"Le bio, c'est de la merde !", "Faut arrêter avec ces conneries !", "Si tu crois que tu vas nourrir l'humanité avec le bio, tu te fourres le doigt dans l'œil !". Voilà quelques propos éructés par des conseillers municipaux qui refusaient le label "Territoire bio engagé" qui leur était proposé parce que 24% de la superficie agricole utile de leur immense commune du sud de l'Indre est cultivée en bio.
On comprend par là que rien ne vaut les pesticides et l'agriculture dite conventionnelle. Comment expliquer alors que tant d'agriculteurs souffrent de cancers professionnels pour avoir répandu des engrais et des pesticides sur leurs champs ? Comment expliquer qu'au moins deux millions de Français doivent faire appel à l'aide alimentaire pour vivre ? Comment expliquer que 18% des agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté ? Comment ne pas vouloir voir que la malbouffe est la cause première de l'explosion de l'obésité et de diabètes ?
Un récent rapport français (1) intitulé "L'injuste prix de notre alimentation. Quels coûts pour la société et la planète ?" fait apparaître qu'au moins 19 milliards d'euros ont été dépensés en 2021 rien que pour réparer les dommages causés par le système agro-industriel. Même les fleuristes se plaignent de souffrir de cancers liés aux pesticides dont sont arrosées les fleurs qu'ils vendent. L'une d'entre elles a perdu sa fille de 11 ans morte d'une leucémie. A cette somme colossale de 19 milliards, il faut ajouter 48 milliards d'euros "offerts aux acteurs de la machine à produire de la malbouffe par le biais d'exonérations fiscales, sociales, de subventions diverses" (2). Soit 67 milliards d'euros pour soutenir l'agro-industrie et tenter de réparer ses dégâts. "D'une main, la collectivité répare, de l'autre, elle entretient la cause même des dommages occasionnés", résume l'étude. "La malbouffe tue, la malbouffe pollue, on découvre désormais qu'elle nous ruine", constate Natacha Devanda.
Dans la plaine d'Aunis, au sud de la Rochelle, on s'inquiète depuis 2018 de cas de cancers pédiatriques, surtout depuis la mort de Pauline, une jeune fille de 15 ans en 2019. Les familles de soixante-dix enfants ont fait analyser des prélèvements de cheveux et d’urine par le laboratoire de toxicologie et de pharmacovigilance d’un CHU. Les résultats viennent d'être rendus publics. "Quatorze molécules différentes ont été retrouvées dans les urines et quarante-cinq dans les cheveux, nous apprend Le Monde (3) et jusqu’à six (dans les urines) et dix (dans les cheveux) par enfant. Tous présentent des traces de pesticides. Certains sont particulièrement préoccupants. Ainsi du phtalimide, détecté dans les urines de plus de 15 % des enfants : cette molécule est le produit de la dégradation du folpel, un fongicide classé cancérogène, mutagène, et reprotoxique possible par l’Agence européenne des produits chimiques. Ainsi, également de la pendiméthaline, présente dans 20 % des prélèvements capillaires. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) associe cet herbicide très utilisé pour les cultures céréalières à des risques de cancer (pancréas et colorectal). Parmi ces substances figurent aussi des pesticides interdits."
Plus on lit l'article, plus on s'inquiète. D'autres enfants sont, très jeunes, atteints de cancer. Certains sont morts. L'agro-agriculture n'a pas plus de limite que de prix. Elle doit nourrir l'humanité.
Pour la petite histoire : la commune du sud de l'Indre n'a jamais demandé le label bio auquel elle a droit. Il ne faudrait vexer personne.
(1) rapport établi par le Secours catholique, le réseau Civam, Solidarité paysans et la Fédération française des diabétiques.
(2) Natacha Devanda, "Agro-industrie - La malbouffe dévore l'argent public", Charlie Hebdo, 25.9.2024.
(3) https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/10/12/des-pesticides-interdits-retrouves-chez-les-enfants-de-la-plaine-d-aunis-ou-se-multiplient-les-cancers-pediatriques_6349719_3244.html
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