vendredi 29 juin 2012

Discussions sur le bout de gras

La Cour constitutionnelle a rendu son avis: elle rejette les recours contre le décret qui interdit le cumul de mandats de député wallon et de membre d'un collège communal (1). Drôle de décret issu d'un compromis à la wallonne. A partir de 2018 (le temps pour certains de voir venir et de s'organiser...), il ne sera plus possible pour les députés wallons d'être en même temps bourgmestre ou échevin ou président de CPAS. Il faudra choisir, pour éviter les conflits d'intérêt. Mais la règle ne s'appliquera pas à tous les députés, un tiers d'entre eux (soit vingt-cinq) pourront cumuler: celles et ceux qui auront fait les meilleurs taux de pénétration. Ainsi l'ont voulu les députés Ps et CDH. Bref, les vedettes pourront cumuler. Et ainsi renforcer leur statut de vedette. Une aberration: "plus l'élu est connu, plus il peut cumuler!", s'indigne Jean-Paul Wahl, député MR et bourgmestre de Jodoigne (2). S'il fallait (j'ai bien dit "si") maintenir la porte ouverte à certains cumuls, il eût été plus pertinent de le faire pour des élus de petites communes, qui réclament moins de travail et de présence sur place.
Maxime Prévot, qui est à la fois député wallon CDH et bourgmestre de Namur, estime que "il est plus facile et plus populaire, plus simple, voire particulièrement simpliste, de prôner la suppression du cumul des mandats plutôt que de batailler pour convaincre mutuellement l'opinion publique que 95% des parlementaires travaillent ardemment et efficacement" (2). Maxime Prévot défend ses bouts de gras. L'opinion publique serait sans doute convaincue si les parlementaires avaient le don d'ubiquité. Durant le mandat parlementaire que j'ai exercé, je me souviens que régulièrement il fallait attendre que le quorum soit atteint pour qu'une réunion de commission puisse se tenir. Les députés Ecolo, qui ne cumulent pas, étaient présents. Les rangs des autres partis étaient souvent clairsemés. Les conseillers des groupes politiques téléphonaient à leurs parlementaires pour qu'ils viennent, au moins, assurer ce quorum. C'est qu'il est difficile d'être à la fois au four communal et au moulin parlementaire. "Quand on a un mandat, on exerce une responsabilité réelle. On ne peut pas être partout", estime John Joos, de la liste montoise "Mons citoyen 2012" (2).
Je me souviens également qu'il était quasi impossible de programmer une réunion parlementaire un vendredi, "jour réservé à la présence sur le terrain communal".
Le Vif (2) écrit: "pas d'hypocrisie: pour une commune, c'est bien d'avoir un député, et encore mieux un ministre". C'est qu'on constate rapidement qu'une commune représentée au parlement ou au gouvernement bénéficie de certains avantages. Et même d'avantages certains. Par souci d'équité et de justice, il faudrait alors 292 députés wallons, soit un par commune.
Ceci dit, alors que les institutions françaises planchent elles aussi sur un projet de décumul des mandats, il faut reconnaître, comme le rappelait hier le journaliste Pierre Savary (3), que les citoyens sont opposés au cumul, mais adorent voter pour des vedettes, qui le sont grâce à leurs cumuls.

(1) LLB, 29 juin 2012.
(2) Le Vif, 8 juin 2012.
(3) Matin Première, RTBF, 28 juin 2012.

Lire aussi sur ce blog
"Les gens indispensables", 8 mars 2012;
"Abonnés à Cumul+", 28 octobre 2011;
"Synergétiques cumuls", 23 octobre 2010
et d'autres billets encore.

Aucun commentaire: