vendredi 25 novembre 2016

Bande de casseurs

Qui pourra enrayer cette contre-révolution conservatrice et nationaliste qui se répand tel un virus? Quels arguments peuvent être invoqués (et entendus) pour entraver cette progression de ce qui apparaît comme une marche arrière à vitesse grand V?
En Pologne, en Hongrie, en Grande-Bretagne, en Turquie, en Moldavie, en France, aux Etats-Unis, en Russie, le rouleau compresseur écrase les droits politiques et sociaux.
Pour gagner des élections, se présenter comme le candidat anti-système semble très à la mode. Sans réussir à tous. Nicolas Bling Bling Sarkozy a dû comprendre que, après avoir été président de la République, ministre, parlementaire et maire, après avoir affiché tous les signes matériels de la réussite, on ne peut plus faire semblant de ne pas avoir été un membre actif et choyé de ce fameux (et indéfini) système.
Dingo Trump, lui, a réussi. Même en étant milliardaire, même en possédant un véritable empire économique et  financier, même en organisant son propre système pour échapper au fisc, même en ayant poussé dans la misère des milliers (au moins) d'Américains. Il a largement perdu le vote populaire aux élections (de plus de deux millions de voix) mais a acquis une large majorité de grands électeurs, ceux-là même qui constituent un système.
Trump est l'incarnation même d'un système. Un système qui méprise, qui écrase, qui broie, au nom de l'argent. Trump le suffisant est l'incarnation même d'un capitalisme sans foi ni loi. D'une indécence sans nom. "Le lendemain des élections, écrit Laure Murat (1), les actions des deux plus grandes compagnies gérant des prisons privées (système que Hillary Clinton voulait abolir) ont bondi. Corrections Corporations of America a pris 49% et GEO Group Prison 21%. Bienvenue à Trumpland." La directrice du Centre d'Etudes européennes et russes à l'UCLA cite ces propos du philosophe et psychanalyste français Félix Guattari: "De même que les algues mutantes et monstrueuses envahissent la lagune de Venise, de même les écrans de télévison sont saturés d'une population d'images et d'énoncés dégénérés. Une autre espèce d'algues relevant, cette fois, de l'écologie sociale consiste en cette liberté de prolifération qui est laissée à des hommes comme Donald Trump qui s'empare de quartiers entiers de New York, d'Atlantic City, etc. pour les rénover, en augmentant les loyers et refouler, par la même occasion, des dizaines de milliers de familles pauvres, dont la plupart sont condamnées à devenir homeless, l'équivalent ici des poissons morts de l'écologie." Ces phrases sont extraites de son ouvrage "Les trois écologies" qui date de 1989. Il y a vingt-sept ans. Qui peut dire qu'il ne savait pas que Donald Trump est au service du système capitaliste dans toute son horreur et son inhumanité? Qui n'imagine pas qu'avec la liberté qui lui est donnée via son statut de président son système va proliférer dans l'ensemble des Etats-Unis et bien au-delà avec les pires conséquences qu'on puisse imaginer?

En France, les deux ténors de la droite, qui s'affronteront dans les urnes dimanche, veulent changer le système. Pour éviter les questions qui le dérangent, François Fillon fustige le système des journalistes. Il en parle comme de l'Inquisition. L'homme qui s'est forgé une image caricaturale du candidat de droite considère que les analyses des journalistes à son égard sont de la caricature. Il en a assez d'assister "à un déchaînement ridicule du petit microcosme parisien qui croit tout savoir". Parce que lui, contrairement aux journalistes, connaît le peuple.
Je connais bien les Français, dit-il. j'ai entendu leur détresse. C'est pourquoi il propose de supprimer l'impôt sur la fortune et 500 000 emplois de fonctionnaires (2), d'augmenter la durée hebdomadaire du temps de travail et la TVA, de reculer l'âge de la retraite, de réserver les remboursements de sécurité sociale aux maladies graves. La France alors ira mieux. François Fillon a le talent d'un médecin dans une comédie de Molière qui recommande une longue purge pour améliorer l'état du malade. Dans quels secteurs entend-il supprimer 500 000 emplois? Dans l'enseignement, dans la police, chez les pompiers, dans les hôpitaux, à la Poste? Dans tous ces secteurs qui se plaignent déjà de manque de moyens et de personnel?
Dans quel système vit donc François Fillon? Quelle caricature se fait-il des attentes des Français? De quel système a-t-il entendu la détresse?
"Parce qu'il n'y a pas de système au singulier, personne ne peut s'arroger le qualificatif d'antisystème, écrit Guillaume Erner dans Charlie Hebdo (3). Le propre d'une société démocratique, c'est d'abriter en son sein différentes forces, sans que l'on parvienne jamais à situer le pouvoir en un lieu unique. Qui gouverne? Le peuple, les électeurs, la finance, etc. Ces différents groupe sont en concurrence pour le pouvoir, ils l'exercent en jetant leurs forces respectives dans la bataille. (...) Ce qui compte, c'est de démasquer la supercherie des antisystème. (...) Et la ruse de ces antisystème, au bout du compte, c'est de faire croire que le système existe, pour mieux le renforcer."
Finalement, l'objectif des anti-système semble bien être de casser. Casser les acquis sociaux, casser les avancées positives, casser les solidarités.

(1) http://www.marianne.net/caricature-inquisition-bouclier-anti-questions-qui-fachent-fillon-100248111.html
(2) Entendus dans un journal de France Inter ce jour, ces "Jeunes avec François Fillon" qui hurlent de joie en l'entendant dans le débat d'hier répéter qu'il veut supprimer 500 000 emplois de fonctionnaires... C'est donc réjouissant? De quel type de société rêvent ces jeunes? D'une société sans écoles publiques, sans hôpitaux publics, sans justice, sans police, sans cantonniers, sans administration? Une société privatisée où tout se paie? Quel âge ont ces jeunes? Quele idée se font-ils des rapports entre citoyens?
(3) "Contre le système, tout contre", Charlie Hebdo, 23 novembre 2016.

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