mercredi 16 mai 2018

Supériorité de la nature sur l'élu

Les populations d'oiseaux déclinent partout dans nos pays. Même en Brenne, pays d'étangs, de prairies et de haies (qu'on appelle ici bouchures). On y croise toujours une très grande variété d'oiseaux et ils sont très nombreux, mais certaines espèces connaissent des déclins inquiétants. On recensait en Brenne des centaines d'outardes canepetières dans les années '80. On n'en a vu que six en 2017. Les chardonnerets élégants, les verdiers d'Europe, les linottes mélodieuses, les hirondelles voient leurs populations diminuer. Certaines espèces ont chuté de 50 à 80% ces dernières années. On n'a plus vu de moineau friquet en Indre depuis deux ans (1).
Les causes sont diverses et pour une bonne part dues à l'agriculture intensive: suppression de haies et de jachères, monocultures, disparition des petites parcelles, utilisation de produits phytosanitaires. Mais les  particuliers et leurs jardins sans "mauvaise herbe" ont aussi leur part de responsabilité. Tout comme les chasseurs autorisés à tuer beaucoup trop d'espèces, dont certaines sont en voie d'extinction, telle l'alouette des champs. Derrière les oiseaux, ce sont les insectes qui disparaissent, la biodiversité qui est menacée.

A Tournai, en Belgique, un promoteur voudrait créer un terrain d'entraînement au golf sur la Plaine des Manœuvres, espace vague et herbeux de quelque treize ou quatorze hectares (si je me souviens bien), en bordure du boulevard périphérique. Au fil des années, depuis une quarantaine d'années, le terrain vague s'est réduit, la Plaine accueillant la Maison de la Culture, le hall des sports, des immeubles à appartements, des parkings, des terrains de sport. Restent quelques hectares encore. Le terrain de golf mesurerait trois cents mètres sur cent entièrement grillagés et un bâtiment de trois étages y serait érigé. Ça tombe bien, dit l'échevin des Sports, "il reste un vaste espace sur la Plaine des Manœuvres et nous ne savons rien en faire." Ne sait-il vraiment pas quoi en faire? N'en faire rien justement, rien d'autre qu'un espace naturel, un lieu d'accueil de la nature, des oiseaux, des insectes, de plantes divers. La nature est plus intelligente que les élus, elle sait que faire de zones sans projet. C'est ce que le jardinier et paysagiste Gilles Clément appelle le tiers-paysage, ces espaces, notamment urbains, délaissés et qu'il est bon de laisser délaissés.
"Le Tiers-Paysage –fragment indécidé du Jardin Planétaire- désigne la somme des espaces où l’homme abandonne l’évolution du paysage à la seule nature. Il concerne les délaissés urbains ou ruraux, les espaces de transition, les friches, marais, landes, tourbières, mais aussi les bords de route, rives, talus de voies ferrées, etc … A l’ensemble des délaissés viennent s’ajouter les territoires en réserve. Réserves de fait : lieux inaccessibles , sommets de montagne, lieux incultes, déserts ; réserves institutionnelles : parcs nationaux, parcs régionaux, « réserves naturelles ». 
Comparé à l’ensemble des territoires soumis à la maîtrise et à l’exploitation de l’homme, le Tiers-Paysage constitue l’espace privilégié d’accueil de la diversité biologique. Les villes, les exploitations agricoles et forestières, les sites voués à l’industrie, au tourisme, à l’activité humaine, l’espace de maîtrise et de décision sélectionne la diversité et parfois l’exclut totalement. Le nombre d’espèces recensées dans un champ, une culture ou une forêt gérée est faible en comparaison du nombre recensé dans un délaissé qui leur est attenant.
Considéré sous cet angle le Tiers-paysage apparaît comme le réservoir génétique de la planète, l’espace du futur." (2) 


Des citoyens tournaisiens pensent aussi qu'un terrain naturel constituerait un bien meilleur destin pour le dernier espace libre de la Plaine des Manœuvres plutôt qu'un beau gazon tondu ras et arrosé régulièrement. Ils se réuniront prochainement pour en discuter (3).

Et pendant ce temps-là, au niveau mondial, après l'effervescence du succès de la COP21, le destin environnemental de la planète ne semble plus susciter grand enthousiasme (4). Comme si le joueur de golf qui joue parfois à être président des Etats-Unis arrivait à imposer ses priorités.
Un jour, pourtant, la nature aura raison de lui.

(1) "Déclin des oiseaux: "il faut agir maintenant!" - interview de l'ornithologue Thomas Chatton, chargé d'études à Indre Nature, La Nouvelle République, 12.5.2018
(2) http://gillesclement.com/cat-tierspaysage-tit-le-Tiers-Paysage
(3) Réunion citoyenne, ouverte à tous, au bar de la Maison de la Culture de Tournai le jeudi 24 mai à 18h.
(4) http://www.lalibre.be/actu/planete/rechauffement-climatique-apres-l-effervescence-de-la-cop21-le-retour-de-l-inertie-5af5be94cd7028f079e96b3a


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Sans oublier toutes les pulvérisations dont font l'objet les terrains de golf.

D'un autre côté, un terrain vague se transforme vite en dépotoir...

Jean