mercredi 8 janvier 2020

Les hommes du passé

En 2019, la France a connu quinze catastrophes, qu'on ne peut plus qualifier de naturelles, dont le coût est estimé à un milliard d'euros. (1) 
Si on est intelligent, on se dit qu'il y a urgence à changer de mode de vie. Mais nous avons sans doute cessé d'être intelligent. Et notre système démocratique basé sur les élections ne nous y aide pas. Les élus, de quelque bord qu'ils soient, souhaitent avant tout garder leur poste. Et sont, dès lors, très frileux quand il s'agit de prendre des décisions qui risquent de les rendre impopulaires.

L'Australie est en feu depuis août dernier. Déjà, une surface équivalente à celle de la Belgique a été ravagée par les flammes. Et le pire est à venir, selon des experts. Les morts sont nombreux chez les humains et innombrables chez les animaux. Le pays a connu des précipitations et des températures records (49,8°C le 19 décembre), engendrées, selon les spécialistes, par le dérèglement climatique qui est aussi la cause de vents violents.
Entre le 1er août et le 16 décembre 2019, "les feux de brousse qui ravagent l'Australie ont libéré 270 millions de tonnes de CO2 dans l'atmosphère, ce qui représente un peu moins de 10% des émissions globales du pays sur la même période". (2) 
Toute personne sensée se dirait qu'il faut prendre des mesures radicales et rapides pour diminuer les causes du réchauffement climatique. Fermer les mines de charbon notamment, l'Australie produisant un tiers des exportations mondiales de ce minerai. Cette hypothése est vue par le premier ministre comme "irresponsable" et "nuisible à l'économie". Le feu aussi est irresponsable et nuisible à l'économie. Mais le premier ministre a promis de "maintenir le cap d'une gestion responsable en abordant de manière responsable les changements du climat et en veillant de manière responsable à ce que nous puissions faire croître notre économie" (3). Des propos - tenus au retour de ses vacances à Hawaï - qu'on ne saurait qualifier autrement que d'irresponsables.

L'Australie n'est pas, loin s'en faut hélas, le seul pays touché par les incendies. "2019 fut le théâtre d'une activité exceptionnelle, tant en termes d'intensité des feux de forêts que d'émissions, avance le CAMS (service de surveillance de l'atmosphère du programme européen Copernicus). Entre le 1er janvier et le 30 novembre, environ 6.735 millions de tonnes de CO2 ont été relâchées dans l'atmosphère. Outre l'Australie, d'importants incendies ont touché l'Amazonie, l'Indonésie, mais également la Syrie, faisant peser des inquiétudes sur la sécurité alimentaire de ce pays déjà fragilisé. Et au mois de juin, les feux de forêts du Cercle polaire arctique ont également été sans précédent en termes d'emplacement, d'ampleur et de durée." (2)

Pendant que la Terre part en fumée, des parents d'élèves s'indignent que leurs enfants, lors d'un spectacle de Noël, puissent porter un message écologique. Ils produisent du pétrole et n'envisagent pas une seconde qu'on puisse ne pas en consommer. Suite à la représentation du spectacle Santa goes green par ses élèves, la directrice de cette école du Saskatchewan a présenté ses excuses aux parents: il ne faut y voir "aucun message hostile à l'industrie pétrolière ou gazière", importante dans cette région. Les industries devenues traditionnelles sont sacrées. Les habitants du Saskatchewan y croient plus qu'au réchauffement climatique. En 2016, 56% d'entre eux seulement croyaient que ce dernier  puisse être une réalité (4).

De l'autre côté du Canada, l'industrie du sapin de Noël se porte bien. Dubaï en achète en quantités industrielles. Ils y arrivent par bateau en conteneurs réfrigérés. Ils se vendent bien à New York aussi: jusqu'à 1.000 dollars pièce, alors qu'ils ne coûtent que 150 dollars à Montréal ou à Québec.
La province de Québec est un des principaux producteurs mondiaux de sapins de Noël: en 2018, 3,9 millions de sapins ont été exportés, pour un montant de 43 millions de dollars (5). Faire voyager à travers la planète des arbres en frigos, voilà une pratique qui donne envie d'en finir avec Noël. 

Dans l'Union européenne, selon sa Commission, le transport routier de marchandises devrait croître de 60 % d'ici 2050 (6). Où fera-t-on rouler tous ces véhicules qui augmenteront considérablement un niveau de pollution que l'Europe s'est engagée à juguler?

"L'avenir appartient à Greta Thunberg et à sa génération. Ces types actuellement au pouvoir aux Etats-Unis, en Angleterre, au Brésil, ne sont que des losers, des représentants d'un monde et d'un système en bout de course. Ils vivent dans le passé, croyant qu'ils peuvent arrêter la marche du temps. Il existe un décalage de plus en plus grand entre nos leaders et le peuple, surtout les jeunes. Ça ne peut plus durer." Neil Young (7).

(1) Journal de 13h, France Inter, 27.12.2019.
(2) "2019, une année exceptionnelle pour les feux de forêt", Le Soir, 20.12.2019.
(3) "Pour le Premier ministre australien, le charbon à tout prix", Le Soir, 24.12.2019.
(4) https://www.huffingtonpost.fr/entry/un-pere-noel-ecolo-lors-dun-concert-provoque-un-tolle-dans-une-ville-petroliere-canadienne_fr_5e029d15e4b0843d36020b01?utm_hp_ref=fr-homepage
(5) Ludovic Hirtzmann, "Les profits délirants des vendeurs de sapins québécois", Le Soir, 24.12.2019.
(6) Elodie Lamer, "L'accord sur le dumping social crée la polémique", Le Soir, 24.12.2019.
(7) Hugo Cassavetti, "L'Indompté", Télérama, 6.11.2019.

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