dimanche 26 juin 2016

En avant, y a pas d'avance

Le référendum sur le Brexit démontre les limites de ce que certains considèrent comme la forme la plus authentique de démocratie. Les jeunes Britanniques, qui ont majoritairement voté pour le maintien dans l'UE, sont furieux sur leurs aînés qui ont décidé de réinstaurer des frontières (1). Qui peut décider de l'avenir ? Chacun doit-il avoir une voix d'un poids égal, alors que l'avenir des uns se réduit à dix ou vingt ans et celui des autres s'ouvre sur de nombreuses décennies ? Quels critères jouent dans les positions prises par les citoyens dans l'isoloir ? L'addition d'avis intuitifs peut-il aboutir à une décision raisonnable ? Si les partis populistes sont de fervents défenseurs des référendums, c'est qu'ils ont bien compris que cette forme de démocratie ne s'embarrasse pas plus de vrais débats que de nuances. Les slogans réducteurs, les promesses intenables (demain on rase gratis) (2) et les réflexions du niveau Café du commerce suffisent à emporter la donne.
François Hollande a évidemment raison de refuser à la fille à papa Le Pen l'organisation d'un référendum (3). Le peuple a bon dos, les partis populistes l'utilisent en l'infantilisant pour faire triompher leurs idées simplistes. Quel programme ont ces partis à part de quitter l'Union européenne, de reconstruire des frontières et de chasser les étrangers ? Comment peut-on mettre de l'espoir dans des partis sans projets ? Chaque pays de l'Union européenne devrait organiser aujourd'hui une grande consultation populaire, non pas un référendum où chaque citoyen exprime isolément son émotion sans argumentation, mais un large débat avec cent ou deux citoyens tirés au sort et constituant un panel représentatif des générations, des origines géographiques et socio-économiques et à l'abri des partis politiques qui renversent à leur profit ces consultations. On peut parier que ces citoyens, prenant le temps de débattre, en long, en large et en travers, des avantages et des inconvénients de l'appartenance et de la non appartenance à l'Union européenne, construiraient des propositions positives pour plus et mieux d'Europe.
Les référendums sont les armes préférées des autocrates et des populistes qui ont bien compris que les questions complexes devaient être réduites au simplisme. La meilleure manière de lutter contre le populisme qui gangrène le monde, c'est de faire confiance aux intelligences collectives plutôt qu'aux émotions individuelles. C'est de développer l'éducation permanente, c'est d'aider les citoyens à se mettre en mouvement. Les aider à aller de l'avant plutôt que les pousser à faire machine arrière.

(1) http://www.lalibre.be/actu/international/apres-le-brexit-une-jeunesse-amere-et-furieuse-envers-les-plus-ages-576e923a35705701fd8e9f10
(2) http://www.lesoir.be/1249197/article/actualite/union-europeenne/2016-06-24/brexit-mensonge-nigel-farage
(3) http://www.lemonde.fr/referendum-sur-le-brexit/article/2016/06/25/le-marathon-post-brexit-du-president-hollande_4958047_4872498.html

2 commentaires:

Philippe Dutilleul a dit…

J'ai eu une discussion via le facebook de ma compagne sur ce thème avec Philippe MOINS... Ton analyse me semble bien balancée. je te renvoie aussi sur le "Brexit" à mon blog, blogandcrocs.blogspot.com...

Grégoire a dit…

Et pourtant un leader nationaliste flamand, qui n'hésita pas, sans subtilité, jadis à présenter un camion rempli de faux-billets pour illustrer les transferts Flandre/Wallonie, a déclaré lors d'une interview TV que demander à un citoyen de base, britannique en l'occurrence, de répondre par oui ou par non à une question aussi complexe que la sortie du Royaume Uni de l'Union Européenne n'était pas judicieux (je résume). Dans ce référendum, comme dans la plupart des autres votes (élections), on vote souvent pour des idées, rarement pour des compétences...