jeudi 18 janvier 2018

Balance ton aéroport!

La décision - logique - du gouvernement français d'abandonner le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes amène l'opposition de droite à hurler au reniement. Le candidat Macron avait annoncé son intention de respecter le résultat de la consultation populaire qui, il y a deux ans, avait donné la majorité aux partisans de ce projet des années '60. L'opposition de droite ne veut pas voir qu'en cinquante ans le temps a passé et avec lui la biodiversité et l'état sanitaire de notre (seule) planète.
Le temps des projets des pharaons locaux est terminé. Les nouveaux aéroports, les nouvelles autoroutes, les zones commerciales installées à la périphérie des villes appartiennent à la préhistoire de notre civilisation post-industrielle. Mais certains élus d'un autre siècle ne veulent pas le comprendre, convaincus que leur réélection tient à leur soutien à ce sacré développement économique totalement irrésistible qui, avec son rouleau compresseur, avale sans état d'âme terres naturelles et agricoles, faune et flore et réserves d'eau et pollue l'air autant que la culture de citoyens réduits au pauvre rôle de consommateurs. 
Ce matin, Dominique Seux, dans son éditorial économique sur France Inter, estimait que la décision du gouvernement français "ne sera raisonnable - peut-on penser - qu'à une seule condition: si elle n'entrave pas la vie et le développement économiques du Grand Ouest. Cela veut dire qu'à la seule condition que les aménagements de l'aéroport actuel et l'agrandissement soient réellement effectués pour permettre au trafic aérien d'évoluer comme tous les experts l'ont prévu - jusqu'à 6 millions de passagers en 2025 et 7 en 2030" (1). Dominique Seux semble l'ignorer, mais il se fait le porte-voix du passé, de ce temps de l'économie toute puissante qui impose sa loi. Pourquoi faut-il absolument que le trafic aérien évolue comme les experts l'ont prévu? Pour permettre aux habitants du Grand Ouest d'aller passer un week-end à Barcelone ou à Marrakech? Ou d'aller manger une pizza à Rome ou du caviar à Saint-Pétersbourg via une compagnie low cost qui exploite son personnel? Le développement économique d'une région tient-il encore à celui d'un aéroport ou d'une autoroute? 
L'intérêt collectif est bafoué, affirme un partisan du projet d'aéroport. Réflexion intéressante qui amène à se poser la question de la définition de cet intérêt collectif. On comprend évidemment le ras-le-bol, voire la colère, des riverains de l'actuel aéroport qui vivent - ou survivent - dans un bruit infernal, mais délocaliser les nuisances dont ils souffrent n'a aucun sens. L'intérêt collectif, c'est celui de la planète. Le gouvernement donne raison aux zadistes, se plaignent les soutiens au nouvel aéroport. Tant mieux si c'est la victoire de la cohérence. Le président Macron ne pouvait défendre l'accord de Paris sur le climat et la création d'un nouvel aéroport avec son énorme lot de nuisances.
Au-delà de la décision du gouvernement, on peut se réjouir de voir comme elle est accueillie par l'opinion publique: selon un sondage, les trois quarts des Français l'approuvent, tout autant que l'échéance laissée aux zadistes pour évacuer la zone (2). Les élus locaux et d'opposition qui conspuent l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes doivent se sentir un peu seuls. Dépassés peut-être?

(1) https://www.franceinter.fr/emissions/l-edito-eco/l-edito-eco-18-janvier-2018
(2) http://www.lefigaro.fr/politique/2018/01/18/01002-20180118ARTFIG00134-notre-dame-des-landes-les-francais-plebiscitent-la-decision-du-gouvernement.php

3 commentaires:

gabrielle a dit…

En France, c'est un classique : je suis élu, j'veux mon aéroport. En Normandie, on en compte cinq dont trois dans un rayon de 50km...

Michel GUILBERT a dit…

Il y a une quinzaine d'années, j'ai eu l'occasion de visiter l'aéroport de Vatry, en Champagne. Magnifiques infrastructures qui ne servaient pas à grand-chose: très peu de vols... Aujourd'hui (je viens d'aller voir le site), il existe deux vols réguliers, à destination de Porto et de Marrakech, et une compagnie: Ryanair. Combien a coûté à la collectivité cette infrastructure inutile mais tellement indispensable au développement régional ?

Anonyme a dit…

Les politiques aiment les projets. Surtout les grands projets. Alors, lorsqu'il s'agit d'une bibliothèque, tant pis si elle n'est pas fonctionnelle et qu'elle pose plus de problèmes que de solutions. Dix ans après, lorsque l'essentiel des défauts est corrigé, on passe au projet suivant. C’est pas bien grave.
Les projets en matière d'infrastructure de transports doivent répondre à des critères plus stricts, pourrait-on croire. Rentabilité économique, gain social, gain en matière de mobilité. Sauf que plus ils sont gros (Liaison Lyon-Turin, pont sur la Manche, ...) et plus l'analyse est médiocre. Les projets de Paul Magnette à Charleroi en témoignent.
Et ne parlons pas du qualitatif ! Toutes les données économiques reposent sur du quantitatif. Il n'y a plus d'individus et même plus de clients, mais seulement des consommateurs. Et gare à lui s'il manifeste son mécontentement, surtout dans un aéroport.

Jean