lundi 29 juillet 2024

Rien qu'une chanson

Quand on est artiste, on a le droit d'être insultant et sexiste. C'est ce qui ressort de déclarations de la patronne des Verts français, Marine Tondelier. Une vingtaine de rappeurs français avait, avant le second tour des législatives, sorti un morceau de rap intitulé No Pasaran. Leur objectif : appeler les jeunes à aller voter pour faire barrage au RN. Les textes mêlent appels à voter contre le RN et dénonciation des Le Pen, Bardella et Zemmour, ainsi que de l'attitude des policiers vis-à-vis des jeunes de banlieues, mais aussi appels à "niquer" "tous ces députés, on sait qu'ils manipulent les statistiques" ainsi que l'imam Chalgoumi ou la mère de Jordan Bardella. Marion et Marine Le Pen y sont traitées de "putes". L'ensemble du texte donne un salmigondis peu ragoutant dont on n'est d'autant moins sûr qu'il rencontre l'objectif fixé qu'il donne dans le sexisme, l'antisémitisme, l'appel à la violence, le complotisme.
Mais c'est normal : "les codes du rap sont comme ça : c'est violent pour les femmes, explique Marine Tondelier. Les personnes qui chantent sont des artistes, ils ne se présentent pas à une élection" (1).
On comprend par là que les artistes doivent avoir une liberté d'expression totale : le droit d'être sexistes, antisémites et donc racistes aussi, suppose-t-on. Comment prendre encore au sérieux les indignations de la même responsable politique face à d'autres agressions verbales ? Comment la croire quand elle dénonce le sexisme ou l'antisémitisme ? Suffit-il de s'exprimer artistiquement pour avoir droit à tous les excès, même les plus haineux ?

Extraits :
[Alkpote] J'recharge le Kalachnikov, en Louis Vuitton comme Ramzan Kadyrov (Clique, clique) Nique l'imam Chalgoumi et ceux qui suivent le Sheitan à tout prix (Trogneux) Marine et Marion, les putes, un coup de bâton sur ces chiennes en rut (Vlan) On continue la lutte, bientôt, on va célébrer leur chute (Tchin) Nique tous ces députés, on sait qu'ils manipulent les statistiques (Menteurs) Y a rien de magnifique, nous on fait de la violence artistique (Sale) Font du mal à nos enfants, ils veulent nous injecter une puce dans l'sang (Antéchris) DJ Kore le commandant, on vient pour projeter une vue d'ensemble (Tounsi)
[Cokein] Des racistes en rafale, je sais que les médias en raffolent / J'vois des corps au sol, l'être humain n'a plus d'corazón / Espèce de franc-maçon, tu te nourris du sang qu'tu consommes / Dans leurs ambassades, c'est le Sheitan qui les passionne / Ouais, la France, c'est nous (C'est nous), fuck Eric Zemmour / Pas besoin d'chercher des rimes, ils tournent à l'heure du ftour / Tu sais qu'c'est ça qui est terrible, ils nous font des longs discours /La France, ça d'vient l'Amérique, peur qu'elle tombe après les deux tours

(1) BFMTV, 3.7.2024, cité par Charlie Hebdo, 10.7.2024.

mercredi 24 juillet 2024

Savoir s'effacer

Difficile de se rendre compte soi-même qu'on a dépassé sa date de péremption. On voit et a vu tant de chanteurs et chanteuses à la voix chevrotante déclarer que le mot retraite n'appartient pas à leur vocabulaire et que quitter la scène serait mourir. Et leurs fans d'affirmer sans le moindre doute qu'ils ont gardé la voix leurs vingt ans. Il n'y a qu'eux pour ne pas trouver leur idole pathétique et ne pas entendre ses fausses notes.

