samedi 20 octobre 2018

Merci, Jean-Luc

Les derniers éclats de Jean-Luc MélenChe nous ont (s'il le fallait) ouvert les yeux: aucun homme, aucune femme politique n'est parfait-e. Nos idéaux ne peuvent être incarnés. On savait l'homme explosif, il se révèle caractériel.
Il s'était gentiment - et à raison - moqué de ces candidats (Fillon, Le Pen fille) poursuivis par la justice pour non respect des règles mais qui se posent en victimes. Et voilà qu'il fait de même en hurlant face aux policiers qui opèrent une perquisition chez lui et dans les locaux de son parti. On peut évidemment comprendre qu'il y ait là de quoi s'énerver, mais de là à se présenter comme "La République" intouchable, il y a un pas. Comme si les policiers et le juge qu'il bouscule n'agissaient pas précisément au nom de celle-ci. La République représente un ensemble de principes, de valeurs, de règles. Lesquels incarne encore Jean-Luc Mélenchon? Quand la justice agit contre ses concurrents, il la soutient. Quand elle s'intéresse de trop près à lui, il lui crache à la figure.
Il fait de même avec les journalistes. Quand il ne sait pas répondre, il agresse. Une journaliste lui demande s'il ne se sent pas en contradiction avec ses propos précédents quand il critiquait les Le Pen et Fillon qui pointaient une justice politique. Incapable de répondre, il choisit la méthode Trump: attaquer, insulter. Il se moque de l'accent de la journaliste: "quesseu-queu ça veut direu?", demande l'élu de Marseille. Et d'ajouter: "quelqu'un a une question formulée en français et à peu près compréhensible? Parce que votre niveau me dépasse, je ne comprends pas". Sait-il que les gens méprisants sont méprisables?
Aujourd'hui, il poursuit sur sa lancée, traitant les journalistes de France Info (qu'il appelle "radio d'Etat") d' "abrutis" et appelant ses militants à "discréditer" ces "menteurs" et ces "tricheurs". Ils ont eu l'audace d'analyser ses comptes de campagne et de se poser des questions. Il n'y a que des abrutis pour faire cela.

On voit par là qu'il faut cesser de confier notre avenir à de beaux parleurs. Ils peuvent être de laids hurleurs, d'hystériques goujats, d'horribles imprécateurs.
On voit aussi qu'il faut cesser de s'en remettre à des professionnels de la politique. Elu depuis tant d'années, n'ayant jamais vécu que de la politique, Le MélenChe croit que tout lui est permis. Même de se prendre pour ce qu'il n'est pas : un leader maximo au-dessus des lois et des règles de la décence et de la dignité.
On voit enfin - et hélas - que Trump fait école.
Résumons-nous: il faut en finir avec le système représentatif électif. Il est nuisible à l'équilibre mental.


La réponse des journalistes de France Info à Jean-Luc Mélenchon:

Les « abrutis » de France Info à Mr Mélenchon…

Monsieur Mélenchon,

Hier, vendredi 19 octobre, vous avez dans une vidéo violemment attaqué le travail des journalistes de la cellule investigation de Radio France. Critiquer, contester, démentir le contenu d’une enquête journalistique est votre droit le plus strict. Votre collègue, député de la France Insoumise, Adrien Quatennens, invité de la matinale de France Info vendredi matin ne s’en est pas privé. Vous êtes le bienvenu pour le faire sur toutes les chaînes de Radio France, mais  vous refusez systématiquement les invitations qui vous sont lancées. Car selon vous, les radios de Radio France ne sont pas des chaines de service public, mais des radios d’Etat. Étonnant concept que voilà, des radios d’Etat qui invitent les plus farouches opposants au pouvoir en place… Dans votre vidéo, vos affirmations sont autant haineuses qu’imprécises et erronées. Tout d’abord, vous réservez vos insultes aux seuls journalistes de France Info, sachez que la cellule investigation de Radio France est une entité transversale, il y a donc des « abrutis » dans toutes les rédactions de Radio France. Entité transversale qui depuis sa création fait un travail salué par tous et qui, Mr Mélenchon, s’intéresse autant aux comptes de campagne de la France Insoumise qu’à ceux de La République en Marche. Entité transversale qui se doit de coordonner la publication de ses enquêtes sur plusieurs chaînes, c’est pourquoi, contrairement à ce que vous affirmez, il n’a jamais été question de diffuser ces reportages mardi dernier, mais, comme chaque semaine vendredi, sur France Inter et France Info dans une version allégée, puis samedi, dans de formats plus larges sur France Info et dans l’émission « Secrets d’info » sur France Inter.

