dimanche 5 octobre 2014

La violence sans fin


A écouter, le billet sobre, juste, poignant de François Morel de ce 3 octobre, sur France Inter, en hommage à Hervé Gourdel:


Les assassinats d'occidentaux par les barbares qui se réclament d'un pseudo Etat islamique nous révulsent, à juste titre. Mais ils ne peuvent être l'arbre qui cache la forêt. Ces occidentaux sont hélas loin d'être les seuls à subir la violence de ces hommes qui échappent à la logique qui est la nôtre. Une avocate irakienne, Samira Saleh Al-Naimi, défenderesse des droits de l'homme, a été fusillée publiquement par des hommes de Daech (1). Son crime: avoir qualifié de "barbare" la destruction de sa ville par ces hommes qui en l'assassinant lui ont donné raison. D'autres sont assassinés pour leur appartenance religieuse: chrétiens, yézidis, chiites et autres encore.
Les morts ne se comptent plus, mais les viols non plus. "En août, les Nations Unies ont notamment estimé que l'organisation terroriste avait réduit en esclavage sexuel environ 1.500 femmes et adolescents, filles comme garçons, écrivent Aki Peritz et Tara Maller (2). Amnesty International a publié un document cinglant selon lequel l'Etat islamique enlève des familles entières dans le nord de l'Irak pour les soumettre à des abus sexuels." On a affaire ici à des chefs de guerre qui utilisent les violences sexuelles comme une arme parmi d'autres. "L'Etat islamique, poursuivent les deux journalistes, prétend être une organisation religieuse dont l'objectif est de rétablir un califat, ainsi que d'imposer des codes de pudeur et des comportements datant de l'époque du Prophète et de ses disciples. Dans le cas présent, nous avons toutefois affaire à des viols et non au conservatisme religieux." Ces crimes, disent-ils, "révèlent leur hypocrisie et leur extrême brutalité".
Mais les fous furieux de Daech font aussi des victimes indirectes. Il y a un mois, des dizaines de réfugiés syriens ont été agressés dans tout le Liban, suite à l'assassinat par des militants de Daech d'un deuxième soldat de l'armée libanaise. Des appels ont été placardés, réclamant le départ immédiat de tous les Syriens et les menaçant de massacres ou de tortures à mort. "Au Liban, je suis maintenant aussi inquiet que quand j'étais en Syrie", déclare un réfugié. "La cause profonde de cette crise, à en croire Hussam Itani (journaliste au quotidien Al-Hayat), ce sont les appels à la haine religieuse et politique lancés par les partis politiques libanais, en particulier le Hezbollah, écrit Alex Rowell (3). Pas moins de 80% des réfugiés syriens du Liban sont des femmes et des enfants. Mais plus cette situation s'aggrave, plus il devient possible qu'une petite minorité d'entre eux finisse par prendre les armes, affirme en substance Itani."

(1) Charlie Hebdo, 1er octobre 2014.
(2) Foreign Policy (Washington), 16 septembre 2014, in Le Courrier international, 25 septembre 2014.
(3) Now, Beyrouth, 10 septembre 2014, in Le Courrier international, 25 septembre 2014.

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