mercredi 28 février 2018

Cet homme trop humain

C'est dur à admettre mais il faut en prendre son parti: l'homme est un être très humain. S'il a plein de qualités et peut être séduisant, voire enthousiasmant à plus d'un titre, il est loin d'être parfait.
L'homme ou la femme politique en tous points admirable n'existe pas. Pas plus que l'artiste, le travailleur social, le sportif, le boucher, l'agriculteur bio, l'ouvrier automobile ou le patron d'une entreprise du CAC 40 (mais lui, on le savait déjà).
Aujourd'hui, on découvre que des travailleurs d'ONG ont monnayé leurs interventions contre des faveurs sexuelles.
On apprend qu'un saint homme, devenu gourou de l'islam moderne, a violé des femmes.
On lit qu'un média qui se veut alternatif fonctionne comme les traditionnels, avec les mêmes rapports de pouvoir et les mêmes méthodes d'exploitation de la main d'œuvre.
On voit que des représentants de partis aux règles strictes et aux exigences fortes sont dépassés par leurs ego et leurs ambitions personnelles.
On comprend que personne n'est un modèle de vertu et qu'en toute chose il faut garder de la distance. 
Bien sûr, il faut continuer à s'indigner et surtout à se battre pour changer les pratiques et les attitudes.
Mais il faut aussi cesser de jouer les Tartuffe en s'indignant que des gens soient comme les autres et accepter que l'homme ou la femme parfait-e n'existe pas plus que le Père Noël ou le prince charmant.
On voit par là que le pire problème de l'homme est d'être un être humain, créé, nous dit-on, par Dieu  à son image: imparfait.

2 commentaires:

Bernard De Backer a dit…

J’ai toujours été étonné par cet adjectif “humain”, à connotation exclusivement positive, opposé à son antonyme “inhumain” (ou “bestial”). Malgré tous les démentis que l’histoire et l’expérience humaine nous opposent depuis des siècles, nous continuons à penser que “le fond de l’humain est bon”. Et que, si c’est mauvais, c’est forcément "inhumain”. CQFD.

Ce déni du caractère ambivalent de l’humain est peut-être lié à l’humanisme, ce mouvement philosophique né avec la Renaissance et qui voulait placer l’homme (j'emploie le masculin à titre épicène) au centre de toute chose, après avoir détroné les Dieux qui devaient être mauvais. Il fallait donc que le nouveau point d’appui soit bon.

Seulement voilà, l’affaire s’est avérée un peu plus difficile que prévu et les grands projets de “transcendance horizontale” ont parfois débouché sur les pires régimes que l’histoire “humaine” ait connu. Il est en effet très dur de se débarrasser du Père Noël, mais ce serait peut-être faire preuve d’un peu plus de lucidité que de lui donner son congé.

Un des derniers avatars de cette pensée binaire est évidemment la survalorisation de la “société civile” opposé à son contraire (“la société militaire” ?). Les ONG et le monde associatif sont par essence bons, peuplés d’hommes et de femmes généreux, désintéressés, sans rivalités, sans projet professionnel et sans agenda personnel. Tous ceux qui fréquentent ces millieux savent que la réalité est moins rose, mais l’omerta règne pour l’extérieur (les donateurs et les subides). Je me souviens cependant d’un article de La Revue nouvelle sur le sujet, paru il y a quelques années et écrit par un homme de terrain, qui ne machait pas ses mots. Mais je n’arrive pas à le retrouver…

Allons, encore un effort pour être vraiment humains !

Michel GUILBERT a dit…

Dans le même ordre d'idées, le philosophe italien Maurizio Ferraris estime que "l'on comprendrait mieux notre nature si on se rendait compte que l'imbécillité est le propre de l'homme". L'auteur de "L'imbécillité est une chose sérieuse" (PUF) affirme que "se frotter à la réalité de l'humanité et de la société est la seule manière de transformer le monde. En outre, la tentation d'échapper à l'imbécillité qui pèse comme un péché originel sur la condition humaine est à l'origine de la culture et de la science, de tout ce que l'être humain a fait de bien". (Le Vif, 15.2.2018)