jeudi 16 juin 2022

Passion triste

C'est une vraie question : mais pourquoi donc en France le président de la République, une fois élu, réélu dans ce cas-ci, doit-il remplacer son gouvernement pour une durée de quelques semaines en attendant les législatives ? En intimant l'ordre à ses néo-ministres de se faire élire ou réélire sous peine de devoir démissionner. Pourquoi n'attend-il pas le renouvellement de l'Assemblée nationale pour nommer ses ministres ? Ce système n'a aucun sens, non ? Ne serait-il pas plus cohérent d'organiser d'abord les législatives, puis la présidentielle ? Ne faudrait-il pas en finir avec ce régime présidentiel monarchique qui donne à la démocratie française une allure pyramidale et qui amène les Français à tout attendre de leur président et à le rendre responsable de tout ce qui dysfonctionne dans leur vie quotidienne ?
Le système à deux tours est peu démocratique, très peu par rapport au système proportionnel. Une seule opinion politique emporte la mise même si elle gagne d'un chouïa.
Il serait temps que la France sorte de la verticalité et de la dichotomie et entre dans une culture du compromis.

En 2014, Thomas Legrand, éditorialiste à France Inter, l'écrivait déjà (1) : les législatives à la suite de la présidentielle sont régies "par le fait majoritaire qui fige les forces politiques dans la bipolarité et dans l'opposition frontale, générale et systématique, entre elles".
François Hollande, de son côté, constatait que "dans d'autres pays, ils y vont fort pendant les campagnes, mais ils se disent Attention, on va peut-être être obligés de se retrouver après !" alors qu'en France vous combattez en vous disant toujours De toute façon, toi, je te trouverai toujours en face de moi, jamais avec moi... Et ça c'est à cause du mode de scrutin."
Thomas Legrand proposait alors de dé-hystériser l'élection présidentielle, de retirer au président la possibilité de nommer le Premier ministre et le gouvernement et de faire en sorte que l'exécutif procède du parlement et non plus du directement du président. En France, constatait-il, on préfère "l'affrontement au compromis, la bataille des hommes à celle des idées".
Aujourd'hui, il semble que le deuxième tour des législatives se résume à un choix entre Macron et Mélenchon, les idées - et même les candidats de terrain - semblent très secondaires, alors que les enjeux par rapport à l'Union européenne, aux autocraties, au populisme, au réchauffement climatique, à l'avenir de la planète sont cruciaux. Mais on se passionne pour un match de catch. 

(1) Thomas Legrand, "Arrêtons d'élire des présidents !", Stock, 2014.
(Re)lire sur ce blog "Monarchie française", 14.6.2020.

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