lundi 10 octobre 2022

Vladimir le Criminel

Le mensonge est devenu un mode de gouvernement pour les régimes brutaux. Mais sans doute l'a-t-il toujours été. Est-ce la suffisance qui rend menteur ou l'inverse ?
Donald Trump avait érigé le mensonge en vérité. Le faux, c'est le vrai et les menteurs sont ceux qui prétendent le contraire. Vladimir Poutine utilise quotidiennement des arguments du même tonneau. Le faux justifie le pire. On comprend que la vérité se situe quasiment toujours à l'opposé de ce qu'il dit et Loukachenko, son vassal, agit de la même manière. Le voilà qui annonce qu'il déploiera des forces militaires avec la Russie parce que la Lituanie et la Pologne s'apprêtent, dit-il, à attaquer son pays, la Biélorussie. Et pourquoi pas le Luxembourg ou le Lichtenstein ? Avec ces dictateurs, le ridicule tue.
Quand Poutine affirme que l'Occident veut la mort de la Russie, il faut comprendre que c'est le contraire : Poutine et sa clique détestent l'Occident et sa démocratie et rêve de les voir s'effondrer. Quand le maître du Kremlin dénonce l'Ukraine comme un Etat terroriste, il faut comprendre que c'est lui seul qui a le droit d'agir en terroriste. Ce qu'il a fait aujourd'hui, en bombardant indistinctement l'Ukraine, y compris des civils, pour se venger de l'attentat commis sur son pont de Crimée. L'agresseur se présente en victime, la formule est connue et usée, mais elle fonctionne toujours auprès d'une partie de l'opinion.

La population russe n'est cependant pas aussi crédule qu'on peut parfois le croire, estime le romancier moscovite en exil Dmitri Gloukhovski (1) : "Le régime s’est transformé en dictature. Jusqu’ici, la guerre apparaissait sur l’écran de télé comme une émission psychothérapeutique permettant de détourner l’attention des gens de leurs problèmes réels, pour rediriger leur frustration vers la sécurité nationale. La majorité ne prêtait pas attention à l’opposition. Les gens ne voyaient pas le lien direct entre le manque de liberté et le risque de devenir de la chair à canon. Maintenant, ils font le lien, même s’ils sont encore un peu dans le brouillard de la propagande". (...)
"Poutine doit recruter dans les prisons, parmi les criminels, les assassins et les violeurs. Cela suggère que la guerre n’a pas été réellement soutenue par le peuple russe, malgré les chiffres des sondages d’opinion. Les régimes autoritaires prennent le contrôle des médias et des instituts de sondage afin de simuler l’approbation des dirigeants par l’opinion. Les sondages ne comptent pas. Ce qu’il faut mesurer, c’est le soutien de la guerre dans les actes. Or, à l’exception d’une minorité agressive, très active sur les réseaux sociaux et encouragée par les propagandistes de Poutine, il n’y a pas de soutien. La plupart des gens se sont simplement cachés, et ont fait semblant que rien ne se passait."
Pour les Russes qui s'opposent à la guerre, la meilleure solution est finalement la fuite à l'étranger. ce qu'ils ont fait en masse. La population a bien compris, dit encore Dmitri Gloukhovski, que Poutine entraîne son pays dans une guerre totale. "Car cette guerre n’est pas seulement dirigée contre l’Ukraine. Elle est aussi dirigée contre la Russie, contre le peuple russe. C’est une guerre contre l’avenir de la Russie, pour maintenir en esclavage son peuple, afin que Poutine puisse maintenir son régime politique dans le sang, même après sa mort." (...)
"C’est la guerre personnelle de Poutine, pour satisfaire son propre complexe d’infériorité. Pour qu’il puisse s’inscrire comme un grand homme d’Etat dans les livres d’histoire et figurer aux côtés de Pierre le Grand, de la Grande Catherine, de Lénine et de Staline."

Il ne sera aucun de ceux-là, pas même Ivan le Terrible. Juste Vladimir l'Infâme. Peut-on espérer en finir un jour prochain avec lui ? "Avec la mobilisation, le risque de coup d’Etat devient beaucoup plus élevé, de même que le scénario d’une insurrection. Mais il ne faut pas oublier que Poutine s’y est préparé, avec tous ses flics dorlotés par le pouvoir pendant des années. Ceux-là, personne ne les envoie à la guerre, ils restent déployés dans les centres urbains. Leur rôle demeure la dispersion des manifestations. Ils ont été armés le mieux du monde – par des équipements français, soit dit en passant. Poutine n’a pas l’intention de sacrifier cette garde prétorienne."

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/07/les-russes-se-sentent-comme-du-gibier-face-a-un-etat-predateur-invincible_6144883_3210.html

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