lundi 28 mai 2018

Mauvaise foi

Le voile, encore et toujours. Fichu voile qui empoisonne la vie socio-politique en nos pays. Cette fois, c'est celui de la présidente du syndicat étudiant UNEF qui choque, par le message qu'il délivre. Maryam Pougetoux, qui porte un voile qui ne laisse voir que son visage, s'en défend: "Mon voile n'a aucune fonction politique. C'est ma foi", affirme-t-elle (1). Naïveté, ignorance ou mensonge? On s'interroge.
Le voile islamique est éminemment politique. Qui en doute encore aujourd'hui? Il faut être coupé du monde pour ne pas entendre ces femmes de pays musulmans qui risquent prison, emprisonnement  et coups de fouet si elles ne cachent pas leur corps et leurs cheveux. Car la femme, pour les islamistes, est par nature impure.
"Chaque mercredi depuis un an, rappelle le mensuel féministe Causette (2), des Iraniennes s'affichent avec un foulard blanc, sur les cheveux ou au bout d'une perche, pour protester contre le port obligatoire du voile. (...) Un combat encore risqué: depuis le début de l'année, au moins trois femmes ont été emprisonnées et vingt-neuf autres arrêtées pour avoir enlevé leur voile."

"Le voile, c'est l'islam politique, affirme la journaliste d'origine iranienne Abnousse Shalmani dont la famille a fui l'Iran devenu invivable. C'est la frontière Privé-Public portée à son paroxysme." (...)
"Il existe un vrai rapport, un rapport simple entre le foulard et la modernité: ils ne vont pas ensemble, écrit-elle encore. Le foulard est l'anathème de la modernité. Présentez-moi mille femmes voilées de tous âges et faites-leur répéter qu'elles se sentent libres, qu'elles se sentent heureuses sous le voile. Je ne les croirai pas. Elles peuvent être chefs d'entreprise, féministes, politiciennes, biologistes, écrivains, ingénieurs, nobélisables, elles n'en demeurent pas moins des femmes marquées par la honte d'être femmes. Elles trimbalent avec leur voile des millénaires d'abus, d'infériorité, de mépris. Elles se couvrent pour cacher leur honte." (...) "Qu'un homme viole une femme sans voile, il n'est pas coupable. La femme sans voile est une provocation. Elle n'a pas besoin d'en rajouter en jupe et en décolleté, elle est provocation quand elle est dé-couverte. Riez, riez sous mon nez d'enfant prisonnière du voile islamique, l'Histoire vous donnera tort: le voile n'est pas seulement un voile." (3)

