mardi 8 novembre 2016

La démocratie et les crétins

Quelques heures d'angoisse encore et nous saurons. Nous saurons si le monde entier doit craindre le pire. Ce qui sera le cas si Dingo Trump devient président des Etats-Unis.
Une (trop) longue campagne de haine et de folie furieuse se termine. Sur quoi débouchera-t-elle? Si le candidat républicain s'est montré un peu moins abject ces derniers jours, c'est qu'il est contrôlé de près par son équipe de campagne qui lui a interdit de gérer lui-même son compte Twitter de crainte de nouveaux dérapages. Come le dit Barak Obama, quel confiance peut-on avoir en un homme aussi incapable de se maîtriser qui pourrait avoir demain la responsabilité d'utiliser ou non l'arme atomique? (1)

La candidature de Dingo pose question par rapport à la démocratie. On entend les politologues, les économistes, les journalistes nous expliquer que les électeurs de Trump sont les oubliés du "système", que la classe moyenne américaine et plus encore le prolétariat souffrent, qu'il suffisait autrefois d'un emploi pour faire vivre une famille quand il faut aujourd'hui deux, si pas quatre. Même si ces explications peuvent justifier un ressentiment et une envie de changement, aucune ne nous permet de comprendre pourquoi ces électeurs font le choix d'un candidat qui aurait plus sa place dans un hôpital psychiatrique qu'à la Maison blanche.
Faudra-t-il à l'avenir faire passer un test pyschologique aux candidats aux élections? Peut-on les laisser mentir impunément? Les laisser insulter tous ceux qui ne sont pas et ne pensent pas comme eux? En Europe, et ailleurs, toutes ses outrances auraient disqualifié Dingo Trump qui aurait rapidement été condamné par des tribunaux, mais pas aux Etats-Unis où la liberté d'expression est sans limite.

Comment un personnage aussi repoussant peut-il attirer tant d'électeurs? "En Israël, il séduit aussi", indique un article de Ha'Aretz (Tev-Aviv) (2), où certains se disent que Trump vaut quand même mieux qu'une femme ou qu'un Noir. Sans doute la même raison vaut-elle aux Etats-Unis. Le succès de Trump, c'est - notamment - la revanche de cette Amérique blanche qui a toujours haï ce président noir qui a en outre l'outrecuidance d'être un intellectuel et un homme élégant. Plutôt une brute stupide pourvu qu'elle soit masculine et blanche. Mais Trump est aussi un "révélateur du déclin de l'école américaine", estime the Daily Beast (New York) (3) Le journal constate que plusieurs enquêtes font apparaître que les millenials (les jeunes nés avec Internet) "n'ont pas seulement été privés d'une alphabétisation culturelle cruciale à l'école, comme les générations précédentes, mais ils méprisent la curiosité intellectuelle et la culture livresque". Ce que dénonce un professeur d'anglais de l'université Emory dans un ouvrage de 2008 intitulé The Dumbest Génération (Génération de crétins): "pour les jeunes Américains, écrit Mark Bauerlein, la vie n'a jamais été aussi généreuse, les biens aussi abondants, les études aussi accessibles et les libertés aussi fécondes. Les gains matériels sont évidents. (...) Mais ce sont des avancées superficielles. Comme le montrent les résultats des enquêtes, les connaissances et les aptitudes n'ont pas progressé au même rythme et les habitudes intellectuelles qui vont avec ne sont plus ce qu'elles étaient."
Les Dingo Trump, on l'a assez (?) dit ici, se multiplient, y compris en Europe où les leaders politiques aux analyses simplistes et aux programmes dangereux s'installent au pouvoir ou grimpent dans les sondages. La grande question reste celle de l'intelligence, de la capacité à être critique, à prendre de la distance, à utiliser des outils d'analyse. A l'heure d'Internet, les théories du complot et les jugements expéditifs ont bien plus de succès que les analyses nuancées et le bilans complexes. La presse - une certaine presse -  n'est pas en reste, qui déclare péremptoirement que les Américains n'ont que le choix entre la peste et le choléra. On peut reprocher bien des choses à Hillary Clinton, notamment ses liens avec le grand capital, mais elle ne représente pas un danger pour les Etats-Unis et l'ensemble de la planète. Trump si. Et comme l'écrivait hier Paul Krugman dans le New York Times (4), elle est parvenue à tenir le cap malgré les interventions agressives de Wikileaks (qui apparaît de plus en plus comme un outil perverti, voire pervers), du FBI, de Fox News et d'autre médias. Si elle l'emporte, ce sera grâce aux électeurs qui ne se sont pas laissés gagner par la haine mais qui ont gardé le sens des valeurs. Et qui savent combien une démocratie, fût-elle la plus grande du monde, peut être fragile.

(1) http://www.lalibre.be/actu/usa-2016/donald-trump-interdit-de-compte-twitter-par-ses-collaborateurs-5820334acd70fb896a663d3f
(2) 9 octobre, in le Courrier international, 27 octobre 2016.
(3) 25 septembre, in le Courrier international, 27 octobre 2016.
(4) http://www.nytimes.com/2016/11/07/opinion/how-to-rig-an-election.html?emc=eta1&_r=0

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