dimanche 4 mars 2018

Déjections de l'aigle

Une bonne et une mauvaise nouvelle.
La bonne: les Français continuent à acheter des livres.
La mauvaise: les 50.000 premiers exemplaires des mémoires de Jean-Marie L'Infâme ont été vendus avant même d'être en librairie. 50.000 autres exemplaires sont en réimpression. "Les mémoires de Jean-Marie Le Pen font un tabac", indiquait récemment France Inter (1).
Il faut reconnaître que les lecteurs en auront pour leur argent, un ramassis de propos d'un autre siècle, aussi nauséabonds que le personnage qui les a écrits. Et il n'y a aucun second degré. A l'heure de "#balancetonporc", ils pourront lire: "(les femmes) ne doivent pas oublier sous peine de mort qu'elles ont la mission sacrée de transmettre la vie et d'éduquer les enfants, de leur transmettre tout ce que l'école s'avère incapable de leur donner. Du point de vue de la société, je préfère une paysanne inculte mère de six enfants à une dame major de polytechnique qui n'en a pas." (2)
Même s'il a exercé différents mandats électifs de manière quasi continue depuis soixante ans, le père Le Pen - qui exècre "la classe politique" (à quelle classe appartient-il, lui, le doyen - et de très loin - des élus français?) - n'a jamais eu aucune responsabilité importante. Toute sa vie, il l'aura passée à éructer. Sur les autres, sur les étrangers, sur la France qui fout le camp, sur l'abandon de l'Algérie française, sur le système, sur sa fille. On a les projets de vie qu'on peut. "Le Pen, écrit Riss, avait l'art d'exploiter les mots pour en faire les alliés de son idéologie xénophobe, raciste et antisémite" (3). Cette idéologie-là continue à fasciner quantité de Français qui achètent donc des abjections qu'on peut aujourd'hui lire quotidiennement sur Internet. Mais celles-ci sont celles d'un chef qui est sans doute à leurs yeux le premier troll de la politique française. Celui qui n'a pas peur de signer son vomi.

Pendant ce temps, on apprend que la fille à papa serait l'objet d'un contrôle fiscal. Elle se dit persécutée. Ce qui n'est pas une surprise venant du Calimero de la politique française. "Une guerre médiatique est menée contre moi, pleurniche-t-elle avec la même absence de second degré que son géniteur. Qui je terrorise à ce point pour subir des persécutions judiciaires, médiatiques et maintenant fiscales?" (4) Elle ne pourra pas appeler papa au secours. "J'ai pitié d'elle, écrit-il (2). Chez les oiseaux, les parents chassent les oisillons du nid pour qu'ils volent de leurs propres ailes; dans la famille Le Pen, c'est l'inverse, l'oiselle a viré l'aigle de son aire pour devenir adulte." Adulte, elle l'est devenue: elle collectionnera bientôt autant de casseroles que l'aigle à l'œil de verre. 

(1) France Inter, 2.3.18, Journal de 13h.
(2) Charlie Hebdo, "Mémoires d'un œil de verre", 28.2.2018.
(3) Charlie Hebdo, "Taisez-vous, Le Pen", 28.2.2018.
(4) https://www.huffingtonpost.fr/2018/03/04/marine-le-pen-a-decouvert-dans-le-jdd-quelle-est-visee-par-un-controle-fiscal_a_23376330/?utm_hp_ref=fr-homepage

2 commentaires:

Grégoire a dit…

"...éduquer les enfants, de leur transmettre tout ce que l'école s'avère incapable de leur donner." J'ignore si c'est la cas en France, mais en Belgique un instituteur est aussi, de par son diplôme, éducateur. Tous les parents ont beau ne pas le savoir, certains comptent d'emblée sur les enseignants pour faire le boulot d'éducation à leur place. En même temps, certains parents étant eux-même assez mal éduqués, ce n'est parfois pas plus mal que ce soit quelqu'un d'autre qui s'en charge... Pour en revenir à Le Pen Père, Sa vision du rôle de la femme me ressemble fort, pour ce que j'en connais, à celle de Vichy. Mère et femme au foyer, point. N'oublions pas que c'est Pétain qui a inventé la fête des mères. Et puis une paysanne inculte sera toujours plus facile à manipuler qu'une major de polytechnique. J'aime bien cette réplique de Guy Bedos à qui on faisait remarquer que JM Le Pen disait tout haut ce que les Français disaient tout bas : "Même dit tout haut, ça reste encore très bas..."

Michel GUILBERT a dit…

Je ne connaissais pas cette réplique - excellente - de Bedos.
Il y a bien des choses inquiétantes effectivement dans ces quelques propos de Le Pen. Sa référence à Vichy, oui, guère surprenante. Il dit d'ailleurs dans ses mémoires que de Gaulle lui "parut laid. (...) Il n'avait pas une tête de héros. Un héros doit être beau. Comme saint Michel ou le maréchal Pétain." Mais le pire dans ses propos sur les femmes, c'est que, selon lui, les femmes ne doivent pas oubier "sous peine de mort" qu'elles ont pour mission de mettre au monde des enfants. Sous peine de mort! Lui président, quel sort aurait-il réservé aux femmes sans enfants...? Quand on pense que certains rêvent de voir l'homme devenir immortel... Le Pen a aujourd'hui 89 ans, ses éructations devraient quand même cesser un jour ou l'autre.