mardi 28 juin 2022

Illégal toi-même

Boris Johnson et son équipe sont de grands enfants : ils jouent avec les "illégaux" à "Une, deux, trois, soleil". Si un demandeur d'asile "illégal" est surpris sur le sol britannique, hop!, il doit reculer de six mille kilomètres : envoyé au Rwanda. Pourquoi le Rwanda ? Parce que le gouvernement britannique a signé en avril dernier un accord avec ce pays pour y délocaliser les exilés arrivés "illégalement" au Royaume-Uni. C'est là, au Rwanda, que seront traitées, selon les critères rwandais, les demandes d'asile. Si elles sont acceptées, les réfugiés pourront vivre au Rwanda. Ce pays ne les intéresse nullement ? Ils n'y connaissent personne ? N'en parlent pas la langue ? Tant pis pour eux, ils n'avaient qu'à pas arriver illégalement en Grande-Bretagne.  Le premier avion devait décoller il y a une dizaine de jours, mais, en dernière minute, la Cour européenne des Droits de l'Homme l'en a empêché, estimant qu'existait "un risque réel de préjudice irréversible" pour les migrants concernés. 
Au départ, cet avion devait emmener 130 personnes (dont 18 Syriens  - qui ont sans doute osé fuir illégalement la guerre qui continue à sévir dans leur pays, 14 Iraniens et 9 Afghans), mais grâce aux recours individuels déposés par des ONG, seules 7 "indésirables" devaient finalement s'envoler pour le Rwanda. Coût de l'opération :  l'équivalent de 583.000 €. L'avion n'a donc pas décollé, mais la ministre britannique de l'Intérieur l'affirme : "on ne nous découragera pas !". 

Les ONG, les travaillistes, certains conservateurs sont vent debout contre cette politique d'éloignement forcé. L'Eglise anglicane aussi qui parle d'une "politique immorale" qui "couvre le Royaume-Uni de honte". Le Prince Charles est sorti de son devoir de réserve, se disant "consterné" et affirmant que "l'approche du gouvernement est épouvantable".
Mais rien n'arrêtera Boris Johnson, qui essaie de faire oublier sa calamiteuse gestion du Covid, ses réunions festives en plein confinement et la motion de censure à laquelle il vient d'échapper. Si la Cour européenne des Droits de l'Homme continue à lui mettre des bâtons dans les roues, il est prêt à la quitter. Histoire de pouvoir agir sans égard ni pour la légalité, ni pour la moralité.

Ava Roussel, "Délocalisation de réfugiés - L'obstination de Boris Johnson", Charlie Hebdo, 22.6.2022.

1 commentaire:

Bernard Tomasi Debeire a dit…

Certes, certes. Reste qu'il lui sera beaucoup pardonné - par moi en tout cas - pour son soutien à l'Ukraine. Et même si il y rentre un calcul politique évident, il n'en demeure pas moins que son engagement contraste singulièrement les frilosités, pour dire gentiment, de certains dirigeants continentaux.