mardi 20 février 2018

Vélocité et cécité

L'homme est un animal étonnant. Parmi ses innombrables sous-espèces, il en est une en particulier qui ne cesse de nous intriguer. Celle de l'automobiliste.
Observons un automobiliste sur le périphérique de l'Ile-de-France. De très nombreux bouchons et ralentissements sont annoncés. Dès qu'il sort d'un bouchon, l'automobiliste accélère fortement, tant il est pressé d'entrer dans le bouchon suivant à quelques centaines de mètres. Tout dans son attitude laisse supposer que l'automobiliste semble perdu hors des bouchons, qu'il se sent protégé en leur sein. Il en a besoin comme le lapin de son terrier.
Observons à présent un automobiliste sur l'autoroute. Un phare gyroscopique orange visible de loin signale qu'une équipe d'hommes procède à un entretien de la voirie. Mais l'automobiliste semble l'ignorer, se colle à son prédécesseur qui, par précaution et par respect pour ces travailleurs, lève le pied. Dès que la voie est libre devant lui, l'automobiliste accélère pour entrer plus vite dans la zone de travaux. S'il se trouve face à un rétrécissement de la chaussée, l'automobiliste se dépêche de dépasser un maximum de voiture avant de se coller le nez sur l'arrière d'un camion.
Observons enfin un automobiliste en zone rurale. Il roule sur une voirie où la vitesse est limitée à 90 km/h. Mais il est seul au monde, pense-t-il, ce qui l'autorise à rouler à 120. Même si dans cette région, il est courant, à la sortie d'un virage, de se retrouver derrière un tracteur, derrière un troupeau de brebis changeant de pâture, face à un chevreuil qui traverse sans crier gare ou encore devant l'une ou l'autre vache en goguette. Mais l'automobiliste n'en a cure, si sûr de ses réflexes et de sa supériorité de conducteur de voiture.
Ainsi va l'automobiliste: vite. Parfois, il rate un virage ou voit trop tard un tracteur ou rencontre un sanglier. Il a alors ce qu'on appelle un accident. Il est surpris. Jusqu'alors il n'en avait jamais eu. Il ne comprend pas.
Que peut-on tirer de ces observations? Qu'avant d'avoir un premier accident, on n'en avait, le plus souvent, jamais eu. Et que si la sous-espèce automobilistes était en voie d'extinction, on ne signerait pas de pétition pour la sauver.

9 commentaires:

Bernard De Bacler a dit…

Joli ! Mais pour observer autant de choses, il faut être automobiliste soi-même, et avoir pas mal de kilomètres au compteur... Non ?

Ceci étant, l'attachement à la bagnole a son gradient social. Ce matin, je me faisais coiffer par Sylvie à St Gilles (Bruxelles). Sylvie vit à Braîne-l'Alleud et vient à Bruxelles tous les jours en ... voiture. Pourtant, la gare n'est pas loin et l'on accède rapidement à St Gilles par le metro. Mais non, Sylvie a tellement pris les transports en communs comme "femme du peuple", que la voiture est pour elle une promotion sociale. Comme elle me le disait alors que je tentais te la convaincre de venir en train : "je n'ai plus envie de me frotter au populo !". Et moi, intellectuel bobo, je tentais de la convaincre stupidement...

Michel GUILBERT a dit…

Héhé! Bien vu! Ces dernières obervations viennent de mon dernier voyage en Belgique il y a quelques jours. Oui, je roule en voiture individuelle plus que je ne le voudrais. Même si j'utilise autant que possible le vélo et le train. Mais en roulant aussi cool que possible. Plus je vois ces excités de l'accélérateur me dépasser énervés ou me coller au train, plus j'ai le pied léger.
J'aime le train, même si je peste sur les retards réguliers, le métro, même si je râle sur les grèves (c'était le cas hier à Bruxelles).

Bernard De Backer a dit…

Une précision : Sylvie m'a coiffé, elle m'a coupé les cheveux (et non pas dépassé avec sa voiture). L'intérêt de l'anecdote est la vraible sociale de l'attachement à l'automobile. Sylvie fait partie des classes populaires et, pour elle, la voiture est une signe de promotion sociale.

Ceci me conduit aux fameuses "petites lignes" menacées de la SNCF (ou de la SNCB). Le gros problème, c'est que les gens ne les prennent pas assez, ils préfèrent la voiture. Les maires et présidents de régions, s'ils veulent sauver leurs petites lignes devraient inciter leurs administrés (y compris Sylvie) à voyager en train...

