lundi 5 février 2018

Home sweet home

Finalement, c'est bien ou c'est pas bien les droits de l'homme, la démocratie, tout ce bazar sur lequel crachent ces djihadistes, nés et élevés en Europe et partis faire la guerre dite sainte (1) en Syrie ou en Irak? Ils rejettent les modes de vie à l'occidentale et veulent remplacer nos gouvernements d'impies et de mécréants par des institutions islamiques. La seule loi, pour eux, c'est la charia. Et voilà maintenant que celles et ceux qui ont été arrêtés dans ces pays demandent à être jugés dans leur pays d'origine. Là où les droits de l'homme sont respectés, au contraire des pays où ils ont contribué à faire tout exploser: des êtres humains, des maisons et des règles. Ils ont une conception de la justice à géométrie variable. Ou plutôt à intérêts variables. Entendez par là que c'est le leur qui prime largement sur celui des autres pour lequel ils n'ont que mépris. "Ces djihadistes, constate Guy Konopnicki (2), qui n'ont cessé de clamer leur haine de la France et de la République laïque, redécouvrent leur passeport français pour échapper à la justice des pays où ils ont semé la mort et la terreur."
Home sweet home, c'est désormais leur devise.
Suivre leurs souhaits et ceux de leurs avocats de les voir jugés dans leur pays d'origine serait contraire aux régles habituelles qui veulent que les crimes soient jugés là où ils ont été commis. "En suivant les beaux raisonnements de leurs défenseurs, souligne Guy Konopnicki, la nationalité française permettrait de protéger une partie des djihadistes, de les distinguer du gros des troupes. Les terroristes français jouiraient donc d'un privilège, ils pourraient agir en n'importe quel pays, sans jamais partager le sort de leurs frères d'armes. On ne saurait mieux revendiquer une justice coloniale séparant les djihadistes français des indigènes du Proche-Orient et du Maghreb, qui, eux, peuvent bien être pendus."
Oui mais, soulignent les défenseurs des djihadistes, on ne peut accepter qu'ils soient jugés par la justice d'un Etat qui n'existe pas (l'Etat kurde) ou qui, trop instable ou trop fragile, n'offrirait aucune garantie d'application de la peine prononcée. Pour juger des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, il existe une solution indiscutable: un tribunal pénal international qui jugerait les djihadistes quelles que soient leurs nationalités. "La France, conclut Guy Konopnicki, perdrait tout honneur en protégeant des criminels français. Il lui revient d'agir pour que les crimes de Daech soient traduits devant un tribunal international, pour n'être pas recouverts par l'oubli et la négation."

Pendant ce temps-là, face à la justice belge, Salah Abdeslam refuse de répondre aux questions du tribunal. Ce qui est son droit. "Moi, c'est en mon seigneur que je place ma confiance, s'est-il contenté de dire. Je n'ai pas peur de vous, je n'ai pas peur de vos alliés, de vos associés, je place ma confiance en Allah et c'est tout."  (3) Peut-être est-ce cela que veulent nos djihadistes: pouvoir venir se taire dans les tribunaux de chez eux. Voilà donc ce que sont les soldats internationaux de Dieu: de piètres individus qui veulent être jugés à la maison tout en étant incapables d'assumer leurs actes si peu glorieux et de les expliquer.

(1) Quelqu'un peut-il nous expliquer ce qu'une guerre peut avoir de sainte?
(2) "Juger les crimes de Daech", Marianne, 2.2.2018.
(3) http://www.lalibre.be/actu/belgique/20-ans-de-prison-requis-pour-abdeslam-et-ayari-le-proces-suspendu-jusque-jeudi-5a77f08ecd70f924c7d9d40e

10 commentaires:

Bernard De Backer a dit…

Excellent. Cela me rappelle, mutatis mutandis, le comportement des compagnons de route du bolchevisme qui chantaient les éloges du communisme réel tout en restant bien au chaud dans les Etats de droit "bourgeois".

gabrielle a dit…

On a franchement pas envie de plaisanter sur la situation surréaliste de ce type qui se tait (après avoir fait sa petite auto promo de victime tout de même). Il n'empêche... imaginons que maintenant ce soit son avocat qui décide qu'il n'a rien à dire puisque son client la boucle. Oui, oui, je sors.

Bernard De Backer a dit…

Salah Abdeslam ne reconnaît pas la justice des hommes, seulement la loi de Dieu. Son avocat ne peut évidemment pas faire la même chose ...

Excellente intervention de l'islamologue (un sérieux, celui-là) Felice Dassetto sur la RTBF :

https://www.rtbf.be/auvio/detail_au-bout-du-compte?id=2307568

A écouter entièrement, la fin consacrée aux "conversions subites" est particulièrement intéressante. Felice n'est pas très optimiste, moi non plus.

Michel GUILBERT a dit…

Intervention intéressante en effet. Felice Dassetto souligne bien ce manque de leaders dans l'islam européen, d'esprits éclairés capables de développer - et surtout de faire adhérer à - une vision apaisée et intégrée de l'islam. Tandis que des conversions subites fabriquent de futurs "martyrs"...