Joe Biden a eu beaucoup de mal à admettre qu'il a passé la limite au-delà de laquelle son ticket n'est plus valable. Il mettait en avant son bilan, que beaucoup d'observateurs s'accordent à trouver bon en effet, sans (vouloir) voir que son état de santé ne pouvait lui laisser espérer semblable bilan après un deuxième mandat qui risquait d'effacer le premier.  
Sous pression et après un débat totalement raté avec son dingue d'adversaire, il a donc fini par jeter l'éponge. Les Démocrates (et les démocrates un peu partout à travers la planète) se remettent à espérer, maintenant qu'il apparaît que sa vice-présidente Kamala Harris sera, selon toute vraisemblance, la candidate démocrate.
Biden pensait que puisqu'il avait déjà battu Ubu Trump l'épisode allait se répéter, sans voir que les années avaient exercé sur lui-même un poids considérable et que le Biden de 2024 n'est plus celui de 2020. Le constat est difficile à avaler et la décision pénible à prendre, mais elle est d'autant plus méritoire. Biden restera dans l'Histoire comme un bon président, qui aura eu le courage (même si c'est sous la pression) de s'effacer pour le bien commun et permettre, espérons-le, aux Démocrates de conserver le pouvoir et d'empêcher Crazy Don de nuire aux Etats-Unis et à la planète entière.

En prenant un peu de recul, on se dit qu'un autre nuisible qui voit ses plans contrariés en ce moment, c'est le tueur en série Poutine. Il espérait la victoire du FN-RN en France et il l'a dans le baba, et voilà qu'aux Etats-Unis son ami Trump n'a plus le boulevard qu'il s'imaginait. 
On voit par là qu'il ne faut jamais désespérer.

Mourir, cela n'est rien
Mourir, la belle affaire 
Mais vieillir, vieillir...
Jacques Brel, "Vieillir"

vendredi 19 juillet 2024

Le Parrain

Evidemment, c'est difficile pour un stalinien (caractériel de surcroît) de comprendre les règles du jeu. Les chiffres, Mélenchon les lit à sa façon : 182 élus de l'union de la gauche sur 577 députés représentent pour lui la majorité. Il semble de plus en plus ignorant des règles élémentaires de la démocratie.
Mélenchon est partout, il éructe, il rugit, il menace. Ivre de lui-même, il semble prendre plaisir à jouer les gourous, à s'inviter là où il n'a plus rien à faire. L'homme n'a plus aucun mandat, mais il prend toute la place, met dans l'ombre tous les élus du parti qu'il ne dirige plus. Il parle pour l'ensemble de la gauche. Il est comme ces patrons qui ont pris leur retraite après avoir cédé leur entreprise à d'autres, mais qui sont tous les jours dans les bureaux et les ateliers pour expliquer comment il faut travailler, pour féliciter les uns et tancer les autres, pour rencontrer les clients, les actionnaires, et même la presse. Un poids lourd encombrant qui prétend qu'il a gagné, qu'il est incontournable, que c'est le programme de la gauche, tout son programme, rien que son programme qui sera appliqué, même si celle-ci est loin, très loin de la majorité. Il se rend insupportable (et semble prendre plaisir à l'être). On comprend que plusieurs de ses élus lui aient désormais tourné le dos.

Dans sa dernière édition (1), Charlie Hebdo consacre trois pages à Mélenchon, l'homme qui avance masqué, le militant lambertiste qui n'a sans doute jamais rompu avec le sulfureux et souterrain Parti ouvrier indépendant (POI), héritier de l'Organisation communiste internationale (OCI). "Le fait est que, dès 2017, le POI-OCI soutient Mélenchon dans toutes ses entreprises. Peu à peu, et sur la seule décision de Mélenchon, le mouvement lambertiste devient l'un des soubassements de LFI." Ce dernier fonctionne d'ailleurs comme le POI : sans démocratie interne. "A la mi-mai (2023), 370 membres et cadres de LFI au départ signent un appel qui constate l'absence totale de démocratie entre les décideurs et les militants de terrain, dénonçant la nomination des porte-parole sans consultation des militants." Réflexion d'un élu recueillie par Le Monde : "LFI, c'est la propriété privée de Jean-Luc. Il a l'argent et choisit la couleur des volets. Le concierge, c'est Manu." Manuel Bompard, la voix de son maître, l'homme lige du marionnettiste, un zombie qui n'exprime aucune émotion, le petit doigt sur la couture du pantalon. Les militants du POI noyautent les structures départementales de LFI, explique encore Fabrice Nicolino dans Charlie. "Beaucoup des opposants soupçonnent Mélenchon de vouloir se créer un micro-parti à sa botte, qui contrôlerait définitivement LFI avec un lot d'idiots utiles, capables d'avaler toutes les couleuvres. LFI présentée par Mélenchon comme un mouvement gazeux, est confrontée à une organisation dure comme la pierre."
Le dossier de Charlie Hebdo se poursuit avec une démonstration du racisme, de l'homophobie et du machisme historiques de l'OCI ; avec le "répugnant hommage" que Mélénchon a rendu à son camarade Charb, directeur de Charlie, massacré par des islamistes ; avec la cécité volontaire de Mélenchon sur la Chine et la Russie ; avec la main mise, en 1991, de Mélenchon et Dray sur l'ONG Terres des Hommes. 

