mercredi 15 juin 2016

La petite boutique des horreurs

"Le monde est une triste boutique", écrivait Julos Beaucarne au lendemain de l'assassinat de sa femme. C'était il y a quarante ans. La boutique semble plus triste que jamais. Comme si elle ne pouvait rien apprendre de ses erreurs et de ses excès. Comme si elle n'avait plus en vitrine qu'agressivité et simplisme.
A quelle civilisation appartiennent tous ces hommes qui semblent incapables de s'exprimer autrement que par la violence? Quelle différence y a-t-il entre des hooligans qui cognent sur l'adversaire et des manifestants qui, sous prétexte d'opposition à la loi travail, saccagent des petits commerces ou vandalisent l'Hôpital Necker? Quelle différence y a-t-il entre des islamistes qui tuent des policiers et des manifestants antifascistes qui mettent le feu à une voiture dans laquelle se trouvent des policiers et sur laquelle ils écrivent (avec un humour qui leur est propre) "poulets grillés"? Y a-t-il une différence dans la névrose entre les assassins du Bataclan, ceux du métro à Bruxelles et celui du Pulse à Orlando?
Tous ces gens ont-ils reçu une éducation? On a l'impression que, plus que jamais, la grossièreté, l'inculture et l'agressivité font loi. Que cherchent-ils à prouver sinon leur bêtise? Sinon leur volonté d'imposer par la force leur vision des choses? Tout ces gens manquent-ils de mots, de raison, d'intelligence? Tous ces cogneurs, qu'ils soient d'extrême droite ou d'extrême gauche, nationalistes islamistes ou pseudo antifascistes, font le jeu des brutes politiques. Les Trump, Le Pen, Poutine, Orban ou Erdorgan, ces boutiquiers du rejet de l'autre, se reservent un verre en regardant la télé. Leurs arrière-boutiques sentent le rance mais leurs affaires sont florissantes.
"Il faut reboiser l'âme humaine", disait encore Julos dans le même texte.

4 commentaires:

Philippe Dutilleul a dit…

Bravo Michel, tout est dans le texte...qui n'est pas la bible ou le coran.... Ph. Dut.

gabrielle a dit…

Ces années deviennent terribles. On semble être entrés dans une ère de radicalisation et de violence à tous les niveaux. On en est au point où celui ou celle qui pense ou agit différemment de soi est carrément à abattre (dans tous les sens du terme). La parole ou les actes sont prétendument "libérés" dans les médias, sur internet, dans la rue. Alors on ne réfléchit plus un instant, on ne discute pas, on ne négocie pas: on hurle, on éructe, on "clash", on casse, on tue. C'est en effet une question d'éducation.

Michel GUILBERT a dit…

Une page (la 7) dans Charlie Hebdo cette semaine qui démontre combien la bêtise se porte mieux que jamais. L'équipe de Charlie y reprend quelques messages d'insultes et de menaces écrits dans un français très approximatif et reçus suite à la une de la semaine dernière. Il y était écrit "Deschamps, raciste!" (voir un billet récent sur ce blog) et on y voyait un cercueil qui court vers un goal avec deux bras terminés par des gants de boxe et cette phrase; "il n'a pas sélectionné Mohammed Ali pour l'Euro 2016". Le genre de dessin dont Charlie est coutumier et qui fait ce style qu'on apprécie. Mais à lire les commentaires, Riss a commis là un (nouveau) blasphème. Visiblement, tous ces gens n'ont (à nouveau) rien compris. Alors, ils se transforment en loups. Stupides et éructants. (En fait, les loups ne sont pas stupides - avec quel animal les comparer alors? Des hyènes?) Retournez sur les bancs de l'école, les gars! On y apprend à réfléchir. Et parfois à comprendre. Même si vous avez du mal à le croire, l'école rend moins bête.

Michel GUILBERT a dit…

Commentaire reçu ce 16 juin des Etats-Unis:
Tu as parfaitement fait le tour de la boutique, Michel, et tout y est…cheap, very cheap, bête, vulgaire et méchant. Une mélasse universelle. Chacun est entaché, comme ces volatiles que les media nous présentaient englués dans le pétrole.
Asphyxiées, nos âmes, car comment expliquer que tant d'êtres consentent au mal, et marchent au pas derrière les tyrans? Souvenons-nous du pas de l'oie, des marches au bûcher, des marches aux crématoires. Aveugles, sourds à tout ce qui n'est pas trompette guerrière ou d'espèce sonnante et trébuchante, leur sensibilité, leur sym-pathie annhihilée, ils succombent à la promesse d'une euphorie généralisée qui vient quand on n'a plus qu'à obéir et laisser faire en rêvant au grand soir, au Wallalah, au paradis (et à l'enfer pour les autres) à la canette après le foot, et même, ô mésalliance (pour le vin), au petit blanc frais pendant le match à la télé.
Il faut donc "reboiser l'âme humaine", comme le dit si bien Julos, et qui mieux que les poètes peut s'en acquitter, leur cœur et leurs sens ouverts, leurs antennes alertées, leurs instruments accordés?
Il faut les lire, les dire, les poètes, les chanter (tout haut si on chante juste; tout bas, si par cause de désarroi ou de désespoir, on est réduit au silence).
Il faut se faire poète soi-même, sans rime ni raison, sans rime, avec raison, reboiser l'âme avec des essences pures, faire pousser des contre-poisons enfin…
Andrée