Grégoire a dit…

Heureusement pour la SNCB, je n'aime pas conduire, ça pollue, ce n'est pas plus rapide et la perspective de ne pas trouver de place de stationnement, la voiture dans le même état, etc. m'incitent à prendre des trains qui partent et arrivent bien souvent en retard. Depuis le changement d'horaire le 10/12/17, le train que je prends presque chaque matin de la semaine arrive systématiquement avec un retard de 5-6 minutes. Hélas, dans ce monde réel, un train qui a moins de 6 minutes de retard n'est pas comptabilisé par la SNCB, donc le retard n'existe pas. Et puis, il y a les mouvements d'humeur des cheminots belges qui peuvent vous f. dans la m. au réveil, voire vous coincer dans une gare à 100 km de chez vous un soir de semaine (c'est du vécu). Bref, faut quand même être motivé, et ne pas trop rêver aux trains japonais à la ponctualité exemplaire.
Un petit mot à Claire par rapport à son message du 20/02 à 09h24: même si vous ne signez pas (et si vous signez, encore faudrait-il que ce soit votre vrai prénom, et ce ne sera toujours qu'un prénom...) Google a les moyens de vous situer grâce à l'adresse ip de votre ordinateur, et également grâce à d'autre moyens... Google et d'autres...

Michel GUILBERT a dit…

A propos de la SNCB: j'ai travaillé à la SIDEHO en '83-'84, sur l'impact en Hainaut occidental du plan IC/IR. Les cheminots que j'avais rencontrés rappelaient qu'à l'époque de la vapeur le trajet Tournai - Bruxelles s'effectuait en 50 minutes. Je l'ai fait lundi dernier: l'horaire prévoit maintenant 70 minutes. Je n'en conclus pas qu'il faut revenir à la vapeur, mais le service public doit être considérablement amélioré, notamment avec des tarifs plus attractifs. Et ceci dit, je crois aussi que bien des usagers potentiels ignorent les formules intéressantes. Un voyageur occasionnel peut se procurer par exemple un rail-pass (10 voyages pour n'importe quelle destination en Belgique) pour 77 €. 7,7 € pour faire Ty-Bxl ou Malines-Arlon ou Mouscron-Verviers, on peut difficilement trouver que c'est trop cher. Reste effectivement, comme le souligne Grégoire, les retards de plus en plus fréquents, voire les grèves sauvages.

gabrielle a dit…

Utilisatrice de la Société Nationale des Chemins d'enfer Belges depuis une cinquantaine d'années, j'aurais pu donner mon avis, mais je préfère éviter des ennuis au propriétaire de ce blog.

Anonyme a dit…

Damned ! Aurai-je affaire à un anti-automobiliste primaire ?
Vingt ans de région parisienne m’ont permis d’apprécier Rire et Chansons, FIP, et les matinales d’Europe1 ou de RTL. Si je n’étais si occupé dans mon bureau mobile à planifier ma journée, j’aurais même pu écouter France Culture. Mais bon, le boulot, c’est sérieux.

Tomber sur le 2.5% d’irréductibles de la Loi Normale et en tirer des leçons sans autre forme de procès qu’un ressenti, est-ce sérieux ? J’ai avalé suffisamment de bitume pour faire la distinction entre un étourdi et un imbécile sur la route.
Concernant les troupeaux sur la route, je te renvoie aux articles R412-44 à R 412-46 du Code de la Route (français). Rarement respectés.
Concernant les travaux sur routes, le balisage lourd peut encaisser un 40 tonnes sans problème (j’ai paumé les références). Comment ? Toutes les entreprises de travaux publics ne protègent pas leurs salariés comme il faut parce que ça coûte cher ? C’est de la faute des bagnoles.
Concernant les chevreuils, ils ne crient pas « gare ! » et même à 50 km/h, de nuit (ils préfèrent), une rencontre est souvent traumatisante voire mortelle pour le conducteur comme pour la bestiole. Match nul (sauf sur un point : autant on appelle une ambulance pour l’humain autant personne ne songe à déranger un vétérinaire pour l’animal : ce sont les fédérations de chasse qui paient les dégâts).
L’analyse des risques et de leurs conséquences est un sujet sérieux. Le ressenti qui occulte la méthode, c’est de la politique qui va au plus court chemin dans le sens du poil de l’électorat.
… ?

Jean

Michel GUILBERT a dit…

Ni anti-automobiliste: je le suis. Ni primaire, mais secondaire: après observation.
A te suivre, "le balisage lourd", comme tu l'appelles, permettrait à l'automobiliste pressé d'éviter d'avoir à lever le pied? Et si les travailleurs font un boulot de merde, tant pis pour eux?
J'ai toujours la même question: pourquoi faut-il absolument rouler vite? A l'heure où tant de gens se plaignent de passer leur vie à courir, plaident pour le "slow food", rêvent d'une vie moins agitée, qu'ils sachent qu'on peut ausi écouter FIP à vélo...

Anonyme a dit…

Meuh non ! Mais la protection des ouvriers sur un chantier, ça coûte cher. ! Et, encore une fois, ramener la sécurité routière (ou des chantiers) uniquement à la vitesse des usagers, me semble particulièrement restrictif. En tout cas, ça fait causer !
Jean

PS : J’avais bu un coup hier. Le balisage lourd n’est pas calibré pour encaisser un 40 tonne à pleine vitesse dans toutes les situations. Loin de là.