samedi 27 octobre 2018

Sacro-sainte bagnole

Que fait l'homme en cet automne qui n'en est pas un? Il se plaint. L'automobiliste trouve le prix du carburant trop cher. Et le paysan se désole de voir que ses champs ne produisent rien du fait de la sécheresse. Voilà les deux sujets qui ouvraient, l'un après l'autre, le journal de France 3 Centre - Val de Loire hier soir. Sans qu'il y ait de lien entre eux.

La colère gronde, nous dit-on, chez les automobilistes qui se voient pressés comme des citrons par le gouvernement. Ils contestent les taxes imposées sur le carburant. Même si la hausse des prix est moins le fait d'une augmentation des taxes que de celle du dollar et du prix du pétrole (1). 
Bien sûr, les gouvernements français successifs ont décidé d'augmenter les taxes sur le gasoil pour décourager l'usage de véhicules extrêmement polluants en particules fines. Et ça marche: les ventes de ces véhicules équipés de moteurs diesel s'effondrent. Mais les automobilistes sont en train de se mobiliser pour bloquer les routes et les stations-services. Bref, ils vont se mettre en grève. Espérons qu'elle dure longtemps.

On comprend mieux le désespoir des paysans face à leurs prairies et leurs champs asséchés. Les éleveurs sont obligés depuis des semaines de nourrir leur bétail avec du fourrage, faute d'herbe dans les prairies. Leurs réserves fondent à vue d'œil. Et les agriculteurs ne voient et ne verront sans doute pas pousser les céréales qu'ils ont plantées il y a des semaines. Il faut s'attendre à voir, dans les mois et même les années qui viennent, les prix agricoles flamber et les ressources des paysans diminuer. 

Mais d'où vient cette sécheresse (ces sécheresses) sinon du dérèglement climatique? Lui-même dû à nos consommations excessives et notamment à la pollution engendrées par les moteurs thermiques.
Les prix du carburant ne sont pas trop chers. Ils devraient être multipliés par trois ou quatre pour que nous changions enfin nos modes de vie. Combien n'en voit-on pas de ces personnes qui, quotidiennement,  prennent leur voiture pour faire quelques centaines de mètres parfois, un ou deux kilomètres tout au plus pour aller acheter leur journal ou leur baguette ou conduire leurs enfants à l'école? Combien encombrent les centres des villes, après avoir cherché un quart d'heure à se garer, avec des voitures-ventouses qui ne bougeront pas huit heures d'affilée? Combien laissent tourner leur moteur cinq, dix, quinze minutes, le temps de discuter avec des connaissances croisées dans la rue ou sur la place? Visiblement, le prix de l'essence n'est pas trop cher pour ces gens-là.
Il existe divers moyens de lutter contre la hausse des prix des carburants. C'est de rouler moins vite et plus souplement par souci tant économique qu'écologique. C'est aussi et surtout de prendre sa voiture individuelle de manière plus réfléchie - uniquement quand elle est indispensable (elle ne l'est pas souvent) - et de lui préférer, chaque fois que c'est possible, la marche, le vélo, les transports en commun, le co-voiturage. Encore faut-il, c'est vrai, que les pouvoirs publics mènent une politique cohérente en la matière, en rouvrant des voies, des arrêts, des lignes de bus, de tram et de chemin de fer, plutôt que d'en fermer comme c'est le cas aujourd'hui, tant en Belgique qu'en France.
A Argenton-sur-Creuse, la SNCF supprime des trains. En Wallonie, les TEC ont supprimé les bus du dimanche sur diverses lignes. Comment comprendre d'aussi stupides décisions? 

De plus en plus de villes se ferment et se fermeront aux moteurs les plus polluants. Comment faire autrement maintenant que la coupe est pleine? Mais il faudra bien aller plus loin.
Il y a quarante-cinq ans, c'était la première crise pétrolière. Les prix du pétrole avaient flambé et nos gouvernements avaient décrété les dimanches sans voiture. C'était l'heureux temps où les réseaux dits sociaux n'existaient pas et où les grognons se fédéraient plus difficilement. N'empêche qu'il y eut beaucoup de mécontents, fâchés de ne pouvoir aller en voiture à la pêche ou manger chez maman le dimanche midi. Mais il y eut aussi d'innombrables bienheureux, profitant du silence retrouvé le temps d'une journée et des espaces disponibles pour les tricycles, les vélos et les chevaux. Il faudra bien réfléchir, d'urgence, à des mesures de ce type si on veut éviter la catastrophe. Ou en tout cas l'amoindrir.

Vouloir un pétrole, une essence, un diesel bon marché est non seulement un "combat" d'arrière-garde, mais bien plus une attitude suicidaire. On sait depuis longtemps que les prix du pétrole, qui ont fait du yoyo un moment, sont appelés à s'élever inexorablement. Et notre planète ne peut souffrir plus longtemps des excès qui sont les nôtres. On sait que les véhicules individuels à moteur thermique sont condamnés à brève échéance. Et quoi qu'en pensent la Le Pen et le Dupont-Aignant (qui retrouvent une raison d'exister en soutenant les râleurs), ce sont des mesures fortes de lutte contre tous les facteurs qui participent au dérèglement climatique qui devraient être prises. Elles ne seront sans doute pas populaires. C'est pourquoi aucun élu, s'il veut le rester, n'ose les prendre. Mais nous n'y échapperons pas, un jour à l'autre, parce que le mur s'approche. Celui contre lequel nous buterons tous si nous n'acceptons pas de sortir de ce confort égoïste et destructeur dans lequel nous baignons encore. Mais plus pour bien longtemps.
Un climat rééquilibré sera tout bénéfice pour l'environnement, pour l'agriculture et donc pour nous-mêmes.

(1) https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/10/26/les-taxes-ne-sont-pas-la-premiere-cause-de-la-flambee-du-prix-de-l-essence-et-du-diesel_5375162_4355770.html


Aucun commentaire: