mercredi 22 août 2018

Les maisons du diable

On se souvient des Magdalena, ces jeunes filles, considérées comme délinquantes ou déviantes, enfermées dans des institutions catholiques en Irlande. Des milliers de jeunes femmes ont été forcées à travailler dans les "Blanchisseries de Madeleine", des prisons qui ne disaient pas leur nom et qui ont existé de 1922 à 1996. Travail physique extrêmement pénible, prières et humiliations constituaient le quotidien de ces jeunes filles. Sinead O'Connor fut l'une d'entre elles. L'Etat irlandais était complice: des jeunes filles y furent amenées suite à une décision de justice ou même avant un procès. Et l'Etat passait des contrats de blanchisserie avec ces bagnes déguisés (1).
Peter Mullan en a fait un film, sorti en 2002: The Magdalene Sisters.

La France ne fut pas en reste avec les Instituts du Bon Pasteur. Un téléfilm de 2007 de Harry Cleven, Les Diablesses (écrit à partir de témoignages de pensionnaires et rediffusé hier sur une chaîne française), raconte le calvaire de jeunes filles livrées à des bonnes sœurs pour les remettre sur le droit chemin. Leur crime: avoir fauté ou simplement fugué. Ou avoir eu une mère considérée comme prostituée.
A leur arrivée, on les change de prénom, signe que le Seigneur leur offre une nouvelle vie. On leur comprime les seins sous une bande d'étoffe. On leur interdit la nuit de mettre les mains sous les couvertures. Le corps, c'est le diable, ne cessent de leur dire de monstrueuses religieuses. Elles ne reçoivent aucune éducation, sinon la couture, sont forcées à tout moment de prier, n'ont le droit ni de parler, ni de s'amuser, ni de sortir, ni d'exprimer leurs émotions. En marchant, elles ne peuvent regarder que leurs pieds. Une vie en enfer dans la maison de Dieu. Toute rebelle à ce système concentrationnaire est punie du cachot, celle qui met un pied de travers est humiliée. Quand l'une d'elles, enceinte, fait un malaise, elles doivent toutes réciter l'Ave Maria: "Et le fruit de vos entrailles est béni". Mais le fruit de ses entrailles à elle est maudit. Et, aussitôt né, son enfant lui est arraché pour être donné à un couple sans enfant.
Les Instituts du Bon Pasteur ont fermé leurs portes dans les années '70.

Les diablesses ne sont pas celles que l'on croit. Elles sont déguisées en si bonnes sœurs.

(1) http://geopolis.francetvinfo.fr/en-irlande-le-scandale-des-laveries-des-soeurs-de-madeleine-12293

1 commentaire:

Grégoire a dit…

Durant ma jeunesse, temps déjà lointain, j'ai eu l'occasion de cotoyer et fréquenter des religieuses belges et françaises de différentes congrégations. Avec quelques décennies (au moins trois) de recul, je constate que cet univers plus ou moins fermé est à l'image du reste du monde réel : on y trouve une proportion équivalente de gens ouverts et de gens, disons, fermés... Si je me souviens, avec tendresse, d'une religieuse dans l'école où j'étais alors et qui avait l'âge de ma grand-mère, qui fut ma confidente; je me aussi souviens d'autres religieuses pour qui l'amour du prochain n'allait pas de soi... Et ce dernier aspect n'était pas propre à l'attention de ceux qui ne faisaient pas partie de leur communauté. On m'a rapporté qu'entre elles, ce n'était pas toujours le règne de l'amour fraternel. Comment finalement pourrait-il, humainement, en être autrement, puisque déjà, entre personnes adultes qui se sont choisies, les époux, en l'occurence, la vie quotidienne ne va pas toujours de soi.