jeudi 6 novembre 2014

Basse cour

Les agriculteurs français manifestaient hier un peu partout. Pour diverses raisons. Notamment pour exiger plus de consommation en France de produits français. Et aussi pour protester contre certaines règles auxquelles ils sont soumis, telles que la directive sur les nitrates. Visiblement, cette profession, une des plus subventionnées d'Europe (sans doute la première), ne veut pas comprendre qu'elle doit changer radicalement de manière d'agir et de stratégie et qu'est fini le temps où la terre n'était considérée que comme un matériau qu'on pouvait malmener comme l'entendait l'industrie agro-alimentaire. On ne demande pas mieux de consommer "national", et mieux encore local, mais alors des produits de qualité. Si manger français et manger McDo, c'est pareil: où est l'avantage?

Dans la Somme, près d'Abbeville, s'est construite la "ferme des Mille vaches", le genre de projet qu'on croyait appartenir au passé, mais qu'un industriel développe avec le soutien des autorités socialistes. A deux pas, à Doullens, autre projet - qui a lui aussi le soutien, y compris financier, des pouvoirs publics - tout aussi actuel et tout aussi dépassé: un élevage de 319.500 poules réparties dans trois bâtiments de 6.000 m2, soit neuf poules par mètre carré. "On ne peut pas mettre toutes les poules en plein air, explique le gérant, Pascal Lemaire. C'est la solution pour sortir de la crise et manger français le moins cher possible." (1)

Hier, certains agriculteurs, à Nantes, ont balancé des ragondins derrière les grilles d'une administration, les ont aspergés de peinture et frappés à coups de pied (2). 
On voit par là que le ragondin a toujours tort. L'agriculteur, lui, a toujours raison. Il a raison de protester contre l'excès de règles, même si elles ont été établies à cause des dommages que cause à l'environnement l'agriculture productiviste. Il a raison de s'opposer aux écotaxes et de démolir, pour bien se faire comprendre, du matériel public, même si ces taxes ont été décidées par l'ensemble des partis démocratiques. Et il a raison de soutenir la création du barrage de Sivens puisqu'il a été décidé démocratiquement. Cherchez la contradiction (voir note ci-dessous).
De nombreux agriculteurs et leur syndicat productivisto-capitaliste, la FNSEA, veulent que le projet de barrage de Sivens devienne réalité. Il faut de l'eau pour arroser le maïs, disent-ils. Est-ce à la nature et à l'environnement de s'adapter à l'agriculture ou l'inverse?

Il est temps que les agriculteurs remettent en question leurs pratiques. Tout le monde y gagnerait. Eux les premiers. L'agriculture intensive et les pesticides qui lui sont liés font de plus en plus de dégâts parmi la profession. De plus en plus d'agriculteurs sont atteints de la maladie de Parkinson, inscrite depuis mai 2012 au tableau des maladies professionnelles des paysans.
Olivier Colin, médecin au CHU de Poitiers, en témoigne: "Parkinson, qui touche environ 150.000 personnes en France, dont plus de la moitié diagnostiqués avant soixante ans, n'est donc pas une maladie de vieillesse. Elle est pour le moment la seule maladie clairement reliée à l'exposition aux pesticides, mais d'autres pourraient suivre." Notamment des lymphomes, cancers du système lymphatique.

Question: vaut-il mieux être poule, ragondin, agriculteur affilié à la FNSEA ou consommateur français ? On se le demande. Heureusement, de plus en plus d'agriculteurs, ceux de la Confédération paysanne notamment, ont décidé de ne plus être les dindons de cette mauvaise farce.

Note: Xavier Beulin, président de la FNSEA, a traité les opposants au barrage de Sivens de "djihadistes verts". Outre la bêtise de l'expression, Gérard Biard fait remarquer dans Charlie Hebdo (4) que "quand, il y a deux mois, des agriculteurs ont attaqué et incendié les bâtiments de la Mutuelle sociale agricole à Morlais, il n'a vu dans cette destruction délibérée des symboles de l'Etat qu'une simple manifestation d'exaspération, tandis que Thierry Merret, président de la FNSEA 29, a carrément tiré son chapeau aux auteurs du saccage.

(1) "250 000 taulards en pleine liberté", Fabrice Nicolino, Charlie Hebdo, 15 octobre 2014.
(2) www.leparisien.fr/societe/videos-manifestation-a-nantes-des-agriculteurs-filmes-maltraitant-des-ragondins-06-11-2014-4270645.php
(3)  "Trio gagnant - paysans, pesticides, parkinson", Fabrice Nicolino, Charlie Hebdo, 1er octobre 2014.
(4) "Dangers terroristes", 5 novembre 2014.

1 commentaire:

gabrielle a dit…

On apprend incidemment que certaines pommes (si pas toutes) subissent plus d'une trentaine (!) de traitements de pesticides par an (insecticides, fongicides, herbicides).
La France détient le triste record européen en matière d'utilisation des pesticides. Mais c'est partout dans le monde que la majorité des consommateurs est empoisonnée à petit feu.