Après lecture de ce dossier, ceux qui n'aiment pas le gourou le détesteront un peu plus. Ceux qui le vénèrent y trouveront matière à défendre un peu plus leur grand maître. Il fait peur au système, diront-ils, voilà pourquoi on l'attaque autant. Oui, il fait peur au système démocratique. Il est temps que les partis de gauche échappent au terrorisme intellectuel qu'exerce sur eux le grand manipulateur. 

(1) n° 1669, 17.7.2024.

https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/23/trotskisme-histoires-secretes-melenchon-et-l-heritage-lambertiste_6212511_3232.html


mardi 16 juillet 2024

Assumer

Un rappel pour les lecteurs de ce blog, une information pour celles et ceux (de plus en plus nombreux, et je m'en réjouis) qui le découvrent : les commentaires y sont évidemment les bienvenus et les échanges souhaités, mais pour être publiés ces commentaires doivent être signés. Ça ne tombe pas sous le sens de tout le monde, mais sous le mien, oui. Un texte non signé n'existe pas. Je ne discute pas avec les fantômes. Je n'y crois pas. 
Un jour, un commentateur anonyme auprès de qui j'avais formulé cette demande m'a demandé de quelle névrose je souffrais pour refuser l'anonymat. Je lui ai retourné la question : pourquoi se promener en burqa sur Internet ? Je n'ai plus eu de ses nouvelles.
J'avais un jour publié un commentaire anonyme qui critiquait ce que j'avais dit. J'en avais profité pour préciser ma pensée. Le courageux anonyme m'avait répondu : "c'était pour rire, on se connaît". Je lui ai répondu : "non, on ne se connaît pas. Toi, tu sais qui je suis, mais moi, je ne sais pas qui tu es. Nous ne sommes pas à égalité". Ce serait comme ouvrir sa porte et tomber sur quelqu'un de masqué qui s'invite dans votre salon pour discuter. Quel intérêt y aurait-il à échanger avec quelqu'un qui se cache peureusement ? 
De plus, d'un anonyme à l'autre, comment savoir qui est qui ? On se perd dans le brouillard. D'autant que, dans leurs propos, souvent les anonymes restent nébuleux.
Signer, c'est assumer ce qu'on écrit.

(Re)lire sur ce blog :


lundi 15 juillet 2024

La balle des hypocrites

La tentative d'assassinat de Donald Trump scandalise évidemment tout le monde, mais en particulier ses partisans et aussi les tueurs en série que sont Poutine et Netanyahou. Voilà un homme qui est sans cesse dans la surenchère verbale, qui ne conquiert son électorat que par sa rhétorique violente et son agressivité, qui a incité ses supporters, la plupart surarmés, à prendre d'assaut le Capitole dans la violence, qui a soutenu le Ku Klux Klan, qui défend bec et ongles le droit de vendre et d'acheter librement des armes, le voilà donc soudain victime d'une agression par balles. La seule surprise, c'est que ce ne soit pas arrivé plus tôt dans ce pays où les balles fusent tous jours, même sans raison apparente.
Trump et les Républicains accusent Joe Biden de cette violence, eux qui en vivent et la font vivre. Biden a tenté de réguler la vente d'armes individuelles, mais les Républicains l'en ont empêché. Le jeune criminel qui a tenté de l'abattre, même s'il a fait autrefois un don de quinze dollars au Parti démocrate, est inscrit comme électeur républicain et est membre d'un club de tir.
La NRA, le lobby pro-armes, est l'un des principaux sponsors de Trump, le semeur de haine. Et voilà ce dernier victime de son sponsor. S'il était cohérent, il proposerait immédiatement de réguler drastiquement les ventes d'armes. Mais la seule cohérence d'Ubu Trump est d'apparaître comme un mec, un dur-à-cuire, un combattant. Cette agression le sert. Il est vu par ses adorateurs comme un martyr, un messie. Dieu l'a sauvé, dit-il. Qu'est-ce qu'il fout, Dieu ? Qu'est-ce qu'il cherche ? Il sauve un fou furieux et il laisse tomber les Palestiniens, les Ukrainiens, les Kurdes, les Soudanais, toutes les victimes des guerres que mènent ces chefs d'Etat assassins ?

