lundi 26 février 2018

Billy the Kid

Ubu Trump est le plus averti des ethnologues. Il a compris la société américaine: il y a d'un côté les gentils, de l'autre les méchants. Les méchants sont ceux qui tuent les autres, mais ceux qui tuent les méchants sont des gentils. Cet homme sait faire la part de choses
Dans les quarante-cinq premiers jours de cette année 2018, les fusillades de masse aux Etats-Unis ont fait 82 morts et 139 blessés. En moyenne, il y en a eu une tous les deux jours et, jusqu'à celle de Parkland le 14 février dernier, en 2018, il n'y eut que seize jours sans fusillade de masse. En 2017, 589 personnes ont perdu la vie dans ce type de fusillades aux Etats-Unis.
Si on fait le compte de tous les morts par armes à feu (sans les suicides) depuis le 1er janvier 2018, on arrive au nombre de 1826. (1)
Mais pour le-président-qui-a-tout-compris ces morts sont le fait de cerveaux dérangés. Il n'entend pas - ou si peu - réglementer la possession individuelle d'armes. Il envisage d'empêcher la commercialisation d'appareils qui permettent de transformer une arme semi-automatique en arme automatique (2). Etant entendu que n'importe qui a le droit sacro-saint de se procurer ces armes et qu'avant de les utiliser sauvagement leurs possesseurs étaient rarement repérés comme des malades mentaux. C'est l'usage qui fait l'assassin.
Aujourd'hui, Ubu Trump propose d'armer les enseignants, du moins ceux d'entre eux sachant manier une arme (3). Il faut leur permettre de défendre leurs élèves parce que "une école sans arme attire les méchants". Et ça, c'est l'idée géniale que personne d'autre que Trump n'aurait pu avoir: armer les enseignants qui savent manier une arme. Le premier clampin venu aurait décidé de donner des armes à n'importe qui, même à ceux qui ne savent pas les utiliser, mais lui, le Génie de l'Hudson, il donne des armes à qui sait les utiliser. Ce ne devait pas sans doute pas être le cas du garde armé qui se trouvait dans l'école de Parkland où dix-sept personnes ont été tuées sans que cet agent puisse empêcher le tueur d'agir.
Monsieur Moi n'envisage donc que de très légères restrictions aux conditions (extrêmement laxistes) de l'achat d'armes. Le président américain est un homme simple: plus d'armes signifie pour lui moins de morts, puisque les gentils pourront ainsi tuer les méchants. Cet homme regarde trop de westerns et de dessins animés. D'autres pays (sans doute moins simples dans leurs analyses) ont cependant pris, suite à des tueries par armes à feu, des mesures drastiques qui ont porté leurs fruits. Ainsi en vingt ans, l'Australie a divisé par deux le nombre de morts par armes à feu. Au Japon (127 millions d'habitants), on ne compte pas plus de dix morts par armes à feu par an (4). Mais Trump, très lié à la NRA (5), le lobby des armes, préfère continuer à avancer les yeux fermés. Heureusement, les nombreuses réactions indignées (des jeunes surtout), suite à cet nième massacre, ont amené une série d'entreprises à rompre leurs liens avec la NRA qui fulmine (6).
Le président américain a, depuis longtemps, placé la barre très haut en termes d'idées et de déclarations ahurissantes. A chaque essai, il la passe. Et pourtant à chaque fois en se prenant les pieds dans le tapis. Mais comment fait-il? 

(1) http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/02/15/etats-unis-depuis-le-debut-de-l-annee-pas-plus-de-deux-jours-sans-victime-dans-des-fusillades-de-masse_5257522_4355770.html
(2) http://www.lalibre.be/actu/international/sous-pression-trump-bouge-un-peu-sur-les-armes-a-feu-5a8d1308cd70b558ed78f217
(3) http://www.lalibre.be/actu/international/fusillade-dans-une-ecole-de-floride-trump-pret-a-envisager-le-port-d-arme-pour-les-enseignants-5a8de7dacd70f0681dd5f805
(4) http://www.huffingtonpost.fr/2018/02/25/trump-veut-plus-darmes-pour-enrayer-les-fusillades-ces-pays-y-arrivent-en-faisant-tout-le-contraire_a_23369235/?utm_hp_ref=fr-homepage
(5) David Frum dans The Atlantic (Washington) évoque "les soupçons sur le fait que les Russes auraient versé des millions de dollars à des campagnes électorales par le biais des comités d'action de la NRA" (18.2.2018, in Le Courrier international, 22.2.2018)
(6) http://www.huffingtonpost.fr/2018/02/25/le-lobby-des-armes-americain-la-nra-hurle-a-la-lachete-civique-et-politique-face-aux-prises-de-distance-de-ses-partenaires_a_23370421/?utm_hp_ref=fr-homepage
(Re)lire sur ce blog "Rien à voir", 7.11.2017 et "Le cauchemar américain", 4.10.2017.
Note: le titre de ce billet fait référence à la manière dont Morris et Goscinny, dans l'album éponyme, voient Billy the Kid: un être capricieux, infantile et mal élevé.

Post-scriptum: A propos de la tuerie de Parkland, David Frum, dans The Atlantic (Washington), relève que "le président américain n'a que brièvement interrompu ses vacances dans son complexe de Mar-a-Lago pour se rendre dans un hôpital où étaient soignées des victimes. En sortant, il a posé pour des photographes, la mine réjouie et le pouce en l'air. L'empathie face au chagrin d'autrui est apparemment réservée aux ratés".  (18.2.2018, in Le Courrier international, 22.2.2018)


3 commentaires:

Anonyme a dit…

Pour mémoire, Trump avait abrogé une réglementation d'Obama concernant l'achat d'armes par des handicapés mentaux.

Voir RFI : http://www.rfi.fr/ameriques/20170203-etats-unis-chambre-facilite-achat-armes-feu-handicapes-mentaux

C'est plus Billy the Kid mais Averell Dalton. Et toujours pas de Lucky Luke en vue...

Jean

Grégoire a dit…

Les U.S.A. se sont construits sur le massacre des amérindiens, et même si les 40.000 cowboys (max. sur une population de 60 millions d'états-uniens) qui leur faisaient face, entre autres, ne furent pas tous armés, cette image fait partie de l'inconscient collectif aux Etats-Unis. L'états-unien (il paraît que les certains habitants de ce continent se revendiquent américains et n'apprécient pas cette confiscation lexicale de la part d'un seul gouvernement, soit dit en passant) étant de droite par nature pense sans doute qu'il ne peut pas trop compter sur l'Etat pour assurer sa sécurité, comme lorsqu'il se trouvait loin, loin, dans l'Ouest sauvage. Les U.S.A. sont le pays du capitalisme par excellence, et si, selon cette citation attribuée à Lénine, les "capitalistes nous vendront la corde avec laquelle nous les pendrons.", il n'y a pas de raison qu'ils n'en fassent pas de même avec les armes à feu...

gabrielle a dit…

Les Etats-Unis. Ce pays merveilleux où tu ne peux pas avant 21 ans acheter ou consommer de l'alcool en public mais où tu peux, dans certains Etats, "posséder" une arme (sans avoir de permis) dès 18 ans. Ce pays des merveilles où les mouflets de moins de 10 ans peuvent se balader armés pour aller chasser (dans le Wisconsin je crois).