mercredi 30 mai 2018

La presse, tête de turc

Certains des supporteurs d'Erdogan, en France, du côté d'Avignon, ne supportent pas qu'on écrive que leur président est un dictateur. Pour le faire savoir, ils ont utilisé des méthodes de dictateur pour obliger un kiosquier à retirer de sa vitrine la couverture de l'hebdomadaire Le Point qui présente le président turc comme un dictateur. Ils ont menacé le commerçant de brûler son échoppe s'il ne leur obéissait pas. Les journalistes turcs n'ont pas besoin d'aller si loin dans les critiques vis-à-vis du pouvoir pour se faire arrêter. Plus de cent d'entre eux sont en prison pour avoir exercé leur métier. Les menaces envers les libertés de la presse, devenues habituelles en Turquie, gagnent donc des pays démocratiques. La dictature a le bras long, grâce à ses fans. 
"Avec cet incident, écrit Riss (1), la peur élargit son champ d'action en partant à l'assaut d'un nouveau territoire: la politique. La peur avait déjà investi le spirituel, il lui reste à conquérir le temporel. Le blasphème n'est plus seulement religieux, il devient politique. Ce qu'a vécu Charlie Hebdo et cet incident sur une couverture du Point ont un dénominateur commun. La remise en cause de notre modèle libéral de pensée."
Le directeur de Charlie Hebdo constate combien l'injonction "faut respecter" envahit les réseaux sociaux, la religion et maintenant la politique. Critiquer serait irrespectueux. "Jamais le mot respect n'a été aussi peu respectueux des autres. Il sert désormais à intimider et à faire taire les contestataires."
Erdogan respecte-t-il les journalistes, la liberté de la presse, la justice, l'opposition, les droits de l'homme et ses défenseurs? 

Extraits du rapport 2017/2018 d'Amnesty International sur la Turquie:
"De nouvelles violations des droits humains ont été commises dans le contexte du maintien de l’état d’urgence. Les dissidents ont fait l’objet d’une répression sans merci visant en particulier les journalistes, les militants politiques et les défenseurs des droits humains. Des cas de torture ont cette année encore été signalés, mais dans une moindre mesure qu’au cours des semaines ayant suivi la tentative de coup d’État de juillet 2016. (...)
L’état d’urgence, instauré à la suite de la tentative de coup d’État de juillet 2016, a été maintenu tout au long de l’année. C’est dans ce contexte qu’ont été mises en place des restrictions illégales à l’exercice de droits fondamentaux, et que le gouvernement a été en mesure d’adopter des lois sans qu’un contrôle efficace puisse être exercé par le Parlement et les tribunaux.                                                                 Neuf députés du parti pro-kurde de gauche, le Parti démocratique des peuples (HDP), (...) sont restés emprisonnés pendant toute l’année. Soixante maires élus du Parti démocratique des régions,(...)  ont été eux aussi maintenus en détention. (...)                                                                                                       Le pouvoir judiciaire, qui a lui-même été décimé quand près d’un tiers des juges et procureurs du pays ont été révoqués ou placés en détention, demeurait soumis à une intense pression politique. Des cas de détention provisoire arbitraire, excessivement longue et infligée à titre punitif, ainsi que des violations des normes d’équité des procès ont cette année encore été régulièrement signalés. (...)                                Plus de 100 journalistes et autres professionnels des médias (...) se trouvaient en détention provisoire à la fin de l’année. (...)                                                                                                                                      En juillet, la police a effectué une descente (...) et a arrêté les 10 défenseurs présents, dont deux étrangers. Huit de ces personnes, notamment la directrice d’Amnesty International Turquie, İdil Eser, ont été placées en détention provisoire jusqu’à l’ouverture, en octobre, de leur procès pour « appartenance à une organisation terroriste », accusation forgée de toutes pièces et motivée par leurs activités de défense des droits humains."                                                                                                                                      
Si Erdogan n'est pas, à tout le moins, un apprenti dictateur, qu'est-il donc? Et ses supporteurs zélés qui participent aux menaces contre la liberté de la presse, que sont-ils donc, sinon de petits apprentis miliciens? Les braves citoyens qui veulent faire eux-mêmes la loi dans la rue et menacent de pratiquer des autodafés nous renvoient à l'Inquisition, à l'Italie fasciste, à l'Allemagne nazie.                                                                                
Demain sera une première pour moi: je vais acheter Le Point. Par solidarité.
(1) "Je suis Le Point", Charlie Hebdo, 30.5.2018.                                                                                      (2) https://www.amnesty.org/fr/countries/europe-and-central-asia/turkey/report-turkey/

Note: désolé pour la mise en page. L'introduction dans mon texte d'un texte extérieur la bouleverse...

1 commentaire:

Anonyme a dit…
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