vendredi 12 juillet 2024

La valse des ego

La culture politique française va devoir évoluer radicalement. Passer de la toute-puissance d'un groupe politique à la culture de la recherche du compromis, à la construction d'accords. Les politiques et les électeurs vont devoir s'y faire. mais aussi les journalistes dont la seule question depuis dimanche dernier à 20h01 est : qui sera premier ministre ? C'est visiblement leur unique souci, alors qu'à ce stade la question ne se pose pas. A ce stade, il s'agit de savoir quel projet pourrait se construire pour une République apaisée, qui réponde aux multiples attentes de ce pays que son président jupitérien a laissé en miettes.

Dans une tribune publié par Le Monde (1) un collectif de 70 intellectuels, responsables associatifs et anciens élus de gauche appelle le Nouveau Front populaire à "sans tarder tendre la main aux autres acteurs du front républicain pour discuter d’un programme d’urgence républicaine et d’un gouvernement correspondant". Il estime que "les résultats obtenus par l’extrême droite dans un nombre important de territoires montrent (...) que la colère et le désespoir – au sens littéral du terme – de millions de nos concitoyens et concitoyennes restent profonds. La voie raciste et xénophobe choisie pour l’exprimer est une impasse qui conduirait le pays au désastre économique, social, écologique et démocratique. Il faut donc réussir à mettre en œuvre ici et maintenant une alternative qui permette d’éviter que la prochaine vague d’extrême droite ne soit encore plus haute et ne parvienne à nous submerger".
Le collectif se réjouit que le NFP soit à présent la première force à l’Assemblée nationale, mais constate qu'il n'y a pas la majorité absolue et donc pas de mandat pour appliquer la totalité de son programme. Les signataires relèvent la "responsabilité particulière (du NFP) pour proposer au pays les moyens de sortir de l’impasse où il se trouve du fait de l’absence de majorité claire au Parlement. Il nous semble impossible en effet que la France puisse rester durablement sans véritable gouvernement légitimé par l’Assemblée pour préparer le budget du pays pour 2025 et entamer la profonde réorientation des politiques publiques, indispensable pour ramener la concorde et faire (enfin) reculer l’extrême droite". Ils se disent convaincus qu'un accord est possible, que "la volonté est là de mettre un terme à la dégradation des services publics, notamment d’éducation et de santé, d’améliorer le pouvoir d’achat des plus faibles, de rééquilibrer les territoires, de lutter enfin contre toutes les formes de racisme et de discrimination, d’accélérer une mutation écologique juste et solidaire et de réduire les injustices sociales et fiscales."

Aux élues et élus de prendre leurs responsabilités, de rechercher un accord, plutôt de se pousser du col comme certains le font actuellement comme des enfants qui veulent à tout prix être capitaine de leur équipe de foot. Agir en adultes, disait Raphaël Glucksmann, le soir des élections. Pour l'instant, la politique française ne sort pas du bac à sable.

(1) https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/07/11/le-nouveau-front-populaire-doit-sans-tarder-tendre-la-main-aux-autres-acteurs-du-front-republicain-pour-discuter-d-un-programme-d-urgence-republicaine_6248812_3232.html

lundi 8 juillet 2024

Et la tendresse, bordel ?

Ceux qui n'aiment pas les autres (sauf Poutine) ne vont pas gouverner la France. Le danger est passé. "Le premier tour a été anti-Macron, le deuxième anti-RN", explique Jérôme Jaffré. L’opération dédiabolisation n’a pas fonctionné. Le genre idéal s’avère méphistophélique. Le RN continue à faire peur. Le danger est passé donc. Pour l'instant. Bien sûr et heureusement, le jeune coq aux dents longues ne sera pas, comme il le croyait déjà, premier ministre, mais il ne faut pas se leurrer : le vrai vainqueur de ces élections législatives est bien le RN. Il n'a heureusement pas atteint le score que lui laissait espérer les élections européennes et le premier tour des législatives et est très loin de la majorité absolue, mais le parti de la famille Le Pen passe de 89 députés à 143 et sera le premier groupe à l'Assemblée nationale (1). Il sort renforcé de cette élection. "La marée ne cesse de monter", se réjouit la fille à papa. Comment l'endiguer ? Ce sera tout l'enjeu des années à venir. La gauche sera-t-elle capable de faire revenir à elle cette énorme masse d'électeurs qui l'a quittée pour écouter les sirènes populistes et leurs solutions simplistes et brutales ?

Or la gauche plurielle, si elle parvient à rester unie (ce qui n'est pas gagné), ne pourra que décevoir : elle a présenté un programme aux relents également populistes avec des promesses qui exigeront des dépenses immenses, parfois inconsidérées. De toute façon, cette gauche est, elle aussi, bien loin de la majorité absolue et - quoi qu'affirment haut et fort certains de ses ténors, qui ne veulent appliquer que leur programme - devra apprendre à composer, à former des coalitions, à trouver des compromis. C'est un nouveau parlementarisme, une nouvelle culture politique qu'il faudra inventer. et dont la France n'est pas coutumière. Un fonctionnement identique à celui de quantité d'autres pays : l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, l'Italie, l'Autriche et bien d'autres (2). Hier soir, Raphaël Glucksmann appelait à se conduire en adultes, à apaiser le climat politique, à chercher des majorités par projets. François Ruffin, lui, affirmait que "les électeurs nous laissent une dernière chance. (…) Nous devons unir la France des bourgs et la France des tours. Nous devons apaiser, nous devons gouverner avec respect, avec tendresse pour les Français… » (3).
En tout cas, pas de triomphalisme. Chacune des formations politiques "démocrates" devra faire preuve d'humilité parce que d'une part personne n'a gagné, même si la coalition de gauche a le plus grand nombre d'élus, et que d'autre part la plupart de leurs sièges a été acquis grâce au Front républicain, aux voix d'adversaires donc qui ont mis de côté leurs luttes pour faire barrage à l'extrême droite. Cette première "entente" pourrait-elle être l'amorce d'autres accords ? Il faudra des femmes et des hommes d'Etat et non de partis pour y parvenir. 

(2) https://www.liberation.fr/politique/comme-chez-nos-voisins-europeens-apprendre-avec-le-parlementarisme-20240707_D6SB7SUOPJDVJOIH6MMLHVQPVQ/
(3) https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/07/08/l-avertissement-de-francois-ruffin-reelu-depute-dans-la-somme-a-l-issue-d-une-semaine-d-angoisse-les-electeurs-nous-laissent-une-derniere-chance_6247719_823448.html


dimanche 7 juillet 2024

On respire

 OUF !
(Mélenchon, ne viens pas foutre le bordel. N'oublie pas que tu es favorable à la retraite à soixante ans. Profites-en. Tu peux partir content. La gauche trouvera un premier ministre rassembleur.)

samedi 6 juillet 2024

Cour des miracles

Le festival du rire bat son plein. Du rire jaune. Les candidats du FN-RN rivalisent de bons mots. Ou de silence. Leurs capacités d'analyse sont aussi limitées que leur maîtrise de la langue française. On connaît beaucoup d'immigrés qui la pratiquent bien mieux qu'eux.

Il y a cette candidate qui, interrogée sur la Politique Agricole Commune de l'Union européenne, déclare ceci : "La France paye ses contributions, et il y a une somme énorme, des millions, je sais plus entre les millions et les milliards, excusez-moi, qui ne sont pas rendus à la France." (...) "C'est Monsieur Bardella qui a demandé qu'il fallait absolument qu'on récupère cet argent. Même si moi je suis pas très qualifiée pour l'agriculture". À la question "pourquoi les agriculteurs croient-ils en vous ?", la candidate lit sa fiche. Elle n'a jamais envisagé les commissions parlementaires dans lesquelles elle pourrait travailler : "Je sais pas, passque je pensais pas être au deuxième tour déjà".
Il y a cette autre, candidate dans la première circonscription de la Loire à Saint-Etienne, qui reconnaît qu'elle n'y habite pas, mais pour qui ce n'est pas un problème :" je suis souvent sur Saint-Etienne. (...) J'aime Saint-Etienne, au début j'avais un peu de mal géographiquement parce que quand on n'est pas originaire de la Loire, eh ben, faut apprendre à connaître le territoire, hein, faut s'y promener et visiter". Que fera-t-elle si elle est élue dimanche ? Laissons lui du temps : "Alors honnêtement, je n'ai encore pas réfléchi au problème". Il faut également lui laisser le temps de penser aux dossiers sur lesquels elle pourrait travailler : "Sur lequel je compte travailler ?… euh… déjà, je n'ai pas la chance d'y habiter". Mais on peut être sûr qu'elle continuera à visiter la ville.
Il y a cette candidate bourguignonne qui veut faire baisser l'immigration pour renforcer le pouvoir d'achat en France. "Par exemple, ce ne sera plus permis de rentrer sur le territoire comme c'est actuellement le cas." En quoi la fermeture des frontières améliorera-t-elle le pouvoir d'achat ? "On a justement plein de propositions pour ramener de l'argent" (...) "Je vous dis en immigration, que ça soit aussi la carte vitale. Il y a plein de fraudes à la carte vitale. Donc nous avons plein de propositions chiffrées. Là comme ça, je ne pourrais pas vous faire un global, mais nous avons plein de points pour baisser… redonner du pouvoir d'achat aux Français."
Il y a ce candidat qui martèle qu'il "faut diminuer les taxes". Lesquelles ? "Tout ce qui ruine les entreprises". Mais encore ? "Ben, toutes les taxes qui sont liées à..." Son silence est lourd de sens.  Le journaliste y met fin en l'interrogeant sur l'environnement. "Alors pour l'environnement, il faut déjà enlever toutes les lois qui sont complètement débiles sur les voitures à faibles émissions, sur... euh... toutes les thématiques écologiques, l'écologie punitive. Tout ça, ça doit cesser tout de suite. On doit revenir au localisme, produire plus près, pas tout, on ne pourra pas tout produire, mais au plus près et le plus français possible. La restauration collective, elle devra utiliser des produits français, pas bio, français !"

Et puis, il y a ces candidats - toujours d'extrême droite - qui ne nous font pas rire du tout, qui ont été condamnés par la justice ou font l’objet de procédures judiciaires. Dont une certaine Marine Le Pen, accusée "d’avoir organisé un mécanisme lui permettant de salarier des permanents du parti avec les crédits accordés par le Parlement européen à ses députés, pour qu’ils rémunèrent leurs assistants. Or les règles de l’institution précisent clairement que les assistants ainsi payés doivent être dévolus exclusivement au travail parlementaire." Il y a ce candidat condamné en 2018 pour "recel de bien provenant de la violation du secret professionnel". Cet autre "poursuivi en justice pour apologie de crime contre l’humanité" (il avait déclaré, en 2013, à propos de gens du voyage installés sur un site de sa commune : « Hitler n’en a peut-être pas tué assez »). Il a aussi été "condamné pour outrages, en 2022, après avoir agressé verbalement des agents de l’Urssaf au cours d’un contrôle. L’élu, connu pour ses invectives visant les journalistes, a été poursuivi à de nombreuses reprises pour injures ou diffamation, et a notamment été condamné pour des attaques verbales visant le journal Ouest-France."
Il y a cet autre candidat "accusé en 2018 de harcèlement sexuel par plusieurs anciens assistants parlementaires, qui dénonçaient également des pressions et des manœuvres d’intimidation au sein du Front national pour taire l’affaire. Il a également été condamné pour diffamation.
Il y a encore ce candidat qui, en 2000, alors mégrétiste, s’empare d’une batte de base-ball pour poursuivre ses opposants alors qu'il collait des affiches et a donné à un autre militant une arme, qu’il détenait sans permis. Le jeune homme a tiré deux fois, heureusement sans atteindre sa cible. Le député aujourd'hui sortant et sans doute rentrant a été condamné à un an de prison, dont six mois ferme, pour « violences en réunion avec armes ».

