lundi 10 octobre 2011

Gentils dictateurs

Pourquoi l'extrême gauche et l'extrême droite ont-elles tant de sympathie pour les dictateurs? On se le demande. Car on le constate.

Pour certains militants d'extrême gauche, c'est un Occident avide de pétrole qui a soutenu des va-t-en guerre lybiens contre un colonel Kadhafi qui est loin d'être le monstre qu'on essaie de faire croire qu'il est. Et son collègue Bachar El Assad a multiplié les gestes d'ouverture, ouvrant peu à peu son pays à la démocratie, sans être compris par certains Syriens assoiffés de pouvoir. C'est que l'Occident entend, en soutenant les opposants lybiens et syriens, s'attaquer au nationalisme arabe, voilà l'explication. Il s'agit de faire tomber un président syrien qui incarne "le front du refus face à l'ordre impérial".
Le président iranien Ahmadinedjad bénéficie aussi de leurs sympathies. Ils entendent nous le démontrer en publiant ses discours truffés de références à dieu qui est à l'origine de toute chose, discours dès lors incompréhensibles, échappant à toute (notre) logique, truffés de syllogismes, véritable monuments d'obscurantisme et d'hypocrisie.
Le président biélorusse Loukachenko a aussi droit à leur soutien. Et si une manifestation de l'opposition a été réprimée, c'est parce que celle-ci a contesté le résultat d'une élection qu'elle suppose frauduleuse. On comprend par là qu'elle n'avait pas à contester. (1)

Pour cette extrême gauche, tout le monde ment. Sauf elle, bien entendu, à qui on ne la fait pas. Elle seule connaît et dit la vérité - c'est ce qu'on doit comprendre, puisque ces observateurs et analystes se posent en contrepoint des médiamensonges. Toute la presse est qualifiée d'industrie de la désinformation. Un ministre de la défense devient un ministre de la guerre. On est dans le même registre que l'extrême droite. Le même type de vocabulaire outrancier, les mêmes termes simplistes et insultants. Le même tous dans le même sac. Il suffit qu'un dictateur soit anti-américain pour qu'il devienne sympathique, même si on lui reconnaît parfois quelques excès. Et les peuples de ces dictateurs ont tort de se révolter plutôt que d'utiliser la voie légale et démocratique. De toute façon, les opposants de dictateurs anti-américains sont forcément suspects. Surtout d'être manipulés par les Américains. L'anti-américanisme sert d'idéologie à une extrême gauche qui, entre un dictateur qui s'oppose à l'épouvantail yankee et son peuple qui souffre, a choisi son camp, celui de son allié dans ce qui vire à la haine viscérale de l'Occident. Le peuple, lui, ne compte guère. Malgré les souffrances et les violences qu'il subit.

L'extrême droite agit de même. Le Front national français aime autant l'Iran d'Ahmadinejad que l'Irak de Saddam Hussein. Dans "Marine Le Pen" (2), Caroline Fourest et Fiammetta Venner rappellent que le Le Pen père s'est rendu à l'ambassade d'Iran à Paris en février 2009 pour y célébrer le trentième anniversaire de la Révolution islamique. "Je me suis toujours rangé derrière les nations libres qui n'acceptent pas le diktat d'autres pays", expliquait celui qui était alors encore président du FN et qui, lors de la première Guerre du Golfe, avait publié une déclaration de soutien au président irakien qu'il considérait comme "un dictateur libéral". Les deux journalistes racontent que lors d'une soirée costumée, à cette même époque, chez les Le Pen, les "yankee go home!" fusaient. Comme dans la meilleure tradition de l'extrême gauche. Le Pen, rappellent-elles, était proche des Mobutu, Hassan II, Omar Bongo, Houphouët-Boigny, dictateurs autoritaires et nationalistes. Comme le régime chinois, constatent-elles, le FN met en avant la souveraineté des Etats, le droit de chaque chef d'Etat ou de gouvernement de faire ce qu'il veut chez lui.
En Côte d'Ivoire, au lendemain des dernières élections présidentielles fin 2010, Marine Le Pen a pris le parti du vaincu: Laurent Gbagbo. L'ex-président, nationaliste, est l' inventeur du sanglant concept d'ivoirité qui, comme le soulignent les deux journalistes, s'apparente à celui de préférence nationale.

Ces dernières années, plusieurs dictateurs sont tombés. On s'en réjouit. Mais on entend bien que ceux qui tiennent encore trouvent des soutiens aux deux extrémités de l'échiquier politique.

(1) En ce 10 octobre 2011, explique Amnesty International Belgique, le Bélarus a été choisi comme pays cible de la principale action pour cette Journée mondiale contre la peine de mort, (...) en raison du secret qui entoure le recours à la peine de mort dans ce pays". Une pétition appelle le président Loukachenko à instaurer un moratoire sur les exécutions et à commuer toutes les condamnations à mort et à franchir ainsi une première étape vers l'abolition de la peine capitale dans le pays". Pétition à l'adresse suivante: www.isavelives.be/fr/node/7897
(2) Grasset, 2011

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