samedi 28 octobre 2017

La boue et le gourou

La bêtise et la haine se portent bien. Il n'y a pas lieu de s'inquiéter pour elles.
On en a un exemple encore avec les réactions aux accusations de viol à l'encontre du prédicateur Tariq Ramadan, lié aux Frères musulmans. On peut évidemment respecter la présomption d'innocence - même si on peut avoir de sérieux doutes sur celle-ci (1) - mais on ne peut pour autant accepter le torrent de haine et de bêtise qui se déverse contre la première femme qui l'accuse (2). La présumée victime devient coupable. D'intérêt personnel, de cupidité, de prostitution. Et surtout de blasphème. Pour ses aficionados, il est criminel de s'attaquer à Saint-Tariq, cet agent trouble de l'islam, vu comme une idole par certains musulmans qui tentent de se présenter comme modernistes et par les islamo-gauchistes. Frère Tariq est tellemment sympa qu'il prône le port du voile, justifie les châtiments corporels, la polygamie et l'interdiction des mariages mixtes et condamne l'homosexualité (3). Il est tellement moderne qu'il a osé plaider  pour un moratoire sur la lapidation. Bref, un chouette gars qui ne peut être soupçonné de s'attaquer sexuellement à des femmes. Même si celles et ceux qui le connaissent bien ne sont guère surpris (4).
Mais pour ses supporteurs, Frère Tariq ne peut être qu'innocent comme l'enfant qui vient de naître et est victime d'un complot, derrière lequel il faut, évidemment - quelle finesse d'analyse! - voir la main de sionistes ou de juifs. Et Harvey Weinstein, de quel complot est-il victime alors?
Résumons-nous: on ne se méfie jamais assez des saints hommes et de leurs disciples. Ils préféreront toujours le crime au blasphème, le prédateur à la femme violée.

(1) Lire les billets de Caroline Fourest: https://www.marianne.net/debattons/editos/la-double-vie-de-tariq-ramadan et "L'Affaire Ramadan", 28.10.2017: https://carolinefourest.wordpress.com, ainsi que son livre "Frère Tariq - discours, stratégie et méthode de Tariq Ramadan", Grasset, 2004.
(2) http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/10/28/plainte-contre-tariq-ramadan-l-antisemitisme-se-dechaine-envers-henda-ayari_5207247_3224.html
http://www.liberation.fr/france/2017/10/28/affaire-tariq-ramadan-entre-revelations-et-silences-embarrasses_1606454
(3) (Re)lire sur ce blog "Ces textes glaçants", 8 avril 2016, et "Noirs prêches", 23 novembre 2015.
(4) https://www.marianne.net/societe/accusation-de-viol-contre-tariq-ramadan-derriere-henda-ayari-d-autres-victimes

Post-scriptum: à réécouter sur le site de France Inter le billet de Sophia Aram, ce lundi 30 à 8h55.
https://www.franceinter.fr/programmes/2017-10-30

3 commentaires:

Grégoire a dit…

Sans juger (pas le temps...) des contenus des divers monothéismes, il y a quand chez ceux-ci une liste arbitraire, puisque divine ou d'inspiration divine, d'interdits. S'en suivent des névroses pouvant aboutir à des comportements que la nature ou la société condamnent. La force de caractère nécessaire pour respecter ces interdits n'étant pas non plus la chose la mieux répartie au hasard des naissances (cela n'excusant pas tout non plus...)... forcément, certains serviteurs zélés vivent ses interdits avec d'autant plus de névroses (hystéries, etc.) qu'ils se doivent d'en être de grands défenseurs prosélytes et montrer de surcroît qu'ils les suivent à la lettre. Cela permet à tel ou tel prédicateurs, et à n'importe quel autre personne ayant une autorité religieuse, d'exister, tant au niveau financier (pour eux) qu'au niveau du pouvoir spirituel (pour et sur les autres), puisqu'on est censé respecter leurs "consignes". Il y 25 ans, l'un de mes professeurs expliquait, par exemple, que l'interdiction de manger du porc chez les juifs résultait du souci de se distinguer à une période très ancienne de la tribu voisine, qui, elle en mangeait.
Pour prendre un exemple concret, selon Michel Onfray, Saint-Paul métaphoriserait son impuissance dans ses épîtres, et dévaloriserait en conséquences les relations charnelles qui lui seraient interdites. Ce n'est qu'une interprétation, et cela distingue la religion chrétienne de l'Islam, qui lui est la parole de Dieu, non sujet à interprétation. Même si certaines paroles de Jésus peuvent laisser perplexe comme :"Certains se font eunuques pour le Royaume des Cieux", plus personne ne songerait à s'émasculer pour autant...

Michel GUILBERT a dit…

Il y a effectivement les interdits et il y a les prescriptions, même les plus délirantes. Quelle religion y échappe? Dans leur remarquable ouvrage "Jésus contre Jésus" (Points Essais n° 610, pp. 367-368), Gérard Mordillat et Jérôme Prieur rappellent que Jésus enseigne, d'après l'évangile selon Matthieu, "aimez vos ennemis et priez pour vos persécuteurs". "Ce commandement paradoxal, disent-ils, est présenté comme l'essence même du message de Jésus, son expression la plus haute, peut-être la plus sublime. Mais qui (...) peut aimer son prochain comme lui-même? (...) Ce commandement d'amour est un commandement inapplicable. En aucun cas, il ne peut fonder l'éthique durable d'une société. Dès lors, les chrétiens vont se trouver écartelés entre leur volonté d'exalter leur idéal et le fait de s'y dérober sans cesse. Pour se libérer de l'insupportable tension créée par cette situation, ils ne trouveront d'autre échappatoire que la force. Comme pour se venger sur d'autres de ne pouvoir l'appliquer eux-mêmes, ils persécuteront, tortureront, extermineront ceux qui refusent le commandement d'amour ou veulent l'ignorer." D'où les croisades, l'Inquisition, la St-Barthélémy, les guerres de religion, ou, plus récemment l'implication de prêtres dans le franquisme ou d'autres régimes sanguinaires, dans des faits de pédophlie, etc.
Au-delà de leurs "belles" histoires, les religions sont des sommes d'interdits et de prescriptions qui ne peuvent créer que des névrosés ou, en tout cas, des gens constamment tiraillés entre la vie avec ce qu'elle implique et des règles qui empêchent de vivre... Si on ajoute à tout cela, le mépris que les mêmes religions ont pour les femmes, souvent diabolisées, on comprend qu'il vaut mieux garder ses distances avec les prêcheurs.

Anonyme a dit…

Pour approfondir la question antisémite dans les réactions des thuriféraires : "L'affaire Ramadan, révélatrice du «nouvel» antisémitisme" : http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2017/10/31/31003-20171031ARTFIG00217-l-affaire-ramadan-revelatrice-du-nouvel-antisemitisme.php
Didier