mardi 7 octobre 2014

L'intolérance est-elle dans la nature?

"Un papa, une maman, c'est la nature". Voilà un des slogans des participants à la Manif dite "pour tous". Bien, observons alors la nature. On remarque assez vite que chez de très nombreuses espèces le père n'existe pas, le rôle du mâle se limitant à celui de reproducteur. On y voit aussi que l'homosexualité n'y est pas rare, on y a vu des couples du même sexe capables d'attention et d'affection pour des petits dont ils ont pris en charge l'éducation. Et que nombreux sont les animaux qui adaptent leur comportement en fonction des circonstances, de leur expérience, de l'attitude des autres. Bref, la nature est culturelle et s'inscrit dans une dynamique permanente. Elle n'est jamais figée. Elle s'adapte. Imaginons-la s'imposer sans culture. Quelles lois appliquerait-elle? La loi de la jungle, celle du plus fort, la domination voire l'élimination des faibles, la guerre, la conquête de territoires. C'est pourquoi les partis d'extrême droite font souvent référence à un "ordre naturel", à des "lois naturelles" et se méfient tant de la culture.
Dans "Bêtes et hommes" (1), Vinciane Despret relate de nombreuses observations qui ont permis de comprendre combien les animaux sont capables d'adaptabilité (2). "Tous ces exemples, écrit-elle, ont conduit les éthologistes à demander qu'on revisite certaines certitudes: la culture n'était pas le propre de l'humain; elle ne l'a jamais été. Les animaux inventent, changent leur habitudes, créent des ethos particuliers. Et l'éthologie renoue ainsi avec l'étymologie qui lui a donné son nom - ethos, les mœurs, les coutumes, les habitudes: elle devient science des habitudes, de celles qui sont fixées et de celles qui se modifient, de celles qui se transmettent et de celles qu'on voit disparaître. Comme celles des humains."
La nature est donc en mouvement et cette évolution est possible grâce à la culture. Ce que ne semblent pas savoir, ou vouloir voir, les opposants au mariage pour tous qui tentent de nous renvoyer à un état naturel qui n'existe pas. Le degré de civilisation d'une société (sa capacité à être civile, dans tous les sens du terme) se mesure à la complexité de son organisation, des rapports et des formes de communication entre ses membres, à son adaptabilité aux circonstances, à l'évolution de ses réflexions, à ses avancées scientifiques contrôlées. A sa culture donc. La référence à une nature à l'état pur et aux formes immuables est tromperie. Elle n'est qu'une manière de refuser l'évolution de la société.
Résumons-nous: les philistins roses devraient mieux observer la nature. Ils se cultiveraient.

(1) Gallimard, 2007.
(2) notamment ces mésanges anglaises qui avaient mis au point une technique pour ouvrir les bouteilles de lait déposées sur le seuil des maisons au petit matin. Ou encore ces baleines à bosse qui inventent de nouveaux chants qui se propagent comme des chansons à la mode à travers tout l'hémisphère australien.

1 commentaire:

daniela a dit…

Totalement d'accord.
C'est cela qu'il faudrait enseigner aux enfants & à bien des parents !...
daniela