Djemila Benhabib a grandi à Oran. Sa famille, menacée de mort par les islamistes, a dû fuir l'Algérie et s'est réfugiée en France. Djemila s'est peu après installée au Québec.
"Pour les intégristes, être musulmane c'est porter le voile islamique, écrit-elle (4). S'il peut prendre une multitude de formes, hidjab, burka, niqab, khimar, jilbab, tchador ou tchadri, il renvoie à la même réalité: l'apartheid sexuel." (pp. 61-62)
Djemila Benhabib rappelle qu'en 2002, dans l'incendie d'une école de filles à La Mecque, la police religieuse saoudienne a empêché des fillettes de fuir parce qu'elles ne portaient pas le foulard et qu'elles risquaient de rencontrer des hommes. Le quotidien saoudien Arab News a même rapporté les déclarations de témoins selon lesquels des membres de la police religieuse forçaient des jeunes filles à retourner dans le bâtiment en flamme sous prétexte qu'elles n'étaient pas voilées. (p. 63)
" Le voile est un instrument de contrôle social qui identifie la femme comme appartenant exclusivement à la communauté des croyants. (...) Il est leur identité politico-religieuse et elles ne peuvent concevoir d'appartenir à un quelconque autre groupe, qu'il soit sportif, artistique ou culturel, que celui des croyants. Le message est clair: les lois d'Allah priment sur toutes les autres." (p. 77)
Elle cite Chadortt Djavann, anthropologue d'orgine iranienne, vivant en France: Si aujourd'hui des jeunes Juifs commençaient à porter l'étoile jaune, en clamant "c'est ma liberté"; et si des jeunes Noirs décidaient de porter des chaînes au cou et aux pieds, en disant: "c'est ma liberté", la société ne réagirait-elle pas? Pourquoi n'est-ce pas le cas pour le voile islamique? " En acceptant le voile, affirme Djemila Benhabib, nous participons inconsciemment à renforcer et à façonner l'identité collective musulmane telle que circonscrite par les intégristes, car il n'y a rien dans le Coran qui en fasse une obligation explicite comme le prétendent les intégristes." (p. 72)
Elle cite aussi Soheib Bencheick, mufti de la mosquée de Marseille: "Le voile est une fausse route pour les jeunes filles. Rien dans le Coran ne leur impose d'afficher ainsi leur foi. Le voile conduit trop souvent à des comportements inquiétants, comme le refus de la mixité, de l'égalité des sexes, des cours de biologie ou de sport." (p. 73)
Elle cite également Malek Chebel: "L'obligation à porter le tchador pour les femmes n'est rien d'autre que la démission avouée des politiques face au puissant lobby d'imams rétrogrades parfois plus misogynes que religieux." (p. 73)
Comme ses consœurs, Djemila Benhabib a vécu terrorisée (et le mot a tout son sens) l'imposition du voile. Comme toutes les étudiantes algériennes, elle a reçu en mars 1994 l'ordre des islamistes du GIA de se voiler pour se rendre à l'université. Comme d'autres, elle a refusé de le faire "pour célébrer le courage de Katia Bengana, assassinée à la sortie de son lycée (...) à l'âge de 17 ans, le 28 février 1994 à Meftah. Katia avait refusé de porter le voile". (p. 76)
"Quel sens donner à un tel choix lorsqu'il se fait dans un contexte entaché par le sang de celles qui refusent de porter ce stigmate? (...) En fait, le voile est l'une des pires formes de sexualisation des femmes. Le voile, c'est un rapport obsessionnel au corps, à la chair, au sexe. Le voile, c'est le contrôle de la sexualité des femmes." (p. 79)

Chadortt Djavann ne dit pas autre chose:
"C'est très mal vu, un tchador qui s'ouvre furtivement. Indice de pute. Tchador clignotant.
Tout se montre alors que tout est censé être dissimulé, caché, à l'abri des regards nâmahrâm, illicites. Tout se montre, tout s'offre, le temps d'un seul regard. Indiscret. Voyeur. Voleur. Concupiscent. Le regard vole. Le regard des hommes dans cette contrée est aussi pénétrant que leur sexe. Plus puissant que leur sexe. Dès qu'un tchador noir s'ouvre, les regards y pénètrent déjà.
Et le péché est déjà là. Dans le regard des hommes. Dans la démarche de la femme." (5)

Pour les intégristes, le voile normal n'est qu'une étape. Comme en témoigne cette invective d'un "jeune habitué des mosquées à barbe de patriarche" à Molenbeek à l'adresse d'Hind Fraihi: "Ton voile ne convient pas! Porte une burqa ou va brûler dans les flammes de l'enfer!". Une phrase, fait-elle remarquer, qui fait écho à celle d'un prêcheur de la chaîne Al Jazeera, Youssef Al Qardawi: "L'enfer est la destination finale de la femme qui ne porte pas le voile". (6) 