Enfin, il y a tous ces candidats complotistes qui ont tout compris et à qui on ne la fait pas parce qu'ils sont plus malins que tous les autres.
Ainsi cette candidate qui a relayé sur Facebook une vidéo intitulée «La mafia maçonnique qui tient la France». Un homme y affirme qu’Emmanuel Macron est coopté «par le groupe Bilderberg», un club élitiste et confidentiel qui alimente les théories du complot. Le chef de l’Etat serait en outre «un agent, un sbire, de Rothschild», manipulé par «la haute maçonnerie».
Il y a les climatosceptiques, les covidosceptiques, les antivax, les poutinolâtres, les nostalgiques de Pétain, les racistes, les antisémites, les homophobes, les délateurs. 

On voit par là que la France se prépare à un grand changement : elle ne veut plus de l'élite, elle va confier son destin aux derniers de la classe. Pas sûr qu'on s'étranglera de rire ce dimanche soir en voyant certains de ces sombres crétins élus
"La France revient", clamait sur ses affiches, Jordan Bardella. "La France tombe" eût été plus approprié. Avec le FN-RN, elle ne pourra pas tomber plus bas.

mercredi 3 juillet 2024

D'où viendra le chaos ?

A quel régime se prépare la France ? Si le FN-RN l'emporte, à un régime illibéral, à l'image de celui qu'a bâti Viktor Orban en Hongrie. "Le risque n’est pas celui d’une alternance mais bien celui d’une bascule, écrit Thomas Legrand dans Libération (1). Il convient donc de dramatiser l’enjeu. (...) Nous risquons d’entrer dans une période inédite où les détenteurs du pouvoir ne sont pas des adeptes de la démocratie libérale, avec ses mécanismes d’équilibre, de contre-pouvoirs. Le Rassemblement national, parti frère du parti populiste autoritaire et liberticide de Viktor Orbán à la tête de la Hongrie, ne se présente pas avec un programme précis de suppression des libertés, mais sa pratique du pouvoir ne pourra qu’y conduire. Attention, ne nous trompons pas d’ennemi : ce n’est pas le fascisme qui vient mais l’un de ses descendants, l’un de ses avatars du XXIe siècle. C’est l’illibéralisme qui guette." Avec l'illibéralisme, ce sont l'indépendance de la justice et la liberté de la presse qui seront peu à peu étouffées, la lutte contre le dérèglement climatique sera totalement abandonnée puisque le problème est simplement nié, les politiques culturelles se restreindront à la protection du patrimoine, les programmes sociaux seront détricotés, les frontières fermées le plus possible. "L’illibéralisme est sournois, écrit encore Thomas Legrand. (...) il ne procède pas en appliquant un programme visible de destruction des libertés. Il y aboutit." Et voilà comment on passe d'une démocratie avec toutes ses forces et ses faiblesses à un régime pervers qui se débarrasse de ce qu'on appelle les corps intermédiaires pour ne parler qu'à ce qu'il appelle le peuple. Les contre-pouvoirs sont placardisés. 
Tout sera contrôlé et décidé par la tête du parti. On comprend déjà que les futurs députés du RN devront se contenter d'obéir aux ordres de leurs patrons. Ils ne sont pas là pour débattre. Ce qu'ils sont de toute façon bien incapables de faire. Dans les deux circonscriptions de l'Indre, les deux candidats RN qualifiés pour le second tour fuient les débats avec leur adversaire (un LR et un Horizons) auquel la presse les convie (2). Ailleurs aussi, d'autres, avec l'absence de courage qui les caractérise, trouvent mille excuses pour éviter des débats qui visiblement les effraient. Voilà donc d'éventuels futurs élus - dont le travail consistera à débattre pendant cinq ans - qui laissent entendre qu'ils ne se sentent pas à la hauteur du mandat qu'ils briguent. Peut-on imaginer se donner pour représentant des gens qui ont peur de débattre ?

