mardi 23 janvier 2018

Etre humain

Souvent, l'homme est désespérant. Mais il arrive aussi, et heureusement, qu'il soit réjouissant.
Ce fut le cas à Bruxelles dimanche soir, quand 2.500 à 3.000 personnes ont formé une chaîne humaine près de la gare du Nord pour empêcher la police d'arrêter les candidats réfugiés qui squattent le Parc Maximilien. De toute façon, aucun d'eux n'était présent, tous - quelque 500 personnes - ayant été accueillis dans l'après-midi ou la veille déjà par des habitants qui refusent la politique répressive du gouvernement belge à l'égard de celles et ceux qui fuient guerre et misère (1).
Même la police des zones locales de Bruxelles-Capitale et de Bruxelles-Nord avait refusé de participer à cette opération d'interpellations.
Depuis, ce sont les juges d'instruction qui se sont clairement positionnés du côté de l'humanisme, affirmant leur opposition au projet de loi sur les "visites domicilaires" qui permettrait à la police d'entrer chez les personnes qui hébergent des migrants pour ensuite éloigner ceux d'entre eux qui sont en situation dite illégale. Les juges d'instruction refusent d'être mis d'autorité au service de l'Office des Etrangers: "ce projet de loi détruit l'indépendance du juge d'instruction, principe essentiel à toute société démocratique", disent-ils (2). "Les visites domiciliaires: mais comment a-t-on pu imaginer un truc aussi indigne qu'inacceptable?, demande Xavier Diskeuve dans l'Avenir. Ce projet de loi, selon diverses associations, pourrait aboutir à une criminalisation de l'accueil de migrants, sur le modèle français. Le débat à la Chambre a été reporté d'une semaine et sera précédé d'auditions. 
La mobilisation citoyenne à Bruxelles est réjouissante. D'autant que l'indignation vis-à-vis de la politique gouvernementale s'exprime aussi au cœur de la police et de divers organismes officiels dont des membres, scandalisés par les projets répressifs, n'hésitent à communiquer à la plateforme citoyenne des informations sur les opérations programmées.
En France aussi, de nombreux citoyens n'hésitent pas à transgresser une loi contradictoire avec le principe de secours à des personnes en danger ou en détresse.
Se conduire en être humain, simplement humain, n'est-ce pas le premier des droits de l'homme? Et le premier de ses devoirs?

(1) http://www.lalibre.be/actu/belgique/parc-maximilien-2500-personnes-forment-une-chaine-humaine-en-soutien-aux-migrants-5a64d31dcd70b09cefc82ae5
http://plus.lesoir.be/135418/article/2018-01-21/parc-maximilien-la-demonstration-de-force-des-hebergeurs
(2) http://www.lalibre.be/actu/politique-belge/loi-sur-les-visites-domiciliaires-les-juges-d-instruction-refusent-de-devenir-le-bras-arme-de-l-office-des-etrangers-5a65f196cd7083db8bb43051
http://www.lesoir.be/135733/article/2018-01-23/migrants-le-debat-sur-les-tres-controversees-visites-domicile-sera-reporte
http://www.levif.be/actualite/belgique/mouvement-citoyen-un-texte-controverse-a-la-chambre/article-normal-788037.html




2 commentaires:

Grégoire a dit…

Je viens de commencer une biographie de Pierre Desproges, parue en novembre 2017. L'auteur y explique une certaine forme de misanthropie de l'humoriste à l'égard du genre humain dans son ensemble par la simple incompréhension du sujet de son livre en ce qui concerne l'extermination des juifs durant la seconde guerre mondiale. "Comment des gens intelligents, cultivés, éduqués, ont-ils pu un jour dénoncer et envoyer à une mort certaine* leurs voisins par le simple fait que ceux-ci étaient juifs, périgourdins, ou juifs périgourdins."
* Une rescapée des camps de retour chez ses parents, avant de découvrir qu'elle sera la seule survivante, entendit de son voisin "ah, tu t'en es finalement sortie". Elle en a déduisit que tout le monde savait. Même le pape de l'époque. Une émission de la télévision belge francophone qui sera diffusée ce soir devrait le démontrer "sans peine" > Retour aux sources : 39/45 la face cachée du Vatican à 22h45 sur La Une (Rediffusion sur La Trois le 03/02 à 21h05).
J'ai eu l'occasion jadis de côtoyer des religieuses vivant dans un couvent et d'autres qui vivaient seules avec une fonction au sein de leurs paroisses. On imagine l'amour de la prochaine omniprésent dans ces couvents. On a tort. Déjà, quand on se choisit, ce n'est pas tous les jours facile... Cependant, les moins commodes (pour être gentil) sont celles qui vivent "hors sol". Personne au quotidien pour les contrarier, et quand cela arrive, j'en fais parfois les frais, la surprise est toujours présente des deux côtés...
Quoi qu'il en soit, et pour reprendre Alexandre Vialatte, "quant au mois de janvier, cela m'étonnerai qu'il passe l'hiver."

Michel GUILBERT a dit…

"Et c'est ainsi qu'Allah est grand"! Pas sûr, hélas, que l'humour de Desproges (et même cette conclusion de Vialatte) passerait encore aujourd'hui...
Dans Charlie Hebdo de mercredi, Antonio Fischetti, qui raconte comment il a été amené à faire passer cinq migrants en France, rappelle deux articles du code pénal:
- l'article L622-1 stipule que "toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d'un étranger en France sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 euros".
- l'article 223.6 "punit de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende (...) quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui et pour les tiers, il pouvait lui prêter".
Fischetti constate que "la non-assistance à personne en danger est plus sévèrement punie que le délit de solidarité (...). Au final, en choisissant le moins grave de ces deux délits, j'ai plutôt respecté la loi en aidant ces migrants".