Alors, quand on entend la présidente de l'UNEF affirmer: "à aucun moment je n'ai mis mon voile par volonté politique ou réactionnaire. Absolument pas", on peut se dire qu'elle est de mauvaise foi. Mais aussi qu'elle est étudiante, qu'elle a encore beaucoup à apprendre. On ne peut que l'encourager à lire, à rencontrer toutes ces femmes qui, pour sauver leur vie, pour pouvoir vivre libres, sans voile, ont dû fuir ces pays dominés par des islamistes pour qui le voile est un outil de domination, de soumission. Pour qui la femme est un être inférieur et le voile une manière de le montrer. Elle comprendra que porter le voile en affirmant qu'il n'a rien de politique, c'est nier ce que vivent au quotidien toutes ces femmes. C'est les insulter un peu plus.
Qu'elle lise aussi le "Discours de la servitude volontaire" d'Etienne de la Boétie. Voilà ce qu'il écrivait en 1576, alors qu'il avait dix-huit ans. L'âge où on est étudiant: "Ainsi la première raison de la servitude volontaire, c'est l'habitude. Voilà ce qui arrive aux plus braves chevaux qui d'abord mordent leur frein, et après s'en jouent, qui, regimbant naguère sous la selle, se présentent maintenant d'eux-mêmes sous le harnais et, tout fiers, se rengorgent sous l'armure". 

(1) https://www.huffingtonpost.fr/2018/05/20/maryam-pougetoux-juge-pathetique-la-sortie-de-gerard-collomb-a-son-egard_a_23439128/?utm_hp_ref=fr-homepage
(2) Causette, mai 2018.
(3) Abnousse Shalmani, "Khomeiny, Sade et moi", Grasset, 2014 (pp. 44-45).
(4) Djemila Benhabib, "Ma vie à contre-Coran - Une femme témoigne sur les islamistes", VLB éditeur, 2009.
(5) Chadortt Djavann, "Les putes voilées n'iront jamais au paradis", Grasset 2016.
(6) Hind Fraihi: "En immersion à Molenbeek", éditions de la Différence, 2016.(pp. 122-123)
A lire: https://www.marianne.net/politique/bruno-julliard-ex-president-de-l-unef-le-discours-de-l-unef-pour-defendre-le-voile-ce-sont
Et pour celles et ceux qui ont du temps à perdre: le discours pathétique de Besancenot, plus stalinien que jamais
https://www.marianne.net/politique/voile-maryam-pougetoux-unef-olivier-besancenot-une-charlie-hebdo-me-choque




2 commentaires:

Grégoire a dit…

Comme je l'ai déjà écrit "ici"-même, précédemment, j'ai mettre en exergue cette phrase de Saint-Ambroise : "Si tu vis à Rome, vis comme les Romains."
Dans Libération, sur leur site en l'occurence, dans une tribune mise en ligne le 28 mai, Saïd Benmouffok, professeur de philosophie dans un lycée critique la couverture de Charlie Hebdo de cette semaine sur la Présidente de l'UNEF. Il revendique le droit de critiquer Charlie, mais qui le lui a interdit? Ensuite, il estime cette nouvelle publication est contre-productive. Selon ce professeur, cette publication "ne peut qu’alimenter un sentiment d’humiliation, de rejet, et la tentation du repli identitaire dans une partie de notre jeunesse", sic. Je rassure ce professeur, ils font ça très bien eux-mêmes. Car, puisque rien dans le Coran, n'oblige à porter le voile, le port de celui-ci ne signifierait-il pas, une façon de faire comprendre à l'autre que l'on fait partie d'une communauté qui n'est pas la sienne. Cela maintient une distance. Il y a des communautés qui se retrouve volontairement majoritaire dans certain quartier.
Un des deux commentateurs de cette tribune écrit ceci : "Une écrasante majorité d'européen n'en a rien à secouer de partager son destin avec des concitoyens musulmans ou originaires d'Afrique, d'Asie, d'Antarctique.... Mais n'acceptera JAMAIS cette prise en otage qu'est le voile islamique. Pourquoi ? Parce qu'il est un symbole archaïque d'une société patriarcale et inégalitaire, point barre. Libre à celles qui ne peuvent l'admettre d'émigrer vers des contrées ouvertes à leurs exigences, elles ne manquent pas."

Anonyme a dit…
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