Bernard De Backer a dit…

Oui, mais les conversions ne sont pas du tout "subites". Quant à un islam pacifié, intégré, je ne demande pas mieux. Mais cela me semble un voeu pieux. Force est de constater que ce n'est pas le chemin qui est pris - cela fait deux siècles que l'islam cherche en vain à "réouvrir les portes de l'interprétation". Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : un monothéisme aussi absolu - tributaire d'un message aussi unique transmis à un seul intermédiaire et retranscrit dans un seul texte et dans une seule langue (Allah parle arabe) - me paraît difficilement soluble dans la modernité. C'est une grande différence avec le judaïsme et le christianisme. On verra, mais autant savoir et ne pas être théologiquement inculte.

Grégoire a dit…

Jésus parlait régulièrement par paraboles qu'il s'agissait donc d'interpéter. Saint Paul, en revanche, et hélas,... laissait peu de place au doute. N'oublions pas que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 a été condamnée par Pie VI, dans son encyclique «Adeo nota», du 23 avril 1791. Bien plus récemment, l'Eglise s'est opposée à la fécondation in vitro. Je pense que s'il y a des aspects sur lesquels l'Eglise Catholique a dû évoluer, ce fut sous la contrainte de l'évolution de la Société civile qui avançait plus vite... Il suffit de voir la moyenne d'âge des fidèles aux célébrations ordinaires...
Au delà de ce procès, il est en effet curieux de leur part de vouloir être jugés dans un pays peuplé de mécréants selon un système qui ne respecte pas leurs "valeurs". C'est bien le drame intrinsèque de la démocratie que d'être sa plus grande ennemie car elle "offre" les armes qui la blesse toujours un peu plus. Les Russes ne s'encombrent pas de nos principes. Quand l'un des leurs est pris en otage, c'est la méthode efficace dite de "mort subite" qui est enclenchée. Une méthode qui a survécu à l'URSS.
Un ministre belge du gouvernement francophone souhaite promouvoir l'enseignement de l'arabe "améliorer le vivre ensemble". Curieux raisonnement... N'est-ce pas plutôt à ceux qui arrivent chez nous à s'adapter?

Bernard De Backer a dit…

Un dernier pour la route. Selon l'avocat d'Abdeslam "A la différence de Salah Abdeslam, j'accepte votre autorité et la respecte. Elle est le rempart contre la barbarie. La procèdure doit être respectée même si elle est dure (...) Quel est le but de l'Etat islamique ? Nous ramener à l'état sauvage." C'est évidemment parfaitement débile que cette association, malheureusement trop fréquente, du but des islamistes avec "la barbarie" et "l'état sauvage". Les moyens sont certes barbares (bien que mentionnés dans le Coran), mais pas le but. Sans doute un artifice réthorique pour plaider la nullité pour vice de procédure ... linguistique.

Michel GUILBERT a dit…

Plaider l'erreur de procédure linguistique indique bien l'absence d'argument entendable.
A propos de l'absence de leaders musulmans soulignée par Felice Dassetto (émission de la RTBF, recommandée par BDB) ces quelques mots de Boualem Sansal: "le silence des intellectuels est le vecteur le plus fort de l'islamisme. Ils portent en effet une responsabilité lourde: en se dérobant à la fonction sociale qui est d'expliciter à leur société les enjeux auxquels elle est confrontée, ils livrent la population et notamment les franges les plus fragiles, les jeunes, au chant de l'islamisme et du bazar ou à la corruption et au despotisme des pouvoirs arabes". ("Gouverner au nom d'Allah", Gallimard, 2013) Ou encore (B. Sansal toujours): "en quatorze siècles, aucune tentative de révolution des idées semblable à celle des Lumières n'a pu émerger et prendre corps dans l'univers musulman. S'il y en a eu, elles restèrent confinées dans des milieux fermés ou elles furent rapidement tuées dans l'œuf".
A Grégoire, concernant l'apprentissage de l'arabe en Belgique, cette anecdote: c'était il y a une douzaine d'années, pour des raisons professionnelles (visite de stage), javais un rendez-vous au service culturel de la mosquée de Renaix. Je tournais en rond dans la ville (pas de GPs encore), désespérant de trouver la mosquée. J'ai croisé un homme en djellaba, me disant que lui pourrait m'indiquer la route. Je l'ai interrogé en nérelandais et en français, il m'a fait comprendre... qu'il ne me comprenait pas. Continuer à tourner dans Renaix, j'ai vu, dix minutes plus tard, le même homme entrer dans un bâtiment. Cétait la mosquée. Le service culturel de la mosquée organise notamment des cours d'arabe. Pas de néerlandais ninde français...

Michel GUILBERT a dit…

Désolé pour les fautes de frappe dans le commentaire précédent. Je tombais en panne de batterie, je me suis dépêché de publier, de crainte de tout perdre...

Bernard De Backer a dit…

Le livre de Boualem Sansal, "Gouverner au nom d'Allah" est absolument remarquable par son contenu et par sa forme. C'est vraiment le premier livre que je recommanderais à qui veut s'instruire, non seulement sur l'islamisme, mais aussi sur l'aveuglement ce nombreux Algériens.

La responsabilité des intellectuels (et de nombreux chercheurs) est aussi très grande en Europe. Suivez bien ce qui va se passer avec le nouveau parti "Be.one" d'Abou Jahjah (et notamment d'une ancien sénatrice Agalev), en particulier à Bruxelles. Je suppose que MG en touchera un mot dans les semaines ou les mois qui viennent. Cela vaut vraiment la peine de lire leur programme. Et de scruter les réactions des intellectuels belges.