Reste à espérer que l'importante vague de désistements pour le second tour, à laquelle on assiste actuellement pour former un Front républicain, permettra de faire naître une alternative démocratique qui rassemblerait des élus de la droite à la gauche. Une coalition dont le terme et la pratique sont inconnus de cette France de la Ve République  qui ne fonctionne que par majorité clivée. Mais l'espoir est bien ténu : la France qui se dit insoumise a déjà annoncé qu'elle refuse par principe l'idée même de compromis." La France insoumise, écrit Le Monde (3) qui devrait représenter la première force de gauche dans l’Hémicycle, a exclu, mardi, de participer à cette éventuelle coalition. « Les “insoumis” ne gouverneront que pour appliquer leur programme, rien que le programme », affirmait, mardi, Manuel Bompard, le coordinateur national du parti de Jean-Luc Mélenchon." On comprend donc que le programme du Nouveau Front populaire ne compte pas pour grand-chose, seul importe celui de LFI. Une fois de plus, le mouvement du vieux gourou Jean-Donald Mélenchon affirme son caractère anti-démocratique. C'est lui - et lui seul - ou le chaos. La recherche de compromis est pourtant l'essence même de la démocratie. Avec cette déclaration, LFI confirme ce qu'on pensait depuis longtemps de ce mouvement : un groupement de prétentieux sûrs d'être du côté de la vérité, qui préfèrent créer le chaos plutôt que dialoguer.
Les uns refusent de débattre avec leurs adversaires quand les autres annoncent leur refus de négocier avec leurs partenaires.

En attendant, les appels à voter pour empêcher le RN d'être majoritaire se multiplient. 
L’Association nationale des anciens combattants et amis de la Résistance appelle « tous les démocrates, les républicains, à se mobiliser pour défendre la démocratie et à avoir cette préoccupation comme premier souci lors de leurs votes, le 7 juillet prochain » et à voter contre l’extrême droite et éviter qu’elle arrive au pouvoir.  L'association dénonce « le fond xénophobe, le rejet des étrangers, la volonté du contrôle étroit de l’information, la complaisance envers les régimes dictatoriaux » du RN (4).
Les restaurateurs et les hôteliers sont comme les vignerons et les agriculteurs : ils craignent de se retrouver sans personnel. "En Ile-de-France, en particulier, écrit Le Monde (5), ce secteur est très dépendant de la main-d’œuvre immigrée : 40 % des employés de l’hôtellerie et de la restauration sont étrangers et 50 % des cuisiniers, selon l’Insee. Sur l’ensemble de la France, ils représentent respectivement 19,3 % et 22 % de ces métiers, selon la Dares. Que deviendrait ce secteur en cas de durcissement de la politique migratoire, élément-clé du programme du Rassemblement national ? La suppression du droit du sol, la restriction du regroupement familial, la suspension des régularisations des étrangers en situation irrégulière, comme évoqué par Jordan Bardella dans la présentation de son programme, auraient des conséquences majeures – comme sur tous les secteurs qui emploient de nombreux étrangers, tels le bâtiment ou le nettoyage. Selon la Dares et l’Insee, ils représentent ainsi 27 % des ouvriers non qualifiés du BTP en France – et même 60 % en Ile-de-France – et 38,8 % des employés de maison (61,4 % en Ile-de-France)." Le RN proche des préoccupations des gens ? Qui peut y croire ? Un parti hors-sol.

(1) https://www.liberation.fr/politique/ce-nest-pas-le-fascisme-qui-vient-mais-lilliberalisme-qui-guette-20240630_O4L224WZHFGZPHL7FETR7VMC7M/
(2) https://www.lanouvellerepublique.fr/chateauroux/legislatives-dans-l-indre-invite-a-debattre-face-a-nicolas-forissier-sur-la-nr-tv-tours-le-rn-marc-siffert-decline-l-invitation
https://www.lanouvellerepublique.fr/indre/debat-televise-dans-l-indre-la-rn-mylene-wunsch-se-defile-a-son-tour
https://www.marianne.net/politique/le-pen/legislatives-une-vingtaine-de-candidats-rn-ont-refuse-de-participer-a-un-debat-dentre-deux-tours
(3) https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/07/03/legislatives-2024-des-ecologistes-a-la-droite-la-classe-politique-en-ebullition-prepare-l-apres-second-tour_6246187_823448.html
(4) https://www.lanouvellerepublique.fr/indre/legislatives-dans-l-indre-anciens-combattants-et-amis-de-la-resistance-s-engagent-contre-le-rn
(5) https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/07/02/legislatives-2024-l-hotellerie-restauration-au-c-ur-de-l-enjeu-de-l-immigration_6245919_3234.html