mardi 17 février 2015

La fable du loup et du rap

Les chasseurs sont des hommes comme les autres. C'est pourquoi quand vous en apercevez deux avec leurs gilets fluos, dans un fossé sur le bord de la départementale, vous levez le pied. Pour passer à 50 km/h, guère plus. Mais voilà que leur chien se jette sous vos roues, comme sur un vulgaire faisan. Vous freinez pile, évitant de peu le canidé. Les chasseurs vous insultent aussitôt (1). Ils pourraient vous remercier d'avoir épargné leur chien qu'ils ne savent pas maîtriser, mais non, c'est vous qui avez tort. Alors que les chasseurs ont toujours raison.
Un exemple: ils demandent au Ministère de l'Environnement de classer comme "nuisibles" toute une série d'animaux, mais sont déjà convaincus que leur liste sera attaquée "par les Associations nationales dites de protection de la nature qui bénéficient de subventions du même ministère qui rédige cet arrêté" (2). Les chasseurs sont des malins, ils ont tout compris: "c'est peut-être pour ça que nos dirigeants souffrent de calvitie... à force de marcher sur la tête", disent-ils. Que font les coiffeurs? Leur activité est menacée par la marche inversée des ministres.
Et que se passe-t-il alors que les capilliculteurs doivent fermer boutique? "Pendant ce temps, les fouines détruisent l'isolation dans les maisons, les oiseaux qui nichent dans les arbres creux; les pies et les geais s'occupent des nids de mésanges, de pinsons et de chardonnet (sic)... Et que dire du loup?", s'interroge avec un sens de l'à-propos qui lui est propre la Société communale de chasse de Lignac (Indre) (2). Voilà une question qu'on avait oublié de se poser, tant on est préoccupé par l'avenir des salons de coiffure. Et on a bien tort, car il y a de quoi être inquiet. "Le loup, protégé par la convention de Berne, auteur, cette année, de 8 attaques sur les troupeaux et qui est en train d'envahir la France en se déplaçant de 150 kms par an. Sachant que les attaques ont été recensées dans le Cantal et l'Aveyron, nous aurons des loups dans moins de 10 ans."
On comprend par là que les chasseurs ont le sens de la métaphore. Le loup, c'est évidemment l'extrême droite qui étend son emprise dans l'est et le sud de la France. Les chasseurs ont raison de nous mettre en garde. Il faut rejeter le Front national et plutôt voter pour les Verts (ce que laisse entendre leur souci des petits oiseaux). Remerciera-t-on assez les chasseurs pour leur vigilance?
Mais le loup n'est rien encore. Il y a bien pire que lui, la situation est alarmante, poursuit la Société communale de chasse de Lignac: "dans quelques années, les canadairs auront remplacés les brebis et les enfants s'endormiront en écoutant du rap plutôt que la chèvre de Monsieur Seguin". Ce qui amène les chasseurs à se poser cette question pleine de bon sens: "et qui paie la note de tout cela: le contribuable".
Et là, brutalement, la lumière se fait dans nos esprits: ainsi donc, c'est nous, braves contribuables qui payons la note du loup, des canadairs et du rap. Je crois que vous en serez d'accord (comme disait Charb), il faut qu'on cesse de nous prendre pour des pigeons et si ça continue, ça va cesser. Mais, au fond, que fait la police? A-t-elle autant de clairvoyance que les chasseurs? On se le demande.

(1) à l'entrée de Rosnay, ce 16 février après-midi.
(2) "Lignac.com", bulletin municipal, 2015.

1 commentaire:

gabrielle a dit…

"Les Canadairs auront remplacé les brebis". "Les enfants s'endormiront en écoutant du rap plutôt que la chèvre de M. Seguin"...

Merci de nous faire rire aux larmes avec ces deux grands moments de métaphysique et lyrisme municipaux.