mercredi 28 novembre 2018

Le temps des autruches

Quelques mesurettes ici, quelques autres là-bas, le réchauffement climatique n'a pas de souci à se faire. Il va pouvoir sévir pleinement et ses conséquences, incalculables, se faire sentir à travers la planète entière. Et après nous les mouches. S'il en reste.
A part quelques rares pays, telle la Suède, les gouvernements ne prennent aucune mesure sérieuse  pour changer notre mode de vie et de consommation et nous permettre d'entrevoir un avenir moins noir. Et seul un faible pourcentage de la population est prêt à changer de mode de vie pour éviter la catastrophe. 
De plus en plus de pays sont gouvernés par le Club des Brutes épaisses qui rient des catastrophes climatiques annoncées, ne se soucient que de faire des affaires ou la guerre économique ou militaire. Parfois le tout ensemble. 

Le gouvernement français veut mettre fin au "tout bagnole" et annonce un réinvestissement dans le rail. 15,4 milliards d'euros seront investis dans les infrastructures et le fonctionnement du chemin de fer, avec une priorité aux lignes de proximité. Et la SNCF consacrera chaque année 3,6 milliards d'euros à l'amélioration de son réseau. On ne peut qu'applaudir. Sauf quand on constate que la même SNCF, dans le même temps, supprime des arrêts de train (et peut-être bientôt les gares elles-mêmes) à Argenton-sur-Creuse, à Loches, à Chinon, à Saint-Maixent et dans tant d'autres villes considérées comme secondaires. Pour donner priorité aux trains des lignes secondaires, aucune nouvelle ligne TGV ne sera créée, bravo! Mais bien quelques nouvelles liaisons autoroutières: les axes Rouen-Orléans et Toulouse-Castres, la route Centre-Europe-Atlantique, les contournements d'Arles et de Rouen, la désaturation de l'A31 en Lorraine. La vignette poids lourds est, une fois de plus, abandonnée, de même que le péage urbain. Mais qu'on se rassure: l'autopartage sera favorisé tout autant que celui des trottinettes (1).
Pendant ce temps, des Gilets jaunes occultent des radars et réclament la suppression de la limitation à 80 km/h. Il s'agit là, apparemment, d'une liberté non négociable: celle de rouler à la vitesse qui nous plaît. Qu'importent la sécurité routière et le climat? Heureusement, dans ce mouvement hétéroclite, d'autres réclament l'interdiction du glyphosate.
N'empêche, les contradictions sont partout. Tout le monde dit et fait n'importe quoi. Le match est (totalement) nul: 0-0.

La Belgique, elle, est menacée par la montée des eaux. On dit la Belgique, mais il s'agit plus précisément de la Flandre. La Vlaamse kust pourrait avoir totalement disparu en 2100. Mais les leaders nationalistes flamands ont d'autres priorités: l'indépendance d'un pays dont une part importante sera demain sous eau. La densité de population dans cette Flandre réduite à la portion congrue risque de dépasser celle de Hong Kong. De Wever et ses troupes se trompent totalement de combat. Au rythme où progresse le réchauffement climatique et où monte le niveau de la mer, 1,8 million de Flamands devront déménager d'ici la fin du siècle. De De Panne à Knokke, toutes les villes côtières seront des cités fantômes englouties par la mer. Même Antwerpen sera sous eau (2). Les nationalistes ont intérêt à prévoir de très hauts mâts pour leurs drapeaux.

Explications du climatologue Jean Jouzel, ancien vice-président du GIEC: "Cette chaleur supplémentaire que nous créons par nos émissions de gaz à effet de serre reste seulement pour 1% dans l'atmosphère. Plus de 90% vont dans l'océan. Le véritable test du réchauffement climatique, c'est l'océan.
"Il y a une telle inertie dans l'énorme machine océanique qu'une fois la montée des eaux engagée, on ne pourra plus l'arrêter. Elle sera le résultat de la dilatation thermique - l'eau chaude occupe plus de place que l'eau froide - et de la fonte des glaces. Si nos émissions de gaz à effet de serre continuent à augmenter, on se dirige vers près de 1 mètre supplémentaire à la fin de ce siècle, 2 ou 3 mètres à la fin du siècle prochain et, à échéance millénaire, la fonte totale du Groenland. De grandes villes côtières, Tokyo, Shangai, Bangkok, Dacca, mais aussi Miami, New York ou Lagos sont très vulnérables. Même si l'on maintient, par une réduction de nos émissions, le réchauffement à 2 degrés, les océans auront monté de 50 centimètres à la fin du siècle. Et surtout, l'élévation va se poursuivre pendant des siècles, voire des millénaires."

Il reste possible, selon le climatologue, de limiter les dégâts. Mais cela exige des mesures fortes: "abandonner le pétrole, le gaz et le charbon d'ici à 2050, c'est justement ce qui permettrait de tenir l'objectif de 1,5 degré. Cela signifie que l'on diminue par deux nos émissions dans les dix prochaines années, et qu'on poursuive l'effort dans les vingt ans qui suivent! C'est drastique. Pour cela, il faut que chaque citoyen réfléchisse à chacun de ses comportements, et surtout que tous les secteurs d'activité, logement, transport, agriculture, énergie..., s'y mettent. Cela suppose des investissements majeurs".

Les politiques devraient écouter les scientifiques. Mais ils regardent ailleurs semblent sourds. Ils préfèrent préserver leurs chances de réélection en prenant des mesurettes qui ne les rendront pas (trop) impopulaires. L'humanité sera-t-elle réélue? 

J'entre en une humeur noire, en un chagrin profond
Quand je vois vivre entre eux les hommes comme ils font.
Molière, "Le Misanthrope"

(1) Denis Daumin, "Comment la France va mieux bouger", La Nouvelle République - Indre, 27.11.2018.
(2) https://reporterre.net/La-Belgique-a-la-merci-de-la-montee-des-eaux
(3) Télérama, 24.11.2018.
A lire à ce sujet: https://reporterre.net/6-questions-6-reponses-sur-le-changement-climatique-ses-effets-et-les

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