mercredi 4 janvier 2017

L'accueil des déracinés

C'est, se plaît-on à y dire, le pays des Droits de l'Homme. Celui pour qui la fraternité est une valeur fondatrice, inscrite dans sa devise. C'est un pays, insistent des élus de droite, aux racines chrétiennes.
C'est dans ce pays qu'un tribunal juge en ce moment-même un agriculteur des Alpes maritimes accusé "d'aide à l'entrée et au séjour de personnes en situation irrégulière". Il a de fait transporté dans sa voiture, hébergé chez lui et conduit à la gare des migrants en souffrance. Et pour cela il risque cinq ans de prison. S'il ne l'avait pas fait, il aurait pu être accusé de non-assistance à personnes en danger.  L'Etat français devrait l'être lui aussi, estime le responsable d'une association qui défend les aidants, constatant que des mineurs, à l'encontre de la loi, ont été réexpédiés jusqu'à douze fois de l'autre côté de la frontière italienne (1).
Que signifie le mot "fraternité"? Suffit-il d'avoir "des racines chrétiennes" pour en comprendre les valeurs? Se souviennent-ils, ces défenseurs des racines chrétiennes, de la parabole du bon Samaritain (2)? Comprennent-ils ce que veut indiquer le fait que Jésus soit né dans une étable, ses parents ayant été rejetés de toutes parts? Se souviennent-ils que Jésus appelait à aimer son prochain comme soi-même (une position intenable, il faut bien en convenir)? Si les racines chrétiennes ne servent qu'à exclure les déracinés, si elles nous amènent à avoir des attitudes contraires à l'humanité, autant les couper. On ne s'en trouvera que mieux.

Post-scriptum: le procureur a requis huit mois de prison avec sursis contre Cédric Herrou. Combien alors contre tous ceux qui laissent les gens à la rue?

(1) France Inter, Journal, 4 janvier 2017, 13h.
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Bon_Samaritain
A lire ou écouter: le billet de Nicole Ferroni, mercredi dernier sur France Inter:
https://www.franceinter.fr/emissions/le-billet-de-nicole-ferroni/le-billet-de-nicole-ferroni-28-decembre-2016

3 commentaires:

gabrielle a dit…

Dire qu'on pensait naïvement que c'était la non assistance à personne en danger qui constituait un délit...

Grégoire a dit…

Tout d'abord, mes voeux de santé et de bonheur les plus sincères pour l'année 2017 à notre aimable hôte et aux commentateurs habituels.
Je suis profondément pessimiste de nature, et l'époque actuelle...
Ce qu'a fait cet agriculteur me rappelle la démarche de Pierre Desproges à l'approche de Noël, à la fin des années 70. Après avoir essuyé maint refus, il arrive sans peine à persuader un musulman, M. Abdel Kader, d'héberger un couple d'immigrés israéliens sur le point d'avoir un enfant. Lui se prénomme Joseph, elle Marie. Impossible de trouver la vidéo de ce grand moment d'humanité où un musulman dit à un chrétien que ce couple juif est avant tout deux êtres humains. On ne trouve plus cette vidéo provenant d'une chaîne française qui était encore à l'époque publique car un organisme officiel (INA) interdit sa diffusion à cause des droits d'auteur. Je ne trouve pas la logique...
Puisque l'Etat Français ne remplissait plus son rôle, Coluche décida de lancer les Restos du Coeur© pour dénoncer cet état de fait, mais en fin de compte lui rendit aussi service en le déchargeant de cette tâche. Ce qui ne devait être qu'un unique cris de rage unique dure depuis 1985.
Dans un article très argumenté du journal belge Le Soir, il y a cette citation de Don Helder Camara, qui avait coutume de constater : «quand je donne à manger à un pauvre, on dit que je suis un saint ; quand je demande pourquoi il est pauvre, on me traite de communiste.». A lire sur http://plus.lesoir.be/76253/article/2017-01-05/la-solidarite-cest-aussi-une-affaire-detat
Il est des maires qui logent gratuitement des familles d'immigrés, scolarisent leurs enfants, facilitent l'obtention d'un boulot aux pères, et le tout fait l'objet de reportages. Il y a peu, un autre reportage, sur France 5, je crois, nous montrait la détresse de femmes françaises qui survivent dans la rue, et la plus jeune, 25 ans environ, avait plusieurs fois les larmes aux yeux car elle n'en pouvait simplement plus. A la fin du reportage, elle n'avait trouvé aucune solution à son errance et la narratrice annonçait qu'elle avait quitté Paris.
Il ne s'agit pas bien sûr de hiérarchiser deux urgences, ni de jouer une quelconque préférence nationale (beurk, si je puis me permettre), mais je constate qu'autour de moi, on se plaint de cette différence de traitement, sans pour autant apporter concrètement son aide aux uns comme aux autres...

Michel GUILBERT a dit…

Je suis plutôt optimiste, mais - allez savoir pourquoi - ces derniers temps je le suis beaucoup moins...