Plus loin dans votre intervention, vous invitez vos soutiens à nous « pourrir » et nous « discréditer », car, parlant des journalistes de France Info (vous oubliez tous les autres), vous poursuivez : “Ils ont l’air de ce qu’ils sont, c’est-à-dire d’abrutis. Je demande à ceux qui nous suivent de relayer nos arguments, de montrer pourquoi France Info ment et de discréditer les journalistes qui s’y trouvent”.” Relayez, relayez sans arrêt. Pourrissez-les partout où vous pouvez. Parce qu’il faut qu’on obtienne au moins un résultat […] il faut qu’à la fin il y ait des milliers de gens qui se disent ‘Les journalistes de France Info sont des menteurs, des tricheurs’.”

Que répondre à tels propos ? Mardi vous assuriez que votre personne était « sacrée ». Alors voilà, Mr Mélenchon, ce qui est « sacré » pour nous : L’information. Oui, ça peut paraître désuet dit comme ça, mais sachez que les journalistes de Radio France ont chevillée au corps la conviction que dans leurs radios de service public (et toutes les enquêtes de satisfaction du public le confirment) le traitement de l’information ne fait l’objet d’aucune approche partisane, de censure ni d’autocensure. Et la Société des Journalistes qui s’adresse à vous ici effectue chaque jour un travail de veille et de vigie sur le traitement de l’information à Radio France qui donne lieu à des débats permanents, car oui, Mr Mélenchon, il est des journalistes qui se remettent en question.

Vos propos sont blessants, ils pourraient être drôles. Quand vous affirmez que certains d’entre nous « vendent des barquettes de frites dans les supermarchés pour 1000 euros de l’heure », nous pourrions en rire. Mais après de telles atteintes à notre intégrité, non, franchement, nous n’avons pas ri. Car voyez-vous, Mr Mélenchon, vous qui déclariez en mars dernier que « la haine des médias était juste et saine », vous allez tellement loin que nous nous demandons quelles pourraient être les conséquences de tels propos. Si demain un ou une journaliste de Radio France se faisait physiquement agresser par une personne habitée d’une « haine juste et saine » et qui aurait mal interprété votre appel à « pourrir » des « abrutis », quelle serait alors votre réaction ?

« La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l’objet du débat ». Hannah Arendt.

(Re)lire sur ce blog:
- "Jean-Luc Iznogoud", 10.5.2018.
- "Le triste temps des suffisants", 27.8.2018

A lire:
https://www.nouvelobs.com/medias/20181018.OBS4134/ce-que-montre-la-sequence-de-melenchon-imitant-l-accent-d-une-journaliste.html
https://www.marianne.net/debattons/billets/perquisitions-pourquoi-l-attitude-de-melenchon-est-une-faute
https://www.huffingtonpost.fr/2018/10/17/melenchon-se-moque-de-laccent-du-sud-dune-journaliste_a_23563909/?utm_hp_ref=fr-homepage
https://www.lesoir.be/185681/article/2018-10-20/melenchon-appelle-pourrir-les-journalistes-de-france-info-des-propos-extrements
https://www.marianne.net/politique/conference-de-presse-post-perquisitions-jean-luc-melenchon-ou-le-retour-fracassant-de-la
https://www.marianne.net/politique/jesuisunabruti-chronique-d-une-nouvelle-guerre-entre-melenchon-et-les-medias

Post-scriptum: excellent billet de François Morel sur cette question ce 26 octobre:
https://www.franceinter.fr/emissions/le-billet-de-francois-morel

2 commentaires:

gabrielle a dit…

Vociférations, insultes, grossièreté, agressivité, outrances, appels à "pourrir" les magistrats et les journalistes (et un jour les lyncher directement en place publique?).
"Ne me touchez pas! Ma personne est sacrée!" Heu... sur ce point d'hystérie, les remèdes sont divers : Comédie-Française, thérapie, yoga, retraite anticipée, ...

Grégoire a dit…

"Ne pouvant avilir l'esprit, on se venge en le maltraitant." Pierre Augustin Caron de Beaumarchais
JLM m'intéressait parfois, à une époque où il était plus inspiré, plus dans le fond que dans la forme d'ailleurs. Mais notre époque est à l'insulte et à l'invective souvent sans qu'un quelconque talent oratoire teinté de culture y trouve sa place. Une émission passant suffisamment tard a vu, récemment, un chroniqueur, juriste de son état, et critique littéraire pour l'occasion, être qualifié de "grotesque" par l'une des invités, humoriste de profession (mais pas ce soir-là) et insultante pour l'occasion. "On n’est pas couché", puisque c'est de cette émission dont il s'agit, va paraît-il (je ne la regarde pas...) crescendo dans ce qu'on appelle communément les clashs. Le plus désolant, aux dires des spectateurs qui l'on vue et qui s'en plaignent sur les réseaux dits sociaux, c'est que l'animateur vedette n'a pas défendu son chroniqueur face une invitée outrageante. Réflexe de caste peut-être, puisqu'il s'agissait de critiquer le livre d'un autre animateur de télévision, présent lui aussi sur le plateau, et coupant la parole sans cesse au chroniqueur. Triste époque...