur dix devenait un fidèle, mon commerce tournait. Ou, pour voir les choses à l'envers, cela n'avait aucune importance que neuf clients sur dix n'aiment pas ce bar. Quand j'ai pris conscience de cet aspect des choses, j'ai été soulagé d'un grand poids. Néanmoins, je devais m'assurer que celui qui aimait mon bar l'aimait vraiment. Pour avoir la certitude qu'il l'aimait, il me fallait clarifier complètement ma philosophie et ma position, et conserver cette position dans toutes les situations. Voilà ce que m'a enseigné mon commerce."
Le Vif de ce vendredi consacre un dossier au CDH, le parti qui s'est génériquement placé au centre. A lire l'article, on comprend que le CDH a besoin de "clarifier complètement (sa) philosophie et (sa) position". Il faut dire que ça se bouscule au centre. Des partis qui s'affirment de gauche ou de droite s'y sont solidement installés, essayant de plaire à tout le monde, d'attirer un maximum d'électeurs. C'est simple: il suffit d'être d'accord avec chacun d'entre eux. Quitte à assumer les contradictions les plus inconfortables. A faire le grand écart, même si ça fait mal. Même si on a du mal à se relever parfois. On ne peut pas plaire à tout le monde. Et pourtant, ils sont nombreux à essayer, à tout faire pour séduire. En arguments et en attitudes.
Ces derniers jours, se succèdent les mêmes images sans parole: les négociateurs, qui tentent de trouver un accord pour la formation du gouvernement, sortent au compte-goutte du Parlement et se dirigent sans commentaire vers leur voiture. C'est toujours un plaisir de voir sortir Laurette Onkelinx qui, chaque fois, dès qu'elle aperçoit un journaliste - mieux: une caméra - dégaine son sourire de crémière (1). Quel bonheur de la voir aussi radieuse. Elle friserait presque l'hilarité.
"Non, je ne puis souffrir cette lâche méthode qu'affectent la plupart de vos gens à la mode et je ne hais rien tant que les contorsions de tous ces grands faiseurs de protestation, ces affables donneurs d'embrassades frivoles, ces obligeants diseurs d'inutiles paroles". Ces propos du Misanthrope de Molière n'ont pas pris une ride en quatre cents quarante-six ans.


(1) je suis injuste: la crémière dont je suis un fidèle client a un vrai beau sourire naturel.

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