jeudi 12 mai 2016

Brutocratie

Les Philippines viennent de se choisir un nouveau président. Rodrigo Duterte est, nous dit-on, bien pire que Donald Trump. Il est à la mode. Nous vivons des temps où les brutes plaisent beaucoup en politique, des temps où triomphent des candidats excessifs, insultants, aux analyses simplistes. Peut-être s'expriment-ils simplement comme tant de gens sur Internet: chacun a tout compris, est seul à avoir raison et tous les autres sont des cons. La preuve: ils ne pensent pas comme lui. 
Duterte, Trump, Poutine, Le Pen, Wilders, Orban, Erdogan, les partis populistes qui frétillent un peu partout, la plupart d'entre eux n'ont pas de véritable programme, mais des boucs émissaires. Les musulmans souvent, mais ce peut être aussi, selon les pays, les Mexicains, l'Union européenne, les réfugiés, les Américains, les Ukrainiens, les femmes. La liste peut être longue et diversifiée. Les candidats de la brutocratie sont si sûrs d'eux-mêmes que leur programme c'est eux. "La solution, c'est moi", disent-ils. Moi qui suis en phase directe avec le peuple, moi qui pense comme les gens, moi qui ai tout compris, moi qui ne dois rien à personne, moi qui ne suis pas de l'élite. Ces mensonges-là, tant d'électeurs aiment y croire. "Plus le monde est compliqué, plus on a envie de solutions simples", estime le politologue Dominique Moïsi (1). Ces illusionistes arrivent à faire croire à une part importante de leur électorat que leur nation peut retrouver sa gloire et sa puissance passées, que la fermeture des frontières y aidera et que le nationalisme est la seule voie vers le bonheur et la prospérité. Erdogan fait rêver de l'empire ottoman, Poutine de l'URSS dont il est un pur produit. Trump incarne le modèle de l'homme blanc (et blond), cow boy grossier, soi disant self made man. Tant de gens aiment croire que l'avenir est derrière nous que les voies s'annoncent royales pour les partis de l'extrême arrière. Les fabriquants de rétroviseurs se frottent les mains, ceux de jumelles n'ont pas le moral.

(1) voir l'émission "28 minutes" de ce 11 mai 2016, sur Arte:
http://sites.arte.tv/28minutes/fr/juliette-binoche-et-bruno-dumont-pourquoi-les-peuples-elisent-des-hommes-forts-28minutes

2 commentaires:

Grégoire a dit…

Quand le citoyen français vote alternativement pour des candidats dits de gauche et d'autres dits de droite, et qu'au final, cela ne change pas grand chose au niveau des choix socio-économiques, par exemple, il faut s'attendre à ce qu'un parti qui a toujours été en dehors du pouvoir national, contre lequel droite et gauche sont prêtes à s'unir, aie beau jeu de se poser comme vrai candidat du changement. Souvenons-nous du slogan de Hollande "le changement, c'est maintenant!". Qu'y a-t-il de fondamentalement changé, pour une meilleure justice sociale, après 4 ans de pouvoir? La situation s'est empirée et l'ultime réponse apportée par un gouvernement faussement de gauche est une loi sur le travail qui le précarise encore plus. Pas sûr que même la Droite aurait osée tant les avantages pour le patronat sont nombreux au détriment des travailleurs. Pierre Gattaz, patron des patrons français n'a eu de cesse de réclamer des subventions et réductions de charges (33 milliards d'euros au total depuis deux ans, je crois) pour ne pas créer le millions d'emplois promis, oups, s'est-il excusé, ce n'était pas une promesse, car selon lui, "Créer 1 million d'emplois, c'est possible mais nous n'avons toujours pas pris les mesures économiques qui vont bien".
"Plus le diable en a, plus le diable en veut" dit un proverbe africain...
L'auteur de "Merci Patron" qui fait un tabac en salle fait le même constat dans sa région d'Arras, le FN cartonne car la Gauche n'est plus la Gauche...

Michel GUILBERT a dit…

D'accord, mais...
1. je crains que la loi Travail ne soit que bien anodine à côté ce dont rêve la droite, dont ce "modéré" de Juppé: http://www.huffingtonpost.fr/2016/05/11/primaire-alain-juppe-droite-preparent-grand-soir-liberal_n_9900520.html?utm_hp_ref=france
2. ça n'excuse en rien le choix des brutes. A moins qu'une majorité d'électeurs ne soient totalement crétinisés (ce qui est explicable notamment par la télé, par Internet, par le Café du Commerce...).