mercredi 15 novembre 2017

Françoise Héritier

L'ethnologue et anthropologue Françoise Héritier vient de mourir. Son éditrice, Odile Jacob, la décrit comme "une femme d'exception, très profonde et modeste à la fois, une vraie écrivaine". L'anthropologue Philippe Descola ajoute que c'était "une femme d'une grande vivacité, primesautière, gaie, attentive aux plaisirs de la vie" (1). Malgré la maladie qui la rongeait ces dernières années.
Tout récemment interrogée sur la libération de la parole des femmes à propos du harcèlement sexuel, elle s'en était réjouie: "Je trouve ça formidable, disait-elle. Que la honte change de camp est essentiel. Et que les femmes, au lieu de se terrer en victimes solitaires et désemparées utilisent le #metoo d'Internet pour se signaler et prendre la parole me paraît prometteur. C'est ce qui nous a manqué depuis des millénaires: comprendre que nous n'étions pas toutes seules!" (2). Elle affirmait aussi que "il faut anéantir l'idée d'un désir masculin irrépressible". Qui sont, que sont en effet ces hommes incapables de maîtriser leur désir pour les femmes? Des spécialistes nous expliquent qu'aucun animal (à part le canard, semble-t-il) ne pratique le viol (3).

A l'heure où nous perdons Françoise Héritier, voilà qu'on apprend que le mensuel Causette, féministe,  vif, militant et plein d'humour (c'est rare mais les deux ne sont pas incompatibles), vient de publier ce qui risque fort d'être son dernier numéro. Continuer à le faire vivre serait, d'une certaine manière, permettre la poursuite d'un des combats que menait Françoise Héritier, celui de l'égalité des sexes, même si elle avait à ce sujet des espoirs mesurés: "je doute, disait-elle, qu'on arrive jamais à une égalité idyllique".

(1) Emission "La tête au carré", France Inter, ce mercredi entre 14 et 15h.
(2) http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/11/05/francoise-heritier-j-ai-toujours-dit-a-mes-etudiantes-osez-foncez_5210397_3224.html
http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2017/11/15/l-ethnologue-et-anthropologue-francoise-heritier-est-morte_5215270_3382.html
(3) Il conviendrait dès lors de changer l'appel. Et non pas dire "balance ton porc", mais "balance ton canard". Pauvre réputation que celle des porcs.
A lire aussi, le témoignage de Patric Jean:
http://www.huffingtonpost.fr/patric-jean/francoise-heritier-n-etait-pas-une-revolutionnaire-c-etait-une-revolution_a_23278183/?utm_hp_ref=fr-homepage




3 commentaires:

Grégoire a dit…

Je ne connaissais pas Françoise Héritier, mais le fait qu'elle soit qualifiée d' "écrivaine" par son éditrice, en contradiction avec les recommandations de l'Académie Français, me perturbe... Ce n'est, certes, pas, quoique... l'objet de ce billet, mais le détail est loin d'être accessoire. Audrey Jougla, écrivain, écrit sur Huffpost.fr (www.huffingtonpost.fr/audrey-jougla/je-refute-les-termes-auteure-ou-autrice-le-vrai-feminisme-cest-de-mappeler-auteur_a_23159676/): "Le prestige et l'aura des termes d'écrivain et d'auteur n'ont pas à souffrir une hyper-féminisation du langage qui croit se devoir de traduire que la femme est femme." et un peu plus loin "...c'est que justement, la cause féminine ne se juge pas à la hauteur de son équivalent masculin? Qu'il lui faut une signature supplémentaire, puisque ces termes s'emploient au masculin depuis des siècles". Quand je lis un livre de Mme de Staël, à aucun moment le plaisir de sa lecture ne se trouve influencé par le fait que ce soit une femme qui l'ait écrit. Avant cette aberration lexicale (www.academie-francaise.fr/actualites/feminisation-des-noms-de-metiers-fonctions-grades-et-titres), les écrivains féminins avaient-elles moins de talent?
je laisse pour ma part le dernier mot de cet avis à l'Académie Française avant de vous souhaiter une bonne fin de semaine:'"Comme l’Académie française le soulignait déjà en 1984, l’instauration progressive d’une réelle égalité entre les hommes et les femmes dans la vie politique et économique rend indispensable la préservation de dénominations collectives et neutres, donc le maintien du genre non marqué chaque fois que l’usage le permet. Le choix systématique et irréfléchi de formes féminisées établit au contraire, à l’intérieur même de la langue, une ségrégation qui va à l’encontre du but recherché."

Michel GUILBERT a dit…

"Ces termes s'emploient au masculin depuis des siècles"... Pas si sûr: dans un débat récent sur l'écriture inclusive dans l'émission "28 minutes" (Arte), une intervenante relevait qu'on utilisait (notamment) le terme "auteure" jusqu'à la fin du XVIIIe siècle (sauf erreur de ma part). Mais les hommes du XIXe siècle ont imposé le masculin.
En Belgique, depuis 1993, les noms de professions et de fonctions ont été féminisés, juste pour adapter la langue aux réalités d'aujourd'hui (d'autant que, contrairement à d'autres langues, le neutre n'existe pas en français).
Je souris toujours quand j'entends dire en France qu'il faut dire "Madame le Maire", parce que "Madame la Maire" désigne l'épouse du Maire. Ce qui date d'un temps où aucune femme (ou si peu) n'était maire. Mais maintenant qu'elles sont nombreuses à l'être, comment faut-il appeler le mari d'une femme maire? Pas "Monsieur le Maire", ce qui laisserait entendre que c'est lui le maire. Faudrait-il alors l'appeler "Monsieur la Maire"? On voit par là que la langue doit s'adapter à son époque, quoi qu'en pense l'Académie française. Son représentant, dans l'émission "28 minutes" que j'évoquais, ne fut d'ailleurs pas à la hauteur, pataugeant, bredouillant des arguments, démontrant combien l'Académie est dépassée par la question...

gabrielle a dit…

Au XVIIe, on disait "autrice" ou "peintresse" selon une auteure (E. Viennot).