samedi 7 janvier 2017

Charlie va bien (merci pour lui)

J'étais dans ma voiture sur le parking de ce magasin bio, écoutant France Inter, quand on a appris que des coups de feu avaient été entendus dans les bureaux de Charlie Hebdo. J'ai su que le pire, que comme beaucoup d'autres je craignais depuis longtemps, était arrivé. C'était il y a deux ans aujourd'hui. J'ai alors perdu une partie de ma famille: Cabu, Honoré, Tignouss, Charb, Wolinski, Bernard Maris et d'autres qui les accompagnaient dans la parution de cet hebdomadaire impertinent et (pour moi) salutaire.
Les tueurs imbéciles qui les ont lâchement massacrés croyaient tuer un journal. Ils n'ont fait que donner une nouvelle vie à un hebdomadaire moribond. Pendant des années, j'ai appartenu à cette poignée de lecteurs hebdomadaires de Charlie en Belgique. Depuis le massacre, le journal s'y vend à plus de huit mille exemplaires dans quatre-vingt pour cent des points de vente (1). Dommage que ces crétins soient morts. Ils auraient vu à quel point leur projet a échoué, a atteint un objectif exactement opposé à celui qu'ils visaient. Ils auraient pu comprendre combien ils ont été stupides. Le dictateur Khomeiny s'est-il rendu compte qu'il était devenu le meilleur agent littéraire de Salman Rushdie  (2) ? Qu'en lui faisant un procès imbécile et totalement injustifié, il a dopé les ventes des Versets sataniques et fait connaître mondialement son auteur?
A quelque chose malheur est bon, dit un dicton populaire. Un peu partout depuis le massacre de l'équipe de Charlie, des citoyens ont décidé de se réunir, de se rencontrer, de se parler, d'imaginer d'autres rapports entre eux, une autre société. C'est le cas ici à côté, c'est le cas dans les Deux-Sèvres, c'est le cas ailleurs. On ne remerciera pas pour autant les tueurs, on se contentera de constater leur bêtise abyssale. Ils n'ont pu comprendre que si on peut tuer des gens on ne peut tuer des idées et des valeurs.


A lire:
- l'interview de Coco dans Marianne;
http://www.marianne.net/coco-charlie-on-reussi-retrouver-esprit-debat-bouffe-deconnade-100249075.html
http://www.marianne.net/agora-etre-charlie-c-est-resister-islamisme-cultivant-esprit-voltairien-100249098.html
- sur ce blog les billets de janvier 2015.

(1) http://www.lalibre.be/actu/belgique/charlie-hebdo-vend-toujours-plus-de-8-000-exemplaires-par-semaine-en-belgique-586d0b86cd708a17d55836e1
(2) même si celui-ci l'a payé chèrement - lire son autobiographie "Joseph Anton", Plon, 2012.

2 commentaires:

Grégoire a dit…

J'ai découvert Charlie Hebdo en vacances dans le Sud-Ouest, il y un peu plus de 20 ans. J'ai tout de suite adoré les textes de François Cavana, et je me souviens que le lendemain, j'achetai tous les livres de celui-ci de la librairie. J'achète peu Charlie en Belgique, car j'ai l'occasion de le trouver en France. Le dernier numéro est tout entier consacré à se défendre, assez efficacement, de cette accusation d'islamophobie/racisme accouplée à cette sentence "ils l'avaient bien chercher". On y découvre, avec une certaine déception, une liste d'écrivains, philosophes, journalistes, économistes, hommes politiques, etc. qui furent plus prompts à se réjouir des goulags (je caricature à peine) qu'à dénoncer le régime de Castro et qui continuent dans la même veine. J'y ai lu des noms "familiers" et s'il n'y avait eu les citations, j'aurais eu peine à y croire. Des grands noms, comme on dit... Je ne lirai plus, à titre d'exemple, le Monde Diplo' avec le même regard. Je n'ai pas eu l'impression d'un règlement de compte de la part de Charlie, mais plus d'un ras-le-bol vis-à-vis de donneurs de leçons que Charlie aurait pu croire ou espérer avoir de son côté. Ou alors, je n'ai pas compris. J'ai simplement envie de conclure avec ce commentaire – à la syntaxe approximative mais efficace – lu au lendemain de l'attentat, à la suite d'un article consacré à celui-ci, et qui était destiné à tous ceux qui se sentent, ou se sentiraient, offensés par Charlie Hebdo : "Si pas content, pas lire". Et encore une de Beaumarchais pour la route : "Il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits".

Michel GUILBERT a dit…

Oui, c'est en effet décevant de découvrir cette (trop) longue liste d'intellectuels qui pensent qu'il vaut mieux se taire que défendre Charlie Hebdo et qui, pour des raisons strictement idéologiques et malgré la sinistre réalité, ont défendu becs et ongles des régimes et des individus indéfendables.