jeudi 10 mai 2018

Jean-Luc Iznogoud

Dans la série "Comment se fâcher avec (certains de) ses amis", parlons de Jean-Luc Mélenchon. J'ai déjà exprimé ici combien je trouvais sa France insoumise très soumise à la production d'UBM, ces unités de bruit médiatique (1). Paradoxalement, son leader, avec le même sens de la nuance que la fille à papa Le Pen, ne cesse de vomir les médias, parlant du "parti médiatique" ou même de "la CIA médiatique". Soutenant sur ce terrain Laurent Wauquiez, leader de la droite dure (2), l'homme refuse les invitations de nombreux médias, ceux qui ne lui posent pas les bonnes questions. "Le pouvoir médiatique est d'essence complotiste", affirme-t-il, n'hésitant pas ainsi à participer à la diffusion de théories du complot. A cracher ainsi sur la presse, on ne peut s'affirmer démocrate. On se classe plutôt parmi les populistes. Ou les staliniens. Comment s'étonner que des véhicules de médias, telle une voiture de Radio France, aient été vandalisés lors de "La fête à Macron" organisée samedi dernier par les Français insoumis? "Vous n'avez rien à faire ici!", ont entendu les techniciens. Faudrait-il alors que les médias cessent d'évoquer la France insoumise, ses actions et les interventions de ses représentants? Ce parti a un rapport particulier aux médias: quand et comme ça l'arrange.

Dans le corso peu fleuri de la F.I. à Paris, trois chars pour fustiger le président Macron: Macron en Jupiter, Macron en Dracula et Macron en Napoléon. Puis, un quatrième char promenant le leader des Insoumis et ses députés (3). Mélenchon en Zeus, en Mars, en Che? Les élus insoumis ne pouvaient sans doute marcher avec les manifestants de crainte d'être confondus avec des représentants de La France en Marche
Etrange calicot dans cette manif festive: "Elu par défaut, viré pour défauts", peut-on y lire. (4) Si Emmanuel Macron a été élu par défaut, c'est qu'il était le moins pire des candidats. Parmi lesquels figurait un certain Jean-Luc Mélenchon. Les manifestants de la F.I. semblent avoir oublié, un peu vite, que leur candidat n'a pas réussi à séduire une majorité de Français. Il n'a même pas été élu, ni par choix positif, ni par défaut. Ce qu'on peut comprendre: comment un tel dinosaure de la politique, ce vieux de la vieille qui depuis trente-cinq ans a occupé toutes les fonctions politiques, pourrait-il encore apparaître comme l'homme du renouveau? Seule fonction politique qu'il n'ait pas exercée: celle de président de la République. Et on sent qu'il aimerait tant être calife à la place du calife. Avant d'être député à l'Assemblée nationale, il l'avait été au Parlement européen, abandonnant son mandat à mi-course, témoignant du mépris qu'il a pour la fonction et pour ses électeurs. Comment faire confiance à un élu si volage?

Jean-Luc Mélenchon s'est rendu hier à Moscou à l'occasion de la commémoration de la victoire de l'URSS sur l'Allemagne nazie. Il y a rencontré un des leaders de l'opposition de gauche à Vladimir Poutine. "Je ne veux pas entrer dans le concert d'aboiements et d'hystérie anti-russe qui s'observe en Europe sous prétexte de Monsieur Poutine", a-t-il déclaré. Mélenchon semble entendre ce qu'il a envie d'entendre: qui donc en Europe n'est pas capable de faire la part des choses entre les Russes et leur président? "Je viens ici le 9 mai, c'est un acte militant pour dire: les Russes sont nos amis." (5)
"En clair, un message à la Macron, souligne la journaliste d'Arte: en même temps, les Russes, oui, la Russie, oui, mais un bémol sur Vladimir Poutine."
Son porte-parole, Alexis Corbière, ne fait pas non plus dans la nuance tout en appelant à le faire : "arrêtons ce climat aujourd'hui, qui vise à considérer que quiconque n'est pas aligné sur le discours agressif, notamment des Etats-Unis, qui désigne Mr Poutine comme étant quasiment en train de préparer une nouvelle guerre mondiale, se voit immédiatement traité d'agent poutinien". 
"Un grand écart difficile, estime la journaliste d'Arte: Mélenchon condamne l'attitude de Poutine mais aussi les sanctions contre la Russie pour l'annexion de la Crimée et sa participation à la guerre en Syrie. "Un voyage symbolique au pays de Poutine. Pas sûr qu'il remette les pendules à l'heure, tel que le souhaite Mélenchon." 
Pas sûr non plus que ce sujet réconcilie l'ancien député européen anti-européen avec "la CIA médiatique" et en particulier avec la chaîne de télé qui entend participer à la construction européenne.

Post-scriptum: le fustigeur du foot "opium du peuple" est devenu fan de l'OM. Ce qu'il ne faut pas faire pour plaire à ses électeurs marseillais!
https://www.huffingtonpost.fr/2018/05/12/lom-en-finale-de-leuropa-league-jean-luc-melenchon-espere-une-place-en-tribune-emmanuel-macron-forfait_a_23432727/?utm_hp_ref=fr-homepage
Autre post-scriptum:
https://www.nouvelobs.com/edito/20180522.OBS7011/une-maree-populaire-bien-loin-du-rivage.html

(1) Sur ce blog: "Les faiseurs de bruit", 6 octobre 2017.
(2)  http://www.huffingtonpost.fr/2018/02/26/melenchon-prend-la-defense-de-wauquiez-dans-un-billet-enflamme-contre-la-cia-mediatique_a_23371361/?utm_hp_ref=fr-homepage
(3)  http://www.lemonde.fr/societe/article/2018/05/05/de-nombreux-participants-attendus-pour-faire-la-fete-a-macron-samedi-a-paris_5294695_3224.html
(4) Charlie Hebdo, 9 mai 2018, p. 14.
(5) https://www.arte.tv/fr/videos/079056-093-A/arte-journal/
(Re)lire aussi sur ce blog:
- "Le temps des culottés", 23.6.2017,
- "Réflexions de lendemain", 19.6.2017,
- "Le temps des immatures", 2.5.2017.

Aucun commentaire: