lundi 15 novembre 2010

Mauvaise foi

Les Assises de l'interculturalité ont donc accouché d'une souris. C'est ce que je lis dans la presse. Dans le Vif en tout cas très clairement. Dans d'autres organes de presse en filigrane. On y trouve de bonnes idées, des idées de bon sens, qui - sans être originales et inattendues - doivent être répétées et surtout concrétisées: rendre l'école obligatoire avant six ans, aborder la colonisation dans les cours d'histoire, favoriser l'emploi et donc l'intégration de personnes étrangères. Mais le rapport est faible. Il se serait centré essentiellement sur des revendications religieuses, musulmanes en particulier: liberté du port du voile à partir de la quatrième année secondaire, jours fériés religieux (voir sur ce blog le billet Jours fériés). Rien sur la difficulté du vivre ensemble sur laquelle coince la Belgique, et pas seulement la Belgique institutionnelle. Rien sur les autres minorités. Les Roms paient pour les autres, tous les autres, en ce moment, mais n'existent pas.
Certains ont pris leurs distances sur certaines recommandations du rapport, tel Edouard Delruelle, directeur francophone du Centre pour l'Egalité des chances. D'autres ont quitté, en cours de travaux, le comité de pilotage, tel le philosophe Guy Haarscher: "les recommandations qui font la part belle aux revendications religieuses ostentatoires et conservatrices me semblent critiquables", dit-il (1). A gauche et plus encore à l'extrême-gauche, il se trouve de belles âmes (!), totalement laïques, pour défendre les revendications musulmanes, au nom d'une tolérance qu'elles n'ont jamais manifesté à l'égard d'autres religions. C'est que l'islam est, pour ces tartuffes, la religion des opprimés. On en vient à se demander si leur attitude, favorable au communautarisme, ne serait pas quelque peu, non pas irrationnelle (on le sait depuis longtemps), mais surtout condescendante, voire d'une certaine manière raciste, pour ces pauvres musulmans qui subissent la loi de ces horribles occidentaux sans avoir les capacités de réagir. On les voit surtout (volontairement?) sourds aux appels de musulmans ou de personnes de culture musulmane qui plaident pour un islam moderne et/ou pour que la religion reste à sa place.
Tel Chemsi Cheref-Khan, qui se présente comme humaniste de culture musulmane et qui estime que "le communautarisme mène à l'exacerbation des particularismes, à la manie identitariste, au repli sur soi et sur sa communauté" (2). Il appelle de ses voeux, dit-il, "l'avènement de la laïque-cité du XXIe siècle, selon l'expression de l'écrivain Pierre Efratas. La laïque-cité est celle qui propose résolument d'organiser les affaires sociales et les relations inter-personnelles, au sein de la cité, en séparant clairement le domaine intime de la foi, du domaine public du droit".
Tel le philosophe Malek Chebel qui plaide pour un Islam des Lumières et des plaisirs: "Je milite pour une utopie, c'est vrai, pour un Islam de demain qui n'est pas encore vraiment là. Je parle d'un Islam des Lumières et non plus d'un Islam arrêté au VIIe siècle ou d'un Islam qui ne bouge plus et qui exige que tout le reste du monde s'adapte à lui", dit-il (3). "90% des musulmans aspirent à un Islam ouvert et seuls 1% amènent le feu, mais ce sont eux qui font la une des JT", ajoute-t-il. "Les musulmans doivent accepter de vivre en Europe selon un contrat social différent. La gouvernance humaine appartient aux hommes. Et l'Islam doit rester du domaine de la foi sans piétiner sur cette gouvernance." (...) "Il faut stigmatiser ceux qui justifient la burqa ou la polygamie au nom de l'Islam. Je suis un militant des droits de l'homme, en particulier dans l'Islam. (...) Nous devons élargir nos champs de représentation mutuels. Dire aux Occidentaux de ne pas enterrer trop vite l'Islam sous prétexte qu'il a de mauvais côtés. Et dire aux musulmans que l'aspiration à la beauté et à la sexualité est un combat aussi politique qu'esthétique."
Dommage que cet Islam-là on ne l'entende pas plus. Ce n'est en tout cas pas celui-là qu'entend une certaine gauche européenne, réactionnelle et réactionnaire qui roule pour les barbus.
Mais sans doute certains de ses paragons me reprocheront-ils ma mauvaise foi...

(1) LLB, 9.11.2010
(2) LLB, 3.11.2010
(3) LLB, 12.11.2010

Merci à M.V. qui a inspiré ce billet en me traitant, avec l'élégance qui est la sienne, de "sale réac" en réaction à mon texte "Jours de fête".

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