vendredi 17 février 2023

Fête du bruit

Il fut un temps où les Belges étaient fascinés par les capacités oratoires des élus français. Les débats, qui pouvaient être vifs, semblaient voler haut et les mots et les formules qui les portaient apparaissaient ciselés. Où sont les neiges d'antan ? Ces derniers jours, à l'Assemblée nationale française, les députés de LFI ont des talents de supporteurs de foot. D'ultras même. Leur objectif ne semble pas être que leur équipe gagne, mais d'envoyer un maximum d'injures et que leur adversaire perde.
Voilà trois jours, ils poussaient des cris de joie et entonnaient dans l'enceinte de l'assemblée une chanson pour avoir réussi, avec la droite et l'extrême droite, à empêcher un index des seniors dans les entreprises (1). Une mesure pourtant soutenue par les syndicats. Mais les députés LFI s'en moquent, leur seul objectif est de faire barrage au gouvernement. Qui gagne, qui perd à ce jeu idiot ? Tout le monde. On entendra demain les mêmes élus, pas gênés, pointer du doigt les entreprises qui n'embauchent pas de seniors. Comment s'étonner que les syndicats prennent leurs distances avec l'attitude de nombreux élus incapables d'être dans le débat, seulement dans le combat ? Un combat qui semble n'avoir plus de règles. On a vu un député LFI poser en photo le pied sur un ballon figurant la tête coupée du ministre du travail. Un autre traiter le même ministre d'assassin et les membres du gouvernement de monstres. On assiste, comme le disait un intervenant hier dans l'émission 28 minutes,  à une brutalisation du débat dans une ambiance populiste. Un élu communiste a invité ses collègues à opposer des arguments, pas à lancer des insultes. Les injures et les attitudes grossières avaient jusqu'à présent, constatent les historiens, plutôt été le fait d'élus d'extrême droite. Mais la culture  (ou l'inculture) des réseaux dits sociaux et de l'émission d'Hanouna le cuistre semblent avoir déteint sur de nombreux élus de la Nupes. Le bruit médiatique et les formules à l'emporte-pièce censées faire le buzz l'emporte sur l'échange d'arguments.

La réforme des retraite - que le déséquilibre démographique et le déficit public considérablement augmenté par la crise de la Covid et la guerre d'Ukraine rendent indispensable sous une forme ou une autre - méritent des débats d'une autre tenue.
"Dans la conjoncture actuelle, écrit Le Monde (2), le mauvais spectacle donné par LFI est contre-productif à tous égards. Il alimente la défiance vis-à-vis des institutions au moment où le Parlement, longtemps marginalisé, cherche, au contraire, à redorer son blason. Il renforce, par contraste, la notabilisation des 88 élus du Rassemblement national (RN) qui jouent, derrière Marine Le Pen, les députés modèles. Il contrarie la stratégie de l’intersyndicale qui mène, depuis le 19 janvier, dans la rue, une action de contestation puissante et pacifique. Il donne enfin des arguments au gouvernement qui, en accusant LFI d’actionner « le chaos et la violence », cherche à se débarrasser de l’accusation originelle d’avoir voulu brider le débat, ce qui est au demeurant contesté."
Mais visiblement le gourou MelenChe persiste et signe. Le bruit, la fureur et la "bordélisation" appartiennent à sa stratégie (3). On a connu plus visionnaire.

(1) https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/02/15/reforme-des-retraites-le-gouvernement-subit-son-premier-revers-a-l-assemblee-nationale-qui-rejette-l-index-seniors-dans-les-entreprises_6161840_823448.html
(2) https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/02/15/reforme-des-retraites-le-jeu-dangereux-de-lfi_6161885_3232.html
(3) https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/02/15/au-fil-des-debats-sur-la-reforme-des-retraites-la-france-insoumise-au-defi-de-depasser-sa-culture-de-l-outrance_6161855_823448.html


2 commentaires:

Bernard De Backer a dit…

LFI est une honte. Et, un comble, elle "fait le lit du Rassemblement national" pour reprendre l'expression consacrée. Un peu comme, beaucoup de choses étant inégales par ailleurs, le parti communiste allemand a favorisé la montée du parti national-socialiste dans les années 1930, pour affaiblir les sociaux-démocrates sur ordre de Staline.

Michel GUILBERT a dit…

Oui, une honte ! Et en Belgique on voit les extrêmes grimper dans les sondages. Inquiétante époque !