lundi 23 juillet 2018

Dans le mur et l'indifférence

Où va le monde? Dans le mur à coup sûr. Les petits Mussolini (voir billet précédent) se reproduisent comme lapins en garenne, mais avec une obsession de coq: le menton et le poitrail en avant, ils cherchent à chanter plus fort que les autres et à s'imposer, dans leur pays ou leur région, comme le seul chef au pouvoir maximal. 
"A une époque caractérisée par les accès de colère du président américain Donald Trump, le révisionnisme du président russe Vladimir Poutine et l'ambition démesurée du président chinois Xi Jinping, la situation internationale est de plus en plus confuse, dysfonctionnelle, voire dangereuse. Comment en sommes-nous arrivés là et comment pouvons-nous en sortir?", s'interroge  Carl Bildt, ancien Ministre des Affaires étrangères et ancien Premier Ministre de Suède (1) "Ces dernières années, la communauté internationale est entrée dans une nouvelle phase. La politique de l'idéalisme et de l'espoir a été remplacée par celle de l'identité et de la peur. Cette tendance s'est confirmée dans un pays occidental après l'autre, mais elle est particulièrement sensible dans les deux pays anglo-saxons qui, à l'origine, ont rendu possible la période de progrès miraculeux précédent. Aujourd'hui, le Royaume-Uni nous offre le spectacle tragique d'un débat politique confus. (...) Autrefois animé d'une vision politique de portée planétaire, le Royaume-Uni sombre dans les querelles de clocher." (...)
"Pendant des décennies, la Maison-Blanche a été le point d'ancrage du monde. Aujourd'hui, elle est une source de rhétorique belliqueuse qui ne cherche même pas à faire semblant de respecter les règles de l'ordre international. En fait, la stratégie de sécurité nationale officielle du gouvernement Trump dénonce même les efforts des Etats-Unis visant à préserver l'ordre international, des efforts décriés comme étant contre-productifs et autodestructeurs. L'avenir qu'envisage cette Maison-Blanche est uniquement fait de conflits entre nations souveraines."

L'écrivain irlandais Robert McLiam Wilson fait le même constat, en des termes plus crus : "De tout temps plus émotif et moins philosophique que la France ou l'Allemagne, le monde anglophone est entré dans une phase lunatique de caprice et de déconne proche de la démence. A ce stade, attendre le moindre signe de compétence ou de sérieux de la part de ces deux pays serait pêcher par naïveté (quant au sens politique, même pas en rêve). Mystérieusement fâchées, deux nations riches et privilégiées ont balancé leurs jouets hors du parc en élisant des idiots forcés de gouverner idiotement  parce qu'en Anglophonie, quand on se trompe, il ne faut surtout jamais l'admettre" (2).
Evoquant le président Trump, le philosophe allemand Jürgen Habermas estime que "on ne peut même pas dire que cet individu est en dessous du niveau de culture politique de son pays: Trump détruit constamment ce niveau" (3).
La Maison-Blanche, affirme le romancier américain Jérôme Charyn, "n'a rien de dysfonctionnel. Elle respire l'air vicié de la rancœur et vit avec. Elle sert de base aux mélodies du Donald: ses vitupérations et ses tweets. Elle nous déstabilise à intervalles réguliers. Et nous peinons à définir clairement nos lignes de bataille" (4).

Tous ces navrants petits Mussolini n'ont pour objectif qu'eux-mêmes, nous démontrent qu'il y a urgence à changer radicalement le système démocratique, à en finir avec un système électoral qui nous laisse - presque à chaque fois - déçus. La majorité des élus n'ont pour ambition que d'être réélus. Le long terme - et même le moyen - n'appartient pas à leurs préoccupations.
Bart De Wever se rêve en président d'une république flamande. Elle risque bien d'être un pays sans terre, un pays liquide. Une bonne partie de la Flandre sera sous eau dans un horizon proche. Il se trompe totalement de combat. Il aura cependant une belle casquette. Celle d'un gardien de phare aux confins de la Wallonie.

Si nous allons dans le mur, c'est aussi parce que nous laissons la voie libre à ces petits Mussolini. L'indifférence des citoyens est aujourd'hui aussi grande que leur apathie, leur résignation et leur lassitude. Que nous arrive-t-il? Nous devrions chaque jour être dans les rues pour protester contre la barbarie qui régit la Syrie, contre la bêtise qui règne aux Etats-Unis, contre la dictature qui s'installe insidieusement au gré de tant de peuples, contre la mort en Méditérranée de tant de gens qui refusent de crever dans leur pays, contre le dérèglement climatique qui générera plus encore de catastrophes, de misère, de sécheresse, de migrations, contre l'augmentation du fossé entre riches qui ne savent que faire d'un argent qui leur file entre les doigts et pauvres qui tentent de survivre et parfois meurent dans le mépris et l'indifférence des premiers.
Mais nous sommes en vacances Peut-être de nous-mêmes.

(1) Project Syndicate, Prague, 19.4.2018, in Le Courrier international, 12.7.2018.
(2) "Le grand n'importe quoi du monde anglophone", Charlie Hebdo, 18.7.2018.
(3) "L'entretien", Le Courrier international, 5.7.2018.
(4) "Obama", Charlie Hebdo, 18.7.2018.

1 commentaire:

Anonyme a dit…
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