samedi 18 juin 2022

Dernière ligne droite (ou gauche ?)

Deuxième tour des élections législatives françaises demain. Le président Macron aura-t-il la majorité ? Devra-t-il composer avec d'autres formations politiques ? Il y a urgence à prendre des mesures radicales pour le climat. Pour cela, on ferait plutôt confiance à la Nupes, même si elle compte sur une relance de la consommation pour financer ses projets, ce qui paraît plutôt contradictoire avec une politique énergétique sobre. Pour une politique internationale apaisée et une progression de l'Union européenne, on compte plutôt sur Ensemble mené par Macron. Bref, une coalition entre le centre-droite et la gauche serait l'idéal. Mais, on l'a dit déjà, la France ne fonctionne que par opposition et clivage.
La preuve en cette semaine de second tour où les uns et les autres se sont traités de tous les maux. Nadia Pantel, dans le Süddeutsche Zeitung (1), constate que le parti présidentiel s'est refusé à appeler les électeurs à faire front contre l'extrême droite, alors que, rappelle-t-elle, de très nombreuses voix de gauche ont fait barrage à la Le Pen et permis à Macron d'être réélu. "Mélenchon est un populiste, écrit-elle, il est souvent agressif et ses opinions concernant l'Europe et la politique étrangère, qui reposent essentiellement sur la haine des Etats-Unis, semblent ne pas avoir été revues depuis les années 1980. Mais Mélenchon n'est pas l'héritier d'un parti fasciste comme Le Pen."
"L'homme est démago et méprisant, certes, lui répond en écho Dorian de Meeûs dans La Libre Belgique (2), mais particulièrement malin et tenace. Peu d'observateurs ont vu ce vieux renard de la politique tenir bon. Mélenchon élève le culot au rang d'art." Par exemple, en appelant les Français à l' "élire" premier ministre, ce qui est une "aberration constitutionnelle". Mais Macron lui a laissé un boulevard. De diverses manières. "L'interminable formation de son gouvernement a laissé un vide surexploité par un Jean-Luc Mélenchon déchaîné, dont le culte de la personnalité, la paranoïa et les provocations ont occupé tout l'espace." Mais Emmanuel Macron a aussi lui-même donné des armes à Mélenchon chantre d'une VIe république. Il avait promis une réforme du droit électoral, mais n'a rien fait, rappelle Nadia Pantel. "Il a préféré  expérimenter des formes de démocratie directe qui n'ont mené à rien. Comme la Convention citoyenne pour le climat. S'il avait vraiment fait preuve de courage ou simplement d'un peu de détermination à propos du climat, la Nupes serait moins forte aujourd'hui."

Ceci dit, aucune de ces deux formations politiques n'a pu triompher au premier tour. Le parti présidentiel a dégringolé par rapport à ses résultats de 2017, passant de 31,2% à 25,77. Et la gauche est restée stable avec un total de 26% en 2017, quand toutes ses composantes se présentaient isolément, et 25,66% aujourd'hui où elle s'est présentée unie. Par contre, le RN-ex-FN a progressé de 13,2% à 18,6. Pourcentage auquel il faut ajouter 4,2%, le score (même s'il est piètre) de Reconquête, le parti de Zemmour (dont la carrière politique aura sans doute été un feu de paille) (3). Bref, l'extrême droite est à près de 23% aux législatives, après avoir totalisé 32,15% au premier tour de l'élection présidentielle et 42% au second.
Autre constat inquiétant au premier tour : comme annoncé, la participation fut faible, voire calamiteuse. Moins de 50 % des Français ont été voter. Seuls 30% des moins de 35 ans se sont rendus dans les bureaux de vote.
Le système majoritaire des élections françaises laisse de côté les perdants. De ce fait, les assemblées d'élus reflètent très mal l'état de l'opinion. "Voilà pourquoi, écrit François Brousseau dans Le Devoir (4), cette grande et vieille démocratie, fondatrice de la nation moderne incarne si mal la distance qui s'est creusée au fil des ans entre le peuple et sa représentation politique." 

(1) Nadia Pantel, "Arrêtez de crier au loup, M. Macron !",  Süddeutsche Zeitung (Munich), 13.6.2022, in Le Courrier international, 16.6.2022.
(2) Dorian de Meeûs, "Quel culot M. Mélenchon !", La Libre Belgique, 12.6.2022, in Le Courrier international, 16.6.2022.
(3) Paul Ackermann, "L'extrême droite, l'autre vainqueur", Le Temps (Genève), 13.6.2022, in Le Courrier international, 16.6.2022.
(4) François Brousseau, "La France face à un malaise démocratique", Le Devoir (Montréal), 13.6.2022, in Le Courrier international, 16